Module de respect en maison d'arrêt
Léa Poplin, directrice de la maison d'arrêt de Villepinte, et Catherine Consonne, sénatrice de la Martinique
Une sénatrice en prison
Catherine Conconne, usant du privilège des parlementaires de pouvoir visiter les établissements pénitentiaires, a visité la prison de Villepinte où l'on expérimente un module de respect qu'elle verrait bien appliquer à la prison de Ducos. Reportage.
Trois suicides à la prison de Ducos, ce sont trois morts de trop pour la sénatrice PPM Catherine Conconne. Dans la foulée du directeur du centre pénitentiaire de Ducos qui s'y trouvait il y a une dizaine de jours (avec les autres patrons d'établissement pénitentiaire d'Outre-mer et des services de probation et d'un d'insertion professionnelle), la sénatrice s'est rendue mardi à la maison d'arrêt de Villepinte (93) pour se faire présenter une opération pilote qui s'y déroule depuis deux ans : le module de respect, aussi appelé "respecto". "Il y a peut-être à mettre en place d'autres moyens plutôt que d'étendre l'enfermement alors que nous ne proposons aucune formation, une bibliothèque ridicule et cinq malheureux enseignants..." Persuadée que l'ouverture d'une second centre pénitentiaire n'aboutirait qu'à multiplier par deux les problèmes que rencontre la prison de Ducos, Mme Conconne veut pousser l'administration pénitentiaire en Martinique à faire un autre choix, le même qu'a fait Léa Poplin, directrice de la maison d'arrêt de la Seine-Saint-Denis.
200 détenus à part
Le module respect accueille quelque 200 détenus sur le millier qui vit à Villepinte (pour 600 places). C'est un quartier à part dans la prison, à part et préservé de la violence habituelle qui règne dans les prisons de France. Seuls sont exclus du dispositif les "détenus particulièrement surveillés" et les "terroristes".
Les détenus doivent être volontaires et avoir eu un comportement impeccable dans les trois mois précédents leur admission dans le module de respect. Le bâtiment du module de respect est en libre accès avec le terrain de sport, les cellules ne sