Université des Antilles
Débat brûlant à l'Assemblée autour de l'université des Antilles
Le projet de loi de ratification de l'ordonnance de juillet 2014 portant transformation de l'université des Antilles et de la Guyane en université des Antilles a été adopté jeudi en milieu de journée à l'Assemblée nationale par 41 voix (36 socialistes, 3 radicaux et 2 écologistes), 22 abstentions (5 GDR, 16 UMP, et le rapporteur socialiste) et une voix UMP contre.
La loi instituant l'université des Antilles a été rendue nécessaire par la scission du pôle guyanais de l'université Antilles Guyane en 2013. Ce pôle étant devenu l'université de la Guyane depuis 1er janvier 2015.
Le débat sur les deux amendements du gouvernement (Victorin Lurel a retiré les siens - cosignés entre autres par Serge Letchimy - qui étaient identiques) a créé une vive tension dans l'hémicycle tout au long des trois heures qu'a duré cet examen. En cause, la réécriture par le Sénat, qui l'a adoptée à l'unanimité, de l'ordonnance gouvernementale du 17 juillet 2014 alors que celle-ci avait été négociée avec tous les parlementaires antillais, exception faite de ceux qui siègent sur les bancs du groupe GDR.
Geneviève Fioraso a reçu des coups en défendant ce projet de loi devant les députés, jeudi matin. Si Ary Chalus (Guadeloupe, RRDP) s'est contenté de regretter une "évolution à marche forcée" de l'UAG, le député UMP Patrick Hetzel a ciblé Christiane Taubira : "Certains membres du gouvernement ont joué le localisme ; certains membres du gouvernement ont plus d'influence que vous !" Puis, les parlementaires du MIM lui ont reproché d'avoir prôné les rapprochements entre universités dans l'Hexagone pour mieux moquer son texte pour les Antilles. Elle se défend : "Il est vrai que cette décision allait un peu à contre-courant de la politique générale de regroupement, mais je crois qu’il faut aussi savoir prendre ses responsabilités lorsqu’on est confronté à des situations de blocage qui peuvent être dommageables aux territoires concernés." "La mutilation de l'UAG est un échec flagrant, déclare M. Marie-Jeanne (GDR). Son onde de choc n'a pas fini de faire des dégâts ! Les tractations en cours n'ont qu'un but inavoué : nous amener à une seconde séparation..." Le ton était donné.
Puis, c'est sur Victorin Lurel qu'il a plu des coups (notamment de la part de Noël Mamère et Benoît Apparu, voir encadré). Le ton est monté d'un cran avec l'évocation du scandale du CEREGMIA, "à l'origine de l'éclatement de l'UAG", s'est plu à rappeler un député UDI. "J'ai dénoncé les détournements de fonds publics en bande organisée", a clamé Alfred Marie-Jeanne. Mais ce qui le "turlupine", c'est la continuité du mandat de la présidente actuelle Corinne Mencé-Caster que "certains veulent pousser à la porte". M. Marie-Jeanne y voit un "complot, une atteinte à la démocratie". Il voudrait que soit inséré dans le texte le principe d'une présidence guadeloupéenne et martiniquaise de l'université en alternance. Inconstitutionnel, répond la ministre. Le député Nilor s'est plu à son tour à rappeler que le dossier CEREGMIA était aux mains de la justice. Victorin Lurel lui a répondu : "C’est moi qui ai mis un terme aux dérives du CEREGMIA. S’il y a des voleurs parmi ces gens, eh bien qu’on les envoie en taule !" Sa sortie a alors déclenché de vives exclamations des députés jean-Philippe Nilor, Bruno-Nestor Azerot et Alfred Marie-Jeanne sur les bancs GDR.
Le vote d'hier révèle une alliance de fait entre les groupes GDR et UMP qui n'aura été au final qu'une répétition du vote de la motion de censure contre le gouvernement examinée hier après-midi. Ce vote met encore en exergue une rivalité non pas tant entre la Martinique et la Guadeloupe, mais entre les indépendantistes du MIM et la gauche antillaise qui soutient le gouvernement.
