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Publié par fxg

Cinq Martiniquaises brisent le tabou en Cassation

La Cour de Cassation a mis un terme mardi 14 novembre aux neuf années de combat que cinq hôtesses d'Air France (elles étaent dix au départ) ont mené contre leur chef d'escale à l'aéroport du Lamentin, R. L. accusé de harcèlement.

En rejetant le pourvoi de ce dernier, la Cour de Cassation valide définitivement la condamnation qu'a prononcée la cour d'appel de Fort-de-France le 26 mai 2016 et instaure avec l'arrêt L. la première jurisprudence.

L'affaire démarre en juin 2008 quand le chef d'escale d'escale d'Air France, R. L. dépose plainte pour dénonciation calomnieuse suite à son licenciement motivé par des plaintes de salariées pour harcèlement moral et sexuel. En septembre 2009, une information judiciaire est ouverte. Sept salariées se sont plaintes de harcèlement sexuel, trois de harcèlement moral. L'instruction révèle des infractions commises par abus du pouvoir hiérarchique à l'encontre de trois plaignantes mais également des "gestes déplacés", des "caresses et bisous dans le cou"... Certaines employées se plaignent d'avoir été tenue par la taille, de tentative de baisers sur la bouche, de mains qui se glissent dans les sous-vêtements...

Une se souvient de propos insistant pour voir un piercing sur son ventre... Puis, suite à un malaise, son supérieur l'accompagne dans le cabinet du médecin où il essaie de lui ôter sa robe. C'est le médecin qui doit l 'arrêter ! Une autre raconte que son chef lui a demandé de venir dans son bureau pour le masser... Une autre employée raconte que son supérieur l'a caressée en glissant ses doigts dans ses sous-vêtements.

Même les témoins cités par la défense en racontent. Ainsi, l'un d'eux, masculin : "On plaisantait avec les collègues féminins au sujet du du piercing sur la langue et des effets sur la fellation et nous rigolions tous ensemble." L'ensemble des déclarations des uns et des unes fait apparaître "le climat impudique auquel se trouvaient confrontées les parties civiles soumises à l'autorité de R. L.".

Jurisprudence #balancetonporc

L'affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France en janvier 2014. A l'audience, elles ne sont plus que huit plaignantes... Et là, coup de théâtre, Me Edmond-Mariette, défenseur de R. L., obtient la relaxe car une partie du texte pénal contre le harcèlement moral et sexuel a été retoqué par le Conseil constitutionnel en 2012. Dès lors, le tribunal estime qu'il ne peut condamner un prévenu sur une qualification pénale qui n'existe plus.

Le parquet, cinq des plaignantes, mais également Air France, aussi partie civile, interjettent appel.

L'affaire est plaidée dans une étrange discrétion en mai 2016. Nouveau coup de théâtre, Me Ursulet, défenseur des hôtesses, propose une nouvelle lecture du droit que les juges d'appel suivent : Ils constatent avec lui l'extinction de l'action publique en raison de l'abrogation de la loi pénale qui fait tomber le chef de harcèlement sexuel. Ils condamnent R. L. à quatre mois de prison avec sursis pour harcèlement moral à l'encontre de deux des appelantes. Ne pouvant considérer le prévenu coupable de harcèlement sexuel, ils ne condamnent pas R. L. pénalement, mais ils le tiennent responsable du préjudice et du dommage moral qu'ont subi les cinq femmes. En conséquence, R. L. est définitivement condamné à payer à chacune des victimes 1200 euros de dommages-intérêts et 800 euros de frais de justice. Par voie de conséquence, il est rayé à vie des cadres d'Air France. C'est ce jugement que la Cour de Cassation a déclaré régulier le 14 novembre  Ainsi, si le changement de loi a permis au prévenu d'échapper à une condamnation pénale pour les faits de harcèlement sexuel, la cour d'appel n'a pas commis d'erreur en exigeant qu'il indemnise ses victimes "sur le plan civil".

Cette décision, la première jurisprudence nationale relative à la loi contre le harcèlement sexuel, consacre ce délit dans ses nouvelles dispositions et c'est cette "jurisprudence martiniquaise", en pleine séquence "#balance ton porc" qui permet de formaliser les tenants et aboutissants de la nouvelle législation contre le harcèlement sexuel en France.

FXG, à Paris

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