Le jeune Karl Marx
Après James Balwin, Raoul Peck se penche sur Karl Marx
Avec son nouveau film, "Le jeune Karl Marx", le réalisateur haïtien (et président de la FEMIS) propose un point d'entrée pour évoquer les textes d'un homme du XIXe siècle qui a participé à changer le XXe et qu'on ne lit plus au XXIe siècle... Raoul Peck a choisi de mettre en scène un jeune Allemand, Karl Marx, un jeune Anglais, William Wetling et un jeune Français, Louis-Joseph Proudhon, trois jeunes bourgeois prêts à quitter leur classe sociale pour aller jusqu'au bout. Le film se situe à la veille des révolutions de 1848 et s'achève quand la ligue des justes devient la ligue des communistes. "Ce n'est pas un film historique, explique Raoul Peck (qui présentait son film samedi dernier à la fête de l'Humanité), je fais du cinéma comme instrument de combat." Il cite le jeune Marx : "Toutes les relations humaines sont devenues des relations de marchandises." Et il ajoute : "Tout est capital, y compris le ventre des femmes." Raoul Peck se défend d'avoir fait un biopic, récusant tous ses ressorts larmoyants : "C'est un film sur l'évolution des idées et non pas sur les amours de ces jeunes gens." Il a mis dix ans pour aboutir ce projet et rappelle volontiers que même le grand Rossellini a préféré y renoncer. C'est à la faveur de la crise financière de 2008 qu'il a compris que le moment était venu.
Avec son coscénariste, Pascal Bonitzer, il a choisi de se servir de la correspondance de Marx pour rendre une dimension humaine et ne pas tomber dans un discours théorique, inaudible.
"Nous avons perdu toutes les batailles, lance-t-il, les batailles rhétoriques, politiques, culturelles, médiatiques et même celle des mots ! A niveau d'une vie, c'est énorme, mais au niveau du capital et du monde, c'est rien du tout ! Il va falloir recommencer à la base et ça va dépendre de nous." L'ancien ministre de la Culture d'Haïti (1995-1997) a retenu de cette expérience que "aucun pouvoir ne peut résister à un peuple quand il est solidaire. Quand les sociétés civiles recommencent à s'organiser, c'est une force incroyable face à un Etat affaibli, en Haïti comme en France !" Il explique d'ailleurs la victoire de Macron en mai dernier par cette fragilité, cette peur d'être déclassé... "Il faut repenser les accords, lance le cinéaste engagé et politique, et cesser les guerres fratricides qu'on voit dans toute la gauche jusqu'aux écologistes !" En réalisant ce "Jeune Karl Marx" après le fameux "I'm not your negro", nominé aux Oscar 2017, Raoul Peck indique avoir voulu retourner à ses fondamentaux : "J'ai lu Baldwin à 18 ans, j'ai étudié Marx à Berlin à 21 ans... Tout mon travail est de connaître notre histoire. Baldwin a déconstruit le cinéma américain et ma génération n'est que le deuxième ou la troisième à avoir eu accès aux moyens de production pour tenter de reconstituer notre histoire et l'intégrer dans l'histoire générale du monde... "Lumumba" est le seul film qui reste sur la décolonisation de l'Afrique ! Voilà pourquoi je revendique Baldwin et Marx !"
Le succès de "I'm not your negro" a été tel qu'un distributeur américain a choisi de sortir "Le jeune Karl Marx" aux Etats-Unis en 2018.
FXG, à Paris
"Le jeune Karl Marx", sortie nationale le 27 septembre.