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Publié par fxg

Christiane Taubira, garde des Sceaux, est aux Antilles pour quatre jours, du 21 au 24 juillet. Interview.

"J'ai renforcé les effectifs"

Après les derniers événements survenus à Ducos, quelle est la situation du centre pénitentiaire, tant côté personnels, que côté détenus ?

Le centre pénitentiaire de Ducos est un établissement difficile qui fait l'objet de toute mon attention depuis 2012. J'avais diligenté une mission, puis une inspection. En juillet 2014, j'ai reçu le rapport du groupe de travail sur les 'questions pénitentiaires en Outre-mer', que j'avais mis en place un an plus tôt. En conséquence, j'ai renforcé les effectifs. Le chantier, qui avait pris du retard, bénéficie désormais d’un suivi serré de l'administration, avec un nouveau directeur de projet. Ainsi, l'extension de 160 places sera mise en service au premier trimestre 2016, portant la capacité de l’établissement à 730 places. J’ai souhaité deux autres constructions dans le budget triennal 2015/2017: un centre de semi-liberté et un autre établissement fermé afin de rattraper le retard subi par ce territoire, laissé à l’abandon de la précédente majorité depuis tant d’années.

La situation à Baie-Mahault est moins criante, mais elle reste tendue aussi avec cette lancinante question de la surpopulation pénale...Quelle est la réalité de cette surpopulation à Ducos comme à Baie-Mahault ?

La surpopulation est réelle et importante dans ces deux établissements. A Ducos comme à Baie Mahault, des détenus dorment à plusieurs en cellule voire sur des matelas par terre, ce n'est pas admissible. C'est pourquoi j'ai prévu la construction de nouvelles places en Martinique mais aussi en Guadeloupe, notamment à Basse-Terre.

Peut-on appliquer de la même manière une politique pénale alternative à la détention aux Antilles que dans l'Hexagone ?

Il faut en conserver le principe. Je renforce les services pénitentiaires sur l'ensemble du territoire à hauteur de 1000 personnels pour un corps de 4000 personnes, soit une augmentation de 25% ! Les Antilles en bénéficieront aussi. La réforme pénale, promulguée le 15 août dernier, permet le prononcé d’une nouvelle peine, la 'contrainte pénale' avec un suivi du condamné mieux adapté. Nous avons également instauré la 'libération sous contrainte' qui créé un sas à la sortie de détention. Ces nouvelles mesures pour prévenir la récidive sont applicables aux Antilles comme dans l'Hexagone. Il nous faut cependant trouver davantage de partenaires pour leur mise en œuvre (structures d’hébergement, d’insertion professionnelle ou de prise en charge sanitaire).

Serez-vous « la dernière visite ministérielle » de la prison de Basse-Terre ?

Assurément, tel qu’est actuellement l'établissement. Les conditions de détention ainsi que de travail des agents n'y sont pas dignes. J'ai obtenu des crédits conséquents dans le cadre du budget triennal 2015/2017. Je veux que nous puissions trouver rapidement la meilleure solution dans la concertation.

Où en sont les projets immobiliers de la justice en Martinique et en Guadeloupe ?

En Martinique, j’inaugure le nouveau bâtiment, qui a l'air magnifique, abritant la cour d’appel de Fort-de-France. Cela renforcera la place de l’institution judiciaire sur le territoire. Je sais que des lycéens et des jeunes de la Protection judiciaire de la jeunesse ont travaillé sur un projet de mise en forme de phrases sur la justice, qui seront projetées dans la salle des pas perdus. Il est important que les plus jeunes s’approprient aussi bien l'institution que le lieu.

En Guadeloupe, des travaux importants vont commencer en novembre pour rassembler les services du TGI de Pointe-à-Pitre actuellement dispersés sur trois sites. Le nouveau palais de justice sera situé en centre-ville, près de la place de la Victoire et à proximité de la sous-préfecture. S’agissant du Palais de Justice de Basse-Terre, une extension des surfaces modulaires de 450 m² et une restructuration de la cour d’assises sont prévues. Le coût de l'ouvrage s'élève à 2 M€, et le conseil régional y participe à 40% aux côtés de l'Etat.