Le texte doit maintenant passer en commission mixte paritaire (sept sénateurs et sept députés) et il y a fort à parier qu'elle reviendra au texte du Sénat que la commision des affaires culturelles et de l'éducation avait adopté sans modification. Le projet reviendra ensuite devant les députés lors de la session qui suivra les élections départementales.
FXG, à Paris
Répartition des dotations
Le premier amendement visait à cadrer les conditions de répartition des dotations budgétaires par le conseil d'administration de l'université à chacun des deux pôles, martiniquais et guadeloupéen, « en tenant compte des projets universitaires de chaque pôle et de critères objectifs, notamment les effectifs étudiants, les enseignements dispensés, les activités de recherche, les surfaces. » C'est le terme "surfaces" qui a suscité de violentes oppositions, notamment entre Victorin Lurel d'une part et Alfred Marie-Jeanne et Jean-Philippe Nilor d'autre part. M. Lurel voulait faire valoir les 100 millions d'euros investis depuis dix ans en Guadeloupe (avec notamment la création d'un troisième campus à Camp-Jacob) : "Chaque année, a-t-il déclaré, quand la Martinique met 300 000 euros, nous mettons 3 millions. Pourquoi pénaliser notre dynamisme ?" Jean-Philippe Nilor a dénoncé un "arbitrage discriminatoire" qui aboutirait à "l'inéquité et l'asphyxie du pôle Martinique" en permettant d'attribuer 80 % des ressources à la Guadeloupe contre une répartition actuelle de 60 % et 40 %. "Cet amendement porte les germes de la division". L'UMP Benoît Apparu est venu en renfort : "Il porte en lui l'éclatement de l'université des Antilles !" Même oppostion chez les écologistes avec Noël Mamère : "On nous sert des amendements qui n'ont qu'un but clientéliste : des amis du gouvernement qui veulent défendre leur département !" Premier vote : 53 votants, 24 pour, 29 contre dont 4 frondeurs socialistes et deux écologistes. L'amendement du gouvernement est rejeté. Réaction du député Lurel : "Ce qui vient de se faire là ne sera peut-être pas accepté là-bas et peut entamer le démantèlement..."
La gouvernance de l'université
L'autre amendement a pour objet de rétablir l’élection (pour 5 ans) des vice-présidents de l’université des Antilles, présidents de pôles, par les conseils de pôles. Les conseils élisent ensuite le président de l'université. Il supprime l’élection conjointe du président de l’université et des vice-présidents de pôle universitaire régional sur une liste commune (le "ticket à trois"), une disposition introduite par le Sénat. Là encore, UMP, écologistes et GDR montrent les dents ! "Je ne suis pas de droite, lance le député Nilor, mais j'apprécie la proposition du Sénat qui est sage ! Le ticket à trois oblige la Martinique et la Guadeloupe à se mettre d'accord plutôt que de privilégier les divisions de personnes." Et il conclut magistral : "La droite peut avoir des idées lumineuses !"
Deuxième vote : 64 votants, 35 pour, 29 contre. L'amendement est adopté. C'est l'arrivée en renfort de députés socialistes qui a permis d'inverser le vote.
Repères
1883 : création d'une école préparatoire de droit à Fort-de-France.
1948 : création d'un institut d’études juridiques, politiques et économiques.
1970 : naissance du centre universitaire multidisciplinaire, commun aux Antilles et à la Guyane.
1982 : le centre universitaire devient une université de plein droit ; fin du rattachement historique avec l’université de Bordeaux.
Octobre 2013 : blocage complet du campus guyanais.
11 novembre 2013 : signature d'un protocole qui prévoit la création d’une université de Guyane de plein exercice.
30 juin 2014 : décret créant l’université de Guyane (effectif au 1er janvier 2015).
17 juillet 2014 : ordonnance sur l'université des Antilles.