Mérine Céco et Corinne Mencé-Caster
Le passé oblitéré de Mérine Céco
Mérine Céco, allias Corine Mencé-Caster, publie un recueil de nouvelles, "Au revoir Man-Tine" chez Ecritures, axé sur la génération des années 1970 aux Antilles. "C'est une génération qui n'a pas été beaucoup traité par les écrivains de la créolité et qui correspond à celle des petits enfants de José Assam, le héros de "La rue Case nègre". Je pose la question de comment ces enfants qui ont entre 40 et 45 ans aujourd'hui perçoivent le passé de l'habitation, la littérature de la créolité et l'éducation qu'ils ont reçue dans une société qui a été mondialisée très rapidement et qui les a coupés de la Martinique traditionnelle dans laquelle nos parent sont grandi..." Cette génération qui a connu la modernité et qui se trouve à son tour parent, a-t-elle encore envie ou simplement la possibilité de transmettre ce qu'elle a reçu de ses propres parents, ce passé que les jeunes oublient de regarder. "Je pose la question : ont-ils envie de dire au revoir à Man-Tine, la grand-mère de José ? Ont-ils quelque chose à lui dire ? Et sont-ils en capacité d'entendre ce que cette génération leur a dit ou a eu à leur dire ?"
Mérine Céco dresse le portrait doux-amer d'une génération à la fois caustique et tendre dans laquelle on peut retrouver l'auteur dans le regard. "On peut considérer cela comme une auto-fiction", concède-t-elle. Elle a su trouver la littérature de Chamoiseau et de Confiant au moment où elle était étudiante dans l'Hexagone et qu'elle se posait la question de ses racines, de son origine. Car la quête identitaire est portée par la littérature, y compris dans cette société où l'on n'a pas eu "un longtemps pour se construire"... Une société qui s'est accélérée, une société qui a deux langues mais où l'on se reconnaît pas comme sujet bilingue, où l'on a plusieurs histoire mais où l'on n'arrive pas à négocier entre toutes ces histoires... "Il est important que la littérature porte la trace de ces interrogations, de ces réflexions même si c'est sur le mode de la fiction", avance-t-elle. Les réfréences vont au-delà de Zobel puisqu'elles effleurent Simone Schwarz-Bart (Pluie et vent sur Télumée Miracle") et les auteurs de la créolité... "Mais également à Proust puisqu'il y a cette espèce de récupération du passé comme la madeleine qui permet de tisser un fil !"
Mérine Céco veut faire passer un message : "Plusieurs génération se sont sacrifiées pour permettre aux suivantes de sortir de l'espace de la plantation. Il faut pouvoir comprendre ce qui s'est passé et permettre à chacun de s'analyser soi-même... Cette génération a un énorme mal être dont elle ne connaît pas les origines du fait de l'oblitération du passé."
FXG, à Paris
Un esssai sur la femme antillaise
Avec "Mythologie du vivre femme" sorti chez Persée, Corine Mencé-Caster reprend sa casquette d'universitaire pour se pencher sur la condition des femmes en 2016, particulièrement dans les sociétés créoles. "La manière dont on fabrique un enfant ici aux Antilles, explique Mme Mencé-Caster, est fortement marqué par l'histoire de l'esclavage et de la colonisation, parce que nous ne sommes pas encore franchement affranchis de ces éléments historique." Elle considère que la femme antillaise a intériorisé le discours de la domination pour le reproduire alors qu'elle en est elle-même victime quand les hommes tiennent sur elles un discours de respectabilité, de modération et de mise en retrait... "Il faut un réveil, plaide-t-elle, un sursaut des femmes qui méritent un meilleur sort !" Aujourd'hui, l'Antillaise qu'elle nous dépeint est une mère qui travaille : "Elle est la responsable du gouvernement domestique, obligée de faire un grand écart permanent entre la maison et le travail, en traînant une culpabilité nourrie par la société dès lors qu'on a l'impression qu'elle privilégie sa carrière professionnelle ou personnelle sur sa vie familiale. La femme potomitan est prisonnière de cette image de mère sacrificielle et idéalisée." Cette mère a elle-même du mal à rompre avec cette image pour vivre des vies autres. "L'indépendance économique doit rester l'objectif premier. Les enfants se font avec des hommes et ces hommes sont autant responsables que les femmes. Elles doivent viser des postes de décision pour changer la société avec leurs manières..." Et c'est la présidente de l'université des Antilles qui l'écrit !