La procureure générale de Basse-Terre vient d'être nommée procureur générale de la cour d'appel de Paris, faut-il y voir un encouragement à venir exercer la magistrature en outre-mer ?

J’ai en effet proposé madame Catherine Champrenault au poste de procureure générale près la cour d’appel de Paris; c'est la première fois qu'une femme occupera ce poste depuis la création de la cour d'appel de Paris, soit plus d'un siècle. J'ai également proposé monsieur James Juan, avocat général à Basse-Terre, comme procureur général près la cour d’appel de Nouméa. Ce sont deux magistrats de grande valeur, et leur parcours en outre-mer n’y est sans doute pas indifférent. Mon souci va bien au-delà : je souhaite que les jeunes de nos territoires comprennent que ces postes sont à leur portée, et que l'on peut y faire de belles carrières. Voilà pourquoi je travaille avec les universités pour instaurer des tutorats et que je veux développer les classes préparatoires intégrées.

Me Ursulet a obtenu ce 16 juillet que la France soit condamnée par la CEDH pour la violation de l’article 3 de la Convention dans son volet matériel. Faudra-il changer la législation sur la légitimité de la violence policière ?

Ce n'est pas la législation française qu'a condamnée la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH); cette législation ne reconnaît d'ailleurs absolument pas un droit à la violence aux forces de sécurité; elle leur applique les règles générales de la légitime défense, qui supposent un usage de la force strictement proportionné à l'agression. S'agissant de l'enquête menée par la Justice, la CEDH a d’ailleurs conclu à la non-violation de l’article 3 de la Convention sous l'angle de l'obligation procédurale; concernant la façon dont les investigations ont été menées, la Cour a estimé que le requérant n’avait nullement démontré en quoi les investigations n’auraient pas été conformes aux exigences d’une enquête effective. Ce qu'a condamné la CEDH, c'est au contraire un usage jugé disproportionné de la force publique, qui ne concerne, heureusement qu'une infime minorité des forces de l'ordre.

Pourquoi avez-vous été réticente pour le transfert de la tenue du registre de commerce des sociétés des greffes des tribunaux mixtes de commerce aux CCI ?

Un amendement, voté dans la loi croissance et activité, actuellement examinée par le Conseil constitutionnel, prévoit que les CCI auront en charge la tenue du registre du commerce et des sociétés. Je sais combien les difficultés de gestion de ce registre ont pu pénaliser, depuis une dizaine d’années, la vie économique dans nos territoires. Lorsque j'étais députée, j'ai eu à intervenir pour que les délais d’immatriculation des entreprises soient normalisés. Je comprends donc parfaitement le souci des élus; j’ai mis en place un plan de redressement, avec d'importants moyens supplémentaires, dont les effets sont déjà significatifs. A Fort de France, le délai d’immatriculation d’une entreprise a été ramené à 3 jours ; à 4 jours à Basse Terre. Les extraits de KBis sont délivrés en une journée. Avant la fin de l’année, la situation sera devenue normale. J'ai fait établir un tableau de bord mensuel. Les progrès sont réels. Concernant le transfert aux CCI, je répète que cela ne me paraît ni efficace, ni exempt de tout risque. Selon l'amendement, il faudra que par convention de délégation, les CCI se préparent à gérer le RCS, tant pour les personnels à recruter que pour le déploiement des outils informatiques. Il faut espérer que les délais ne se rallongent pas à nouveau. J'ajoute que, sans mettre en cause la probité de qui que ce soit, il y a des risques objectifs de conflit d’intérêt, et de contestation par des tiers. Nous verrons si l'avenir me donne tort.

Propos recueillis par FXG, à Paris

 

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