La légion d'Honneur de Mounia
Mounia change de couleur !
Mounia Orosemane, l'égérie martiniquaise d'Yves Saint-Laurent, a encore été honorée par la République. Près de cinq ans après sa médaille bleue de chevalier de l'ordre du Mérite remise par la ministre UMP de l'Outre-mer, Marie-Luce Penchard, c'est la ministre PS des Outre-mer, George Pau-Langevin, qui lui a épinglé la médaille rouge de chevalier de l'ordre de la légion d'Honneur, lundi soir à Paris. Ce cas de figure démontre l'unanimité que fait Mounia, quelle que soit la couleur du gouvernement. Ca a d'ailleurs fait sourire l'ancien préfet de Martinique, Laurent Prévôt, présent à la cérémonie, qui a glissé ce bon mot : "Mounia change de couleur !"
Cette hommage républicain réitéré révèle l'excellence du parcours d'une très belle femme au très grand coeur. George Pau-Langevin, dans son éloge du récipiendaire, a retracé la "trajectoire peu banale" de Mounia depuis Saint-Esprit où elle est née. Georges, son papa était entrepreneur en plomberie, Tulie, sa maman, lessiveuse à la clinique de Sainte-Marie. Mounia a suivi des études secondaires au couvent de Morne Rouge avant de devenir infirmière stagiaire dans l'hospice où avait travaillé sa mère. Puis, elle trouve un emploi à l'aéroport du Lamentin ; c'est elle qui annonce au haut-parleur l'arrivée et le départ des vols. Le chef d'escale d'Air France la repère et lui propose de devenir hôtesse, d'abord en Martinique, puis à Orly. Un jour, alors qu'elle est préposée à l'enregistrement des bagages, Hubert de Givenchy se présente au comptoir. Emu par tant de grâce, le grand couturier lui propose de venir le voir. C'est ainsi que Mounia commence sa carrière de mannequin. Elle fait rapidement la une de Elle International, Vogue, le New York Times... Yves Saint Laurent la découvre à son tour. Il est subjugué par ce "diamant noir". Dès lors, Mounia est propulsée au sommet de la haute couture internationale au même titre qu'Iman Bowie. Lorsqu'elle apparaît dans le défilé "Porgy and Bess" d'Yves Saint Laurent en 1975, Catherine Deneuve et Paloma Picasso se lèvent et déclenchent ainsi une standing ovation ! Dès lors, elle pénètre l'intimité du grand couturier et de son alter ego Pierre Bergé. Monique Antoine Orosemane est devenue Princesse Mounia. L'égérie d'YSL développe alors d'autres talents. En 1988, Mounia sort un disque intitulé Kamikaze. En 1998, elle chante Trouble en duo avec Bernard Lavilliers. En 2004 elle sort l'album Moon's groove. Elle se met aussi à la peinture. Initiée par le peintre Bernard Buffet, elle écoute ce conseil précieux du sculpteur César qui lui suggère de ne pas prendre de cours de peinture pour préserver spontanéité et audace ! Elle expose en France, au Japon, en Côte d'Ivoire...
Mais c'est avec son action au service des orphelins martiniquais et, après janvier 2010, des orphelins haïtiens que Mounia révèle son grand coeur. Elle crée l'association "Mounia pour l'amour de l'enfant" et fait reconstruire une école et un orphelinat de Cité soleil à Port-au-Prince avec l'aide du SMA. Cinq ans plus tard, 157 enfants y sont scolarisés et 20 y sont logés. "Elle a mis sa notoriété au service des plus démunis, souligne George Pau-Langevin qui salue ainsi celle qui a fait "reconnaître la beauté des femmes noires".
Mounia n'a eu de cesse, dans son discours, de remercier toutes les personnes qui ont accompagné sa route, mais surtout les enfants : "J'ai énormément d'enfants, a-t-elle déclaré. Je suis fière d'eux. Ils croient en moi et je ferai tout pour leur donner trois repas par jours !" Ces quelques mots à eux seuls valent bien deux médailles !
FXG, à Paris