Assises de l'Outre-mer
Les assises de l'outre-mer : une équipe, un site et un concours
Annick Girardin a ouvert hier la période de sept mois au cours de laquelle les institutionnels et les citoyens devront décider de la nouvelle politique publique pour les Outre-mer.
"Construire ensemble l'avenir des outre-mer", voilà le but que se proposent d'atteindre les assises des Outre-mer. Hier, Annick Girardin, entourée du coordonnateur des assises, Thierry Bert, et d'une partie de "l'équipe projets ultramarins", a officiellement lancé cette promesse de campagne du président de la République. La séquence ouverte hier matin doit durer sept mois. D'ores et déjà et jusqu'au 22 novembre, les citoyens peuvent s'exprimer sur le site www.assisesdesoutremer.fr. Ils sont inviter à classer ce qui leur paraît le plus important pour leur pays : équipements publics, développement économique, emploi, environnement, santé, jeunesse, culture, sécurité... C'est une phase de diagnostic pour identifier les besoins. Cette participation citoyenne est un des deux piliers de ces assises. L'autre, c'est le pilier institutionnel avec ses ateliers qui regroupe les élus, les services de l'Etat et la société civile. "Nous allons multiplier les ateliers locaux, a déclaré Thierry Bert, lesquels seront présidés par des personnes issues de la société civile, quelque fois par des spécialistes."
Parallèlement, l'équipe projets ultramarins composée de personnalités choisies pour leur parcours, leurs compétences et leur sensibilité (voir par ailleurs) et réunie régulièrement sous la présidence de la ministre, donnera son avis sur les projets remontés lors des ateliers ou sur le Net. Elle sera le trait d'union entre les ateliers et la consultation citoyenne, tout en se voulant la boussole de ces assises.
Livre bleu outre-mer
A partir du 15 janvier 2018, jusqu'au 28 février le site Internet permettra la consultation numérique. Celle-ci permettra de déterminer les projets retenus. "Le rôle de l'équipe projets ultramarins, a indiqué la ministre, sera de trier et de faire émerger des projets structurants." Viendra ensuite le temps de la rédaction du livre bleu outre-mer avec le concours de l'équipe projets, mais également du travail interministériel. Ce livre bleu outre-mer sera le socle des politiques publiques du quinquennat dans les territoires. Car la ministre a insisté pour dire que le résultat de ces assises ne serait pas "un catalogue déconnecté des réalités et aboutissant à des mesures inapplicables."
La loi Egalité réelle a posé comme obligation au gouvernement de travailler avec les collectivités, territoire par territoire, sur un contrat de convergence. Comment s'intègrera l'élaboration de ce contrat ? "Ce contrat, a indiqué Mme Girardin, va nécessiter d'abord un état des lieux, et celui-ci servira autant aux assises qu'il servira à la signature des contrats de convergence qu'il faudra boucler avant juillet 2018." Même raisonnement pour les différents accords en chantier, Mayotte 2025, les accords de Guyane, ceux de l'Elysée pour la Polynésie : "Les actions vont se faire et seront soutenues", a certifié la ministre.
Pour l'heure une seule chose est connue pour les cinq ans qui viennent, c'est le budget de la mission outre-mer qui tournera un peu au-dessus de 2 milliards chaque année. Sans doute sera-ce suffisant pour financer "ces nouvelles politiques publiques tournées vers le développement des territoires ultramarins".
FXG, à Paris
Un concours d'innovation
L'équipe projets ultramarins sera aussi le jury du concours d'innovation sociale à destination des français d'Outre-mer. Du 18 octobre au 31 janvier, les porteurs de projets sont invités à déposer leur candidature sur le site. Une présélection sera faite en février pour ouvrir en mars une phase de vote public. La sélection finale aura lieu en mars et les projets labélisés bleu outre-mer présentés au printemps 2018. Les lauréats auront un accompagnement financier et technique pour concrétiser leur projet.
L'équipe projets ultramarins
Dominique Restino, patron de Moovjee, président de la CCI de Paris
Bernard Ramanantsoa, ancien directeur d'HEC
Audrey Pulvar, présidente de la FNH
Gaël Musquet, président de Hand
Jean-Marc Mormeck, délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer
Pascal Légitimus, comédien
Céline Lazorthes, pdg de Leetchi
Gaël Lagadec, président de l'université de Nouvelle-Calédonie
Mémona Hintermann-Afféjee, membre du CSA
Nassir Goulamaly, chef d'entreprise
Jean-François Delfraissy, présidente du comité national consultatif d'éthique
Guy Claireaux, professeur à l'université de Brest
Joelle Prévot-Madère, chef d'entreprise
Jean-Etienne Antoinette, président de la délégation outre-mer au CESE
Rozette Issouf, psychologue.
