La Collectivité de Guyane ne veut plus payer les curés
Me Lingibé, Rodolphe Alexandre et Alain Tien-Liong à la sortie du Conseil constitutionnel mardi matin
La rémunération du clergé catholique de Guyane au Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel dira le 2 juin si la CTG doit ou non continuer à consacrer 1 million d'euros par an pour rétribuer le clergé catholique.
Ensemble, Rodolphe Alexandre, président de la CTG, et Alain Tien-Liong, dernier président du Conseil général, se sont rendu au Conseil constitutionnel mardi matin pour une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Au menu de cette audience la conformité des articles 36 de l'ordonnance du 27 août 1828 relative au gouvernement de la Guyane et 33 de la loi de finances du 13 avril 1900. L'ordonnance de Charles X précise : "Le gouverneur veille au libre exercice et à la police extérieure du culte, et prévoit à ce qu'il soit entouré de la dignité convenable." La loi de finance de 1900 a transféré à la colonie (devenue en 1946 département) "des dépenses obligatoires parmi lesquelles figure la rétribution du clergé catholique".
La croisade contre la rétribution des prêtres par le contribuable guyanais, via la collectivité territoriale, a été entamée en 2012 par Alain Tien-Liong. Il avait même gelé un temps les sommes dues au clergé avant de devoir faire marche arrière. Finalement, le tribunal administratif de Cayenne puis le conseil d'Etat ont ordonné la transmission de cette QPC au Conseil constitutionnel dans la mesure où contrairement à ce qui avait été alors avancé par le préfet, il ne s'agit pas d'un texte règlementaire, mais d'un texte législatif relevant de la compétence du Conseil constitutionnel.
Après trois quarts d'heure d'audience, surprise à l'arrivée, le représentant du Premier ministre, M. Pottier, a demandé un non lieu à statuer. "C'est un rétropédalage, a déclaré Me Lingibé, conseil de la CTG. Le non lieu demandé signifie que le Premier ministre revient sur des dispositions que son propre collaborateur, le préfet de la Guyane, avait défendu, à savoir le caractère législatif du texte. Si c'est un texte réglementaire, ça reviendra devant le conseil d'Etat qui l'annulera." En effet, le rapporteur public du conseil d'Etat avait déjà très clairement dit qu'il s'agissait d'une inconstitutionnalité grossière.
Un texte anachronique et discriminatoire
"Je rappelle, poursuit Me Lingibé, que c'est un texte qui a près de deux siècles et dont le fondement juridique repose sur le fait que la Guyane est une terre de mission..." "On se moque de la citoyenneté à l'intérieur même de la Guyane qui serait considérée comme un territoire d'évangélisation, renchérit le président Alexandre, donc avec une problématique de civilisation, ce qui paraît totalement anachronique." Un anachronisme renforcé par le fait que jamais n'a été prise en compte la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l'Etat. "C'est inadmissible, insiste Rodolphe Alexandre, tant au niveau de la République que de la laïcité et du contexte actuel. Cette loi est complètement obsolète." A la différence de l'Alsace et de la Moselle où les ministres de toutes les confessions religieuses sont rétribués par l'Etat, en Guyane, c'est la collectivité qui paie et seulement les prêtres. "Comment expliquez-vous, demande Me Lingibé, que vous payiez uniquement des membres du clergé catholique, à l'exclusion de toute autre confession religieuse, sur un motif qui n'est pas d'intérêt général ?" "Nous comptons sur le Conseil constitutionnel, indique Alain Tien-Liong, pour comprendre que la laïcité doit s'appliquer partout et que l'administration de la CTG doit se dégager de cette charge qui ne relève pas de l'action publique et qui doit être prise en compte par la confession elle-même ou par le Vatican." Pour bétonner ses arguments, la CTG s'est appuyée sur l'article 72 de la Constitution sur la libre administration des collectivités. Délibéré le 2 juin.
FXG, à Paris