Une loi pour l'égalité réelle
Genèse d'un projet de loi
La nomination, annincée le 9 mai en Guadeloupe par François Hollande, de Victorin Lurel comme député en mission chargé de préfigurer la future loi pour l'égalité réelle fait suite à l'intense lobbying mené par le président du CreFOM, Patrick Karam, depuis sa première rencontre avec le président de la République le 12 mars 2014. En témoigne le courrier du chef de l'Etat du 14 avril 2014 : "L'égalité réelle entre les outre-mer et le reste de la Nation est un objectif auquel je souscris totalement. Après l'égalité civique et l'égalité vis-à-vis des systèmes de protection sociale, au moins s'agissant des départements d'outre-mer, il faut viser aujourd'hui l'égalité économique." Le 21 novembre dernier, au dîner du CReFOM, François Hollande s’engage en répondant favorablement au président du CREFOM : « Vous me demandez un plan pluriannuel en faveur de l'égalité réelle. (...) Il faut adopter une méthode. Cette méthode, c'est de fixer des objectifs en concertation avec les élus des territoires concernés (...) ensuite, viser des délais qui constitueraient des guides, avoir des critères de mesure..."
Sous la houlette du CReFOM, les trois lobbies économiques ultramarins, la FEDOM, EURODOM et l’UGPBAN se réunissent en janvier 2015. Le dossier est piloté par Guy Dupont, ex-président de la FEDOM et animateur de son think tank. Après de multiples échanges, une proposition de texte est soumise à l’Elysée et à Matignon.
Le 11 avril dernier, à la Journée Outre-mer développement, le Premier ministre évoque dans un même passage de son discours le déplacement du président aux Antilles et l'égalité réelle : "Nous avons, avec le président de la République, une grande ambition pour les Outre-mer. Certains, comme Patrick Karam, évoquent avec talent la notion d’égalité réelle. De nombreux textes émanant notamment de la rue de Solferino, ou de la Fondation Jean-Jaurès, utilisent cette expression. On ne peut pas reprocher à notre ami Patrick Karam de s’inspirer des meilleures sources …"
Manuel Valls donne ainsi un blanc-seing au projet de Karam alors que ce dernier est un conseiller régional UMP d'Ile de France qui revendique son amitié avec Nicolas Sarkozy. Mais aussi avec Victorin Lurel, cheville ouvrière de cette opération et que Hollande reçoit le 21 avril dernier. C'est ainsi que François Hollande a invité Patrick Karam à l'accompagner à l’occasion de son déplacement aux Antilles pour qu'il l'entende en direct annoncer que l'égalité réelle des Outre-mer est une priorité de la Nation.
FXG, à Paris
Patrick Karam, président du CReFOM
"Ce sera une loi cadre"
Pourquoi une loi ?
Au XIXe siècle, nous avons obtenu l'égalité civique avec l'abolition de l'esclavage, au XXe, l'égalité politique avec la loi de départementalisation, au XXIe siècle, ce sera une loi pour l'égalité réelle.
Beaucoup estiment que nos territoires sont assistés...
C'est faux, l'effort global de l'Etat pour les Outre-mer est de 22,5 milliards, 2,2 % du total, Sécurité sociale incluse, pour 4 % de la population. Où est l'assistanat ? La Réunion perçoit 5 % de moins que la moyenne nationale en termes de crédits publics.
Que doit établir ce projet de loi ?
Ce sera une loi cadre pour parvenir sur une génération à l'égalité réelle. Il s'agit d'imposer une obligation de résultat sur des objectifs d'amélioration de la convergence avec le standard hexagonal en 20 à 30 ans. Cette loi doit fixer des objectifs mesurables régulièrement avec un droit opposable collectif.
Comment va être mesuré ce standard ?
Une autorité indépendante contrôlera tous les deux ans l'évolution de l'indice de développement humain et notamment le revenu par habitant. Cette autorité inépendante existe déjà, c'est la commission nationale d'évaluation des politiques publiques crée par la loi de développement économique (lodeom) de 2009. Elle sera en mesure de proposer des mesures particiluères de rattrapage. Son rapport peut être transmis au Parlement.
Les objectifs diffèreront-ils selon les territoires ?
Chacun aura son plan territorial et disposera d'un droit opposable, c'est-à-dire le droit à la réalisation intégrale de ses objectifs garantis par l'Etat au représentant de chacune des collectivités. Ce droit s'exerce par un recours amiable, puis un recours contentieux devant le conseil d'Etat.
Quand sera votée cette loi ?
Le CReFOM plaide pour 2015, mais Matignon indique que ça ne pourra pas être possible avant 2016 car l'agenda est trop chargé. Il faut donc qu'avant la fin 2016, dans chaque collectivité d'outre-mer s'ouvrent des négociations pour forger son plan pour atteindre l'égalité réelle, dire quel projet de développement pour chaque territoire...
Propos recueillis par FXG, à Paris