Trois questions à Mémona Hintermann
"En 2009, on a déblayé le terrain"
Qu'est-ce qui vous a donné envie de vous impliquer dans l'équipe projets ultramarins ?
Ce qui m'a motivé, c'est d'abord que je je suis une fille de la base. Je viens du 4e sous-sol de la pauvreté à la Réunion. J'ai été sauvée par l'école, je sais ce que veut dire le chômage, je sais ce que veut dire le décrochage scolaire. Je sais aussi que si on va dans le concret, on peut faire naître des initiatives. J'ai fait trente ans de journalisme et j'ai vraiment détesté ces moments où je voyais les politiques promettre de grands projets qui n'aboutissaient nulle-part. Pas seulement chez nous ! Je préfère avoir une idée, un projet, l'appuyer, aller chercher des fonds et faire en sorte que quelque chose au moins fleurisse quelque part ! C'est le concret.
Comment considérez-vous le rôle de l'équipe projets ultramarins que vous intégrez ?
L'équipe, ça veut dire que chacun a une force, ce sont des énergies qui se coordonnent, des expériences, des parcours qui s'ajoutent. Il y a des hauts fonctionnaires qui connaissent l'administration ! Nous ne sommes pas là dans l'égo, nous sommes embarqués dans le même sujet et le même but, c'est-à-dire rendre service aux gens. Audrey Pulvar comme moi, nous faisons partie de la société civile. Nous ne sommes pas élue, n'appartenons pas à un parti ni à une administration. Les gens nous connaissent pour être des personnes capables de tenir de propos et d'être sincères.
En 2009, vous avez participé aux états généraux des Outre-mer. Pourquoi serait-ce différent cette fois ?
En 2009, on m'avait proposé de rejoindre les états généraux ; je ne savais pas comment ça allait déboucher. Mais il faut absolument se souvenir que oui, en 2009, il y a eu un lancement, une énorme équipe, la salle était pleine ! Là, nous sommes une équipe ramassée, on se connaît presque tous autour de la table et nous pourrons épauler des initiatives concrètes. En 2009, il y a eu de grandes idées, on a déblayé le terrain. Aujourd'hui, on sait qu'on n'a plus le droit à l'erreur. Je vais continuer à taper à la porte et faire en sorte qu'on m'entende.
Propos recueillis par FXG, à Paris
Trois questions à Audrey Pulvar
"Rendez-vous dans quelques mois !"
Pourquoi avoir accepté de faire partie de l'équipe projets ultramarins ?
La fondation que je préside a toujours porté cette vision que les questions liées au réchauffement climatique, à l'effondrement de la biodiversité ou aux perturbations de l'environnement et sa dégradation sont des questions transversales qui ne peuvent pas être considérées si on n'inclut pas un prisme social, si on ne se pose pas la question des inégalités, de la précarité et des discriminations. L'environnement, ce n'est pas une question d'espaces verts ; le réchauffement climatique, ce n'est pas une question de calotte glacière qui fond, c'est bien plus vaste. Aujourd'hui, les principales victimes, les premiers exposés aux conséquences du réchauffement climatique ou de l'effondrement de la biodiversité, ce sont les populations les plus précarisées et ces populations, on en trouve beaucoup dans nos territoires ultramarins.
Comment comprenez-vous le rôle que doit jouer l'équipe projets ultramarins ?
Nous devons avoir un rôle de facilitateur. Il y a des tas de projets qui vont remonter des territoires, de la part des élus, des associations, des ONG, de la société civile... Et notre rôle sera de donner de la cohérence à toutes ces propositions, de faciliter peut-être le dialogue, l'échange, le regroupement de certaines propositions pour qu'on débouche peut-être sur une loi, peut-être des règlements, mais en tout cas un livre bleu outre-mer qui sera publié au printemps et qui rassemblera les projets qui nous semblent, en collaboration avec tous les acteurs de ces assises, les plus cohérents et les plus constructifs.
Pourquoi ça marcherait mieux cette fois qu'en 2009 ?
Je ne sais pas si ça marchera. Nous avons cet objectif. Depuis combien de temps des politiques ont été menées dans les outre-mer, des projets ont été lancés, des milliards d'euros ont été dépensés... Le constat aujourd'hui, c'est que si les territoires ultramarins sont pleins de potentiels, pleins de richesses, pleins d'idées et de talents, ils sont aussi en proie à des difficultés qui sont devenues structurelles et auxquelles on n'arrive pas à mettre fin. Je pense au chômage de masse, notamment chez les jeunes. Je pense au sentiment d'isolement, de déréliction, d'abandon de la part de la communauté nationale... Je ne sais pas si nous réussirons, nous essayons pour une fois d'être un peu moins centralisateur. Nous verrons bien si ça marche. Rendez-vous dans quelques mois !
Propos recueillis par FXG, à Paris