Une doctorante malgache à la Réunion
Une doctorante malgache à la Réunion distinguée par la fondation L'Oréal
Si elle n'a jamais encore conduit de voiture électrique à la Réunion, Tahina Ralitera est en mesure de proposer une carte de l'île avec tous les points de recharge utiles pour développer une flotte de véhicules électriques. Et pour ce travail, cette jeune Malgache de 24 ans, doctorante au laboratoire d'informatique et de mathématiques à l'université de la Réunion, reçoit, ce 11 octobre à Paris, la bourse L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science d'un montant de 15 000 €.
Tahina vient de commencer sa dernière année de doctorat et elle fait partie des trente lauréates récompensées par la fondation L'Oreal pour promouvoir la participation des femmes aux sciences.
Etudiante à Tananarive jusqu'en mastère 1, elle obtient une bourse d'excellence. Grâce aux accords de coopération entre l'université de la Réunion et celle de Tananarive, Tahina est sélectionnée avec deux autres étudiants pour poursuivre ses études à l'école supérieure d'ingénieur de la Réunion-Océan Indien (ESIROI). "Je suis arrivée en 2013 et je suis entrée en mastère 2." Après voir obtenu son diplôme, elle a démarré sa thèse qu'elle défendra en 2018. Elle développe un logiciel informatique qui simule les flux de véhicules électriques sur un territoire. "C'est, explique-t-elle, un outil d'aide à la décision pour placer des bornes de recharge et éviter les pannes !" Pour sa première conférence, elle s'est rendue au Portugal. "Il y avait du wifi partout et j'ai fait du covoiturage avec des véhicules électriques ; il y avait des bornes de recharge partout !" Elle a alors pris conscience de la richesse de son sujet et plus largement de la mobilité dans les îles ou les villes dites intelligentes. "Une île intelligente, explique-t-elle, ne se limite pas à la mobilité ou aux bâtiment, c'est tout un système ! Il faut penser à la gouvernance, l'économie, l'éducation, la santé et utiliser pour chacun les technologies de la communication et de l'information. C'est le regroupement de tout cela qu'on va appeler île intelligente."
La Réunion dans vingt ans, elle peut déjà l'imaginer... "Je ne sais pas s'il n'y aura plus d'embouteillages, mais je suis sûre que ce sera mieux que maintenant. Il y a déjà beaucoup de projets en place, la circulation sera plus fluide et la qualité de vie sera meilleure." La voiture électrique a-t-elle une place dans cet avenir ? "Si on arrive à développer l'infrastructure, ca résoudra en partie le problème, car les gens ont encore peur d'être à court de batterie à Cilaos et de ne pas pouvoir revenir !" Quant à la voiture électrique en libre service, elle sait que techniquement, c'est tout à fait possible. "Après, il y aura une étude à faire sur l'impact social et la façon dont ça peut être perçu par les Réunionnais, car ça peut constituer un frein..." Aujourd'hui, elle a réalisé un prototype de son logiciel qui fonctionne déjà à Londres. Un deuxième prototype sur la Réunion est en cours de validation... "A la sortie, on aura assez de données pour savoir où il faut placer les bornes de recharge !"
C'est à la fois son sujet de thèse et son cursus qui ont permis à Tahina de se faire remarquer du jury dont le président n'est autre que celui de l'académie des sciences.
Le père de Tahina est chauffeur de taxi, sa mère est couturière. "Rien à voir avec la science, sourit-elle, mais ce qui m'a donné envie, c'est l'éducation. Mes parents choisissaient ce qu'on regardait à la télé, les dessins animés scientifiques, les documentaires... Du coup, mon petit frère et moi, nous avons tous les deux choisi un parcours scientifique." A terme, Tahina aimerait rester à la Réunion pour travailler dans la recherche et l'enseignement et partir de temps en temps en mission d'enseignement l'université à Madagascar. "Parce qu'on en a vraiment besoin !"