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Publié par fxg

L'ancien ministre de Jacques Chirac était à l'Elysée jeudi 30 mai

L'ancien ministre de Jacques Chirac était à l'Elysée jeudi 30 mai

Interview. Léon Bertrand, maire de Saint-Laurent du Maroni, était au nombre des personnalités engagées pour le patrimoine que le président Macron recevait jeudi à Paris.

"D'ici quelques années, je ne serai plus là et Lénaïck Adam représente une communauté importante"

Cette invitation de l'Elysée signe votre grand retour à Paris...

C'est vrai que ça fait bien un an que je n'ai pas mis les pieds à Paris parce qu'on est absorbé lorsqu'on est maire d'une commune comme Saint-Laurent du Maroni qui est une commune qui fait face à énormément de défis. On est absorbé par le quotidien et le temps passe ! Mais cette invitation du chef de l'Etat me permet effectivement  de reposer les pieds ici, surtout à l'Elysée. Je suis très content parce que c'est une grande reconnaissance pour le travail que j'ai réalisé depuis pas mal de temps avec plusieurs équipes municipales depuis 1983 quand j'ai été élu maire pour la première fois. Dès le départ, je suis allé à l'encontre de ce que mes prédécesseurs pensaient. A l'époque, les gens voulaient purement et simplement raser le bagne par exemple. Ils estimaient que le camp de la transportation était une verrue de l'empire colonial qui n'avait rien à faire en terre guyanaise...  Moi, en tant que petit-fils de bagnard — mon grand-père était un Vendéen de Jard sur mer et il y avait pas mal de gens comme moi — je pensais que c'était l'histoire et que nous faisions partie de l'histoire. Il faut l'assumer purement et simplement ! Et cette idée est venue de conserver le bagne, le nettoyer... A l'époque, il y avait des idées un peu folles qui circulaient : on voulait en faire un hôtel... Pendant des années nous nous sommes battus, j'ai même fait exproprier M. Tanon, le grand commerçant qui était propriétaire des lieux. La commune a fini par racheter ces bâtiments dans les années 1990, j'ai réussi à le faire classer en partie... Et c'est parti ! Aujourd'hui, il y a centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine, une bibliothèque, un groupe théâtral, des résidences d'artistes, un parcours de musée...

Et cela s'inscrit dans la démarche en faveur du patrimoine que vient saluer le président de la République ?

C'est pour un ensemble de sites car à côté du bagne, il y a tout le quartier officiel qui a été refait avec des chantiers d'insertion. Là, il s'agit du projet de rénovation de la maison du receveur des douanes... J'ai fait classer Saint-Laurent du Maroni en ville d'art et d'histoire et tout ça a concouru à faire en sorte que Saint-Laurent représente au point de vue patrimonial une ville assez unique.

Que peut apporter cette reconnaissance nationale ?

C'est un élan nouveau car c'est un coup de projecteur sur Saint-Laurent. C'est faire savoir que quand on parle du bagne, on a toujours une image négative alors que pour moi, aujourd'hui, le bagne est une richesse patrimoniale. C'était un lieu d'enferment qui est devenu un lieu d'ouverture et de rayonnement. C'est une fenêtre car les gens qui ont entendu parler du bagne veulent voir le bagne mais quand on vient, c'est un prétexte pour que les gens puissent découvrir autre chose. Cette autre chose, c'est notre diversité culturelle...

Et c'est une ville qui est amenée à évoluer très rapidement, n'est-ce pas ?

Dans 4 ou 5 ans, Saint-Laurent dépassera Cayenne et d'ici 12 ans, ce sera la ville la plus importante démographiquement de tout l'outre-mer !

Vous avez d'ailleurs fait appel à des urbanistes en prévision de cela...

Avec les ateliers de Cergy, nous avons imaginé la ville en 2060 car nous avons une croissance démographique inédite de 8,4 %. Et quand ça va trop vite, le risque est d'avancée dans le désordre. Là, on a voulu qu'il y ait un cap et ce cap nous a été donné par les urbanistes qui sont venus non seulement de Paris, mais de l'Amazonie et du monde entier. Il fallait qu'on ait la réflexion la plus large  possible. Grâce à cela, nous avons un cap qui nous permet de décliner année après année les programmes de développement de la ville.

Le président Macron, c'est le nouveau monde, et vous, ancien ministre de Chirac, vous représentez l'ancien. Comment vous situez-vous par rapport à lui ?

Le président Macron a un gouvernement divers avec un Premier ministre qui est issu des mêmes rangs que moi. Chez lui, ce que j'aime, c'est qu'il fait ce qu'il dit et nous avons besoin de ça parce que nous sommes aujourd'hui dans une situation assez compliquée. La France a besoin d'être redressée, a besoin de grandes réformes de fond et pas des réformettes. Ca veut dire qu'il faut avoir du cran pour aller jusqu'au bout. Et ça, je le décèle chez lui. C'est la raison pour laquelle je me sens à l'aise. Le fait que j'honore son invitation, c'est non seulement pour le plaisir de la reconnaissance du travail fait, mais sur le plan politique, ça ne me gène pas du tout ! Je me sens à l'aise !

Peut-on transposer cela sur le plan local ? Peut-on imaginer un rapprochement entre vous et Lénaïck Adam ?

