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Publié par fxg

Au New Morning le 19 avril dernier

Au New Morning le 19 avril dernier

Le batteur "rythmicien" martiniquais Jean-Claude Montredon a brillé, mercredi 20 avril au New-Morning, à Paris. L'artiste qui fête ses ses 50 ans de carrière est venu présenter son premier album "Diamant H2O" dont il signe les compositions. A la tête de son quintette, Jean-Claude Montredon s'est entouré du pianiste Alain-Jean-Marie, du bassiste Michel Alibo, du saxophoniste Jon Handelsman et du trompettiste Stéphane Belmondo avec sa conque de lambi.

"J'ai voulu rendre hommage au rocher du Diamant"

La musique, ça a commencé comment, à l'école, dans la famille ?

J'ai quand même eu mon certificat d'études (rires)... Ma mère m'envoyait chercher de l'eau au point Démosthène. Il y avait un robinet sur le trottoir et j'amenais un seau. Ce seau, je l'ai tourné et il avait un son de tabla. Un jour, un ami de ma mère, de Sainte-Lucie, lui a dit : "Tu vois ce petit, il va faire un musicien." Après mon certificat d'études, j'ai dit à ma mère que je ferai de la musique. Elle m'a dit : "La musique, c'est sérieux, il faut travailler..." Je n'ai pas travaillé et je me suis retrouvé à l'orchestre Tropical du père de Georges Noël. C'est Georges qui m'a auditionné avec une timbale, boléro, mambo... Je n'ai pas fait long feu avec Tropical, un an au plus. Je me suis retrouvé dans l'orchestre des frères Bernard Père avec la timbale. On jouait au Tam Tam vers Redoute, l'établissement de Berly et Ghislaine Glaudon, les patrons de l'Impératrice, avec les oncles de Marius Cultier, son frère Nel Lancry, Thurenne Roussy, Lola Martin... Marius a joué là aussi et il m'a pris comme un fils. On faisait aussi des punchs en musique le midi à l'ORTF avec Francisco Charles-Denis, Paul-Jules Vécour et Marius... Puis Georges Brival lui a demandé de monter l'orchestre Tropicana...

Quand avez-vous touché une batterie pour la première fois ?

J'avais 16 ans et je jouais de la conga avec Tropicana, à la Bananeraie et à la Morina sur l'ancienne route de Schoelcher, et pendant les quarts d'heure de charme, le batteur Jacques Michelin allait danser et me laissait donner un petit coup de batterie. Je jouais des boléros et quand le quart d'heure de charme s'achevait, il revenait à sa batterie et sa timbale et je reprenais ma conga ; on lançait un cha cha cha.

Très vite vous partez au Canada, comment ça s'est présenté ?

Nous sommes partis le 12 juillet 1967 pour l'exposition universelle. Georges Brival a tout vendu, la Bananeraie et la Morina, pour ce voyage auquel participait une délégation de toutes les Antilles. Georges Brival avait monté une boîte dans l'Expo, "La cabane à rhum". C'était culinaire et musical. Georges m'a proposé de prendre la batterie et j'ai joué des boléros, des biguines avec Marius, le sax Paul Julvécourt, le contrebassiste Donnadieu Monpierre, le chanteur Pierre Jabert et encore André Salvador, le frère d'Henry. Alain Jean-Marie nous a rejoint avec son vibraphone...On n'était pas encore très jazzy. Je connaissais un peu la bossa nova puisque quand j'avais 8 ans, ma mère m'a offert un poste à galène et j'écoutais Stan Gets sur Voice of America...

Que s'est-il passé après l'Exposition universelle ?

Nous sommes restés à Montréal pour l'exposition Terre des hommes qui prolongeait la première. Marius Cultier est parti jouer dans un autre groupe. Leur scène de prédilection était l'hôtel de la Martinique à Montréal... Je jouais dans des clubs avec Alain, Paul Julvécourt et Winston Berkley. Un jour, j'entre dans un supermarché et j'entends Stan Gets que je reconnais aussitôt. Je veux être comme lui, je me dis. Je veux qu'en m'entendant, les gens sachent que c'est moi. Pendant quatre ans, j'ai travaillé mon rythme, mon impro, mon son et ma technique, huit heures par jour, dans un studio, dans le noir. Surtout, ne pas jouer comme les autres. Quand tu entends le batteur de Sony Rollins jouer "Saint-Thomas", tu entends le calypso mais ça n'en est pas un. Quand un Américain joue le cha cha cha ou le mambo, il y a des lacunes dans le rythme. Il joue très bien le 4-4, mais si tu lui demandes d'aller dans le 6-8 ou le 7-4, il est perdu... A droite, c'est le poignet qui travaille, à gauche, c'est le pouce et l'index. Je joue haut perché, comme au-dessus d'une cuisine et je fais ma cuisine ! Quand tu joues très droit, tu reçois toutes les bonnes vibrations...

Pourquoi avoir quitté Montréal ?

Paul Julvécourt voulait restait, mais alain, Winston et moi avons dit non, il fait trop froid ! On a monté le groupe Liquid Ruck Stone, puis on est rentré en Martinique. On a eu un contrat à l'hôtel Diamond Rock. Le patron nous a dit : "Vous jouez ce que vous voulez, mais je veux entendre les fourchettes et les couteaux de mes clients." Exactement comme Chet Baker qui disait à Alain Jean-Marie : "Tu joues, mais pas trop. Tu improvises, mais pas trop. Tu m'accompagnes, mais pas trop..." (Rires !)

Liquid Ruck Stone, le Diamond Rock et maintenant l'album qui s'appelle "Diamant H2O"...

Tout ça renvoie au rocher du Diamant. Il est entre ciel et mer et j'ai voulu lui rendre hommage. Ce rocher a été courtisé par les Anglais, les Français, les Allemands, les Espagnols, les Hollandais... Tous ces gens ont combattu pour prendre ce rocher. Il y a eu des morts et il y a de l'or. Les pirates qui l'ont déposé tuaient des esclaves pour que leur âme garde le trésor. Même le commandant Cousteau n'y est pas arrivé...

Pourquoi dîtes-vous que c'est la musique qui vous a choisi ?

Un jour, je retrouve un ami qui me dit : "Mwen kité mizik." Je lui ai répondu : "Non, c'est la musique qui t'a quitté !" La musique est très jalouse ! A 23 ans, quand j'ai rencontré ma première épouse, je lui a! dit que la musique était ma femme et ma batterie ma maîtresse.

Vous n'avez jamais joué de zouk ?

Quand on me demande ce que je pense du zouk, je réponds que j'ai fait de la kadans kompa. J'ai joué avec West African Cosmos d'où sont sortis Touré Kunda et la world music. Le jazz, c'est Duke Ellington qui a dit à un journaliste : "Call it jazz." Le blues, c'est le chant des esclaves... On donne les noms qu'on veut... J'aime jouer de la musique évolutive. François Luther m'a permis de jouer dans le Caribean Workshop Group et dans le West Indies Jazzmen. Je suis dans le premier 45 tour de Malavoy — j'aimerai bien l'avoir. Le titre que je joue s'appelle "Ralé Senn'nan". Ma conception de la musique, c'est l'évolution. Je ne veux pas me cantonner à une musique, ni faire n'importe quoi. Dans la musique, il n'y a pas de sentiment, je ne joue pas avec mes copains si ça ne m'intéresse pas.

Pourquoi avoir attendu 50 ans pour faire un album solo ?

J'ai toujours été sideman pour pas mal d'artistes et l'opportunité est arrivée via Touali mon fils, et Annabelle, son épouse. Et puis, j'ai le temps, je suis à la retraite ! Et comme je touche 262 euros par mois, je dois encore gagner ma vie ! Mais je suis bien loti, j'ai des copains en Martinique qui ne touchent que 160 euros !

Propos recueillis par FXG, à Paris

Un DVD à sortir avec Alain Jean-Marie

Jean-Claude Montredon annonce la sortie prochaine d'un DVD, "Quelques rythmes de la Caraïbe", avec Alain Jean-Marie au piano et lui-même à la conga et à la batterie. Chaque rythme est illustré par une composition originale signée de l'un ou de l'autre. On entendra par exemple pour la biguine "Travay red" d'Alain Jean-Marie...

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