Cambadélis aux Antilles
Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS est arrivé le 9 décembre en Martinique, puis le 11 en Guadeloupe, juste avant le lancement de la primaire du parti socialiste. Interview.
"Je demande à Macron et Mélenchon de participer à la primaire"
Pourquoi ce déplacement à ce moment ?
Je ne suis candidat à rien, si ce n'est au rassemblement de l'ensemble de la gauche. Je fais un tour de tous les territoires ultramarins parce que ce gouvernement est le plus pro-ultramarin de la Ve République, vu l'ensemble des mesures qu'il a pu prendre. Le PS, de son côté, veut donner une impulsion à ses fédérations. Je me suis rendu à Mayotte et à la Réunion, je vais aujourd'hui aux Antilles... Je vais faire des rencontres, avoir des discussions avec des militants et des sympathisants, pas de grand meeting ! Je ne viens pas donner la leçon, je viens écouter, comprendre, mesurer et ramener après ce qui est réellement, non pas des applaudissements, mais ce que pensent les gens.
Hormis Serge Létchimy et Victorin Lurel, avez-vous des amis aux Antilles ?
Louis-Joseph Manscour, le député européen est un ami personnel, mais il y a beaucoup de socialistes et de responsables sur place qui regardent d'un bon œil le courant progressiste.
Que retenez-vous de ce quinquennat pour les outre-mer ?
La loi égalité réelle Outre-mer, une très grande loi ; on n'avait jamais été jusque-là. On était dans l'égalité formelle et on voyait bien que ça ne fonctionnait pas. C'est une très grande avancée sur laquelle il sera difficile de revenir. L'effort que nous avons fait pour l'enveloppe de la mission Outre-mer, malgré un budget plutôt contraint sera poursuivi si nous sommes élus. Mais comme vous savez, nos adversaires proposent 100 milliards de réduction des dépenses publiques. Vous comprendrez qu'il va bien falloir couper dans les subventions et les services publics, les fonctionnaires, les allocations de solidarité... Les ultramarins seront les premiers touchés de cette réduction des dépenses publiques.
Manuel Valls a annoncé sa candidature à la présidentielle, pas à la primaire de la gauche. Qu'est-ce que ça veut dire ?
Il y a bien une primaire. Mais, les candidats ne doivent pas s'enfermer dans le jeu des partis. Ils doivent parler à la France et aux Ultramarins même s'ils passent par la primaire. Il y a eu une ambiguïté ou une ambivalence dans les propos : ils parlent au pays et en même temps, ils passent par la primaire.
En 2012, les Antilles ont voté Hollande en masse. Depuis les régionales, la situation a changé. Qu''espérez-vous pour 2017 ?
Les Guadeloupéens, les Martiniquais s'interrogent. Mais ils vont comparer avec le programme et les propos de la droite, comme la fameuse formule de François Fillon sur la colonisation, partage des cultures (!) Je ne sais pas comment on peut recevoir cela si ce n'est la forme suprême du colonialisme... Il y a à la fois des programmes et puis le projet qu'il faut mesurer. Après avoir jugé, en bien ou en mal, la politique gouvernementale menée par Victorin Lurel, George Pau-Langevin et Ericka Bareigts, il va falloir comparer ce qui est proposé par les uns et ce qui a été fait par les autres. Je crois que ceci devrait être facile.
Comment faire la différence avec la candidature d'Emmanuel Macron qui était dans ce gouvernement et, avant, le conseiller de Hollande à l'Elysée ?
Il faut placer ce centre gauche devant ses responsabilités, car si nous sommes divisés et coupés en trois entre Jean-Luc Mélenchon, le candidat issu de la primaire de la gauche et Emmanuel Macron, nous mènerons un combat pour savoir qui sera le troisième, mais pas qui sera au deuxième tour. Or, c'est important qu'il y ait un deuxième tour entre la droite et la gauche, parce que je ne vois pas M. Fillon, dans sa radicalité, lancer un appel pour le candidat de gauche s'il était qualifié. Vu le programme de la droite, on va bien être en peine de rassembler le pays autour de son candidat. Ca fait un risque vis-à-vis du Front national. Si on veut conjurer ce risque, il faut retourner à un deuxième tour droite-gauche et pour cela, il faut un candidat qui soit sélectionné par les hommes et les femmes de gauche pour être au deuxième tour. Je demande donc à Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon de participer à la primaire pour que la gauche soit au 2e tour de la présidentielle.
Comment vous positionnez-vous ?
Le premier secrétaire du PS est obligatoirement impartial évidemment, mais il y a des arguments que je ne peux pas accepter. On ne peut pas dire "Manuel Valls s'est disqualifié en disant que les deux gauches étaient irréconciliables" et estimer qu'on ne pourra jamais se réconcilier avec lui. C'est la primaire qui tranchera et rassemblera. Organisons la primaire et laissons les citoyens trancher, pas seulement sur la base d’hier, mais éclairons demain. Parce que s'empailler sur le lait renversé, ça ne fait pas rentrer le lait dans la bouteille !
Propos recueillis par FXG, à Paris