Lénaïck Adam n'était pas mon candidat... J'avais pris des engagements avec un autre candidat mais néanmoins, d'ici quelques années, je ne serai plus là et Lénaïck Adam représente une communauté importante à Saint-Laurent-du-Maroni. Je suis en train de jeter des bases importantes pour le développement de la ville, les ateliers de Cergy, l'OIN, le programme de l'ANRU... Beaucoup d'opérations se montent actuellement et vont se réaliser dans les prochaines années. J'ai besoin que cela se fasse en toute harmonie... Nous n'avons pas intérêt à nous battre entre nous. C'est pourquoi, j'ai proposé à Lénaïck que l'on se voie, qu'il prenne connaissance en détail des projets pour Saint-Laurent afin que nous puissions les défendre ensemble. Nous avons intérêt d'être en synergie d'autant plus que nous savons bien que Saint-Laurent comme l'Ouest ont toujours été le parent pauvre de la Guyane par rapport au littoral, à l'île de Cayenne et à Kourou. Oublions un peu nos divergences politiques et rassemblons-nous dans l'intérêt du territoire de façon pragmatique...

Vous avez 67 ans et vous songez déjà à votre retraite ?

La loi sur le cumul et la limitation des mandats va sortir et m'obligera certainement à prendre ma retraite. Et puis, un moment donné, on sent qu'il faut laisser la place, passer la main ! Et il vaut mieux la passer de façon intelligente en accompagnant...

Lénaïck Adam pourrait-il vous succéder ?

Lui ou un autre ! Mais ce qu'il faut, c'est que tous ces jeunes qui arrivent aient une vision partagée avec la mienne. Je ne dis pas qu'il faut absolument être du même parti politique, pas du tout, on peut faire partie de groupes politiques différents, mais avoir une vison partagée, c'est cela que je demande et c'est ce que j'essaie de mettre en place en ce moment.

Vous n'avez jamais été au PSG et pourtant, vous tenez depuis 1983 Saint-Laurent... Y a-t-il une typologie politique spéciale dans l'Ouest ?

On a su avec Georges Patient, avec Elie Castor à une époque, et d'autres, nous réunir pour créer la première intercommunalité de la Guyane, la CCOG. Et nous l'avons fait toit en étant d'obédiences politiques différentes parce que nous avions déjà vu le déséquilibre qui existait entre l'île de Cayenne et le reste du département. Nous avons déjà démontré notre pragmatisme devant les défis à relever et ne pas toujours mettre en avant la politique pour l'intérêt général et celui de la population.

Où en êtes-vous de vos ennuis judiciaires ? Votre contrôle judiciaire a été levé puisque vous êtes à Paris ?

J'ai le droit d'être là ! J'ai le droit de me déplacer. J'attends une décision de la Cour de cassation. Quand on est dans une procédure de cassation, tous les effets de la cour d'appel précédente, en l'occurrence celle de Basse-Terre,  sont suspendus...

Etes-vous serein ?

Je n'ai rien à me reprocher ! Depuis des années, on a fouillé ma vie et on n'a jamais pu démontrer que j'avais détourné quoi que ce soit. Il n'y a pas d'enrichissement sans cause. J'ai peut-être fait quelques erreurs comme tout le monde, mais je ne me sens pas du tout coupable de ce qu'on m'accuse...

Vous avez déjà payé cher et souffert de votre personne...

J'ai quand  même fait quatre mois de prison, ce qui n'est pas rien du tout et c'est pour ça que je me bats et que je me battrai jusqu'au bout.

Cela a-t-il contribué à changer votre regard sur la délinquance et la détention ?

Il faut tout faire pour empêcher cela... Mais, en arrivant à Orly Ouest, j'ai vu le nombre de douaniers qu'il y avait. J'ai bien entendu été sollicité par eux et je leur ai dit que je venais de Saint-Laurent. J'ai vu tous les yeux des douaniers s'ouvrir grand ! Saint-Laurent a une mauvaise réputation à cause des mules, de la cocaïne. C'est ça le grand problème ! Quand je parlais tout à l'heure d'avoir une vision partagée, je crois que pour éviter cette délinquance, il faut vraiment tout mettre en oeuvre pour créer du développement économique et des formations. Si aujourd'hui, beaucoup de jeunes se retrouvent à faire la mule, c'est parce que, quelque part, il y a sûrement des échecs de nos politiques publiques. Au lei d'envoyer la police, la gendarmerie et la douane, j'aurai préféré qu'on envoie à la place de ces effectifs que l'on ne cesse de grossir, des fonctionnaires pour la formation, des experts pour nous aider à faire partir l'économie.

Comment voyez-vous Saint-Laurent en 2060 ?

C'est une ville qui sera très cosmopolite et qui sera un pôle de liaison avec Albina. Nos vies sont trop étroitement liées pour qu'on ne puisse pas avoir un développement qui tienne compte des deux rives du Maroni. Saint-Laurent sera différente de Cayenne parce que cette approche que nous avons avec le Suriname va nous obliger à aller chercher d'autres façons de fonctionner, même institutionnellement, même si on reste dans la République.

Quel est votre point de vue sur une évolution statutaire ?

Il faut déjà définir un projet pour la Guyane. C'est ce projet qui nous dira ensuite quel est l'article de la Constitution le plus adapté pour cela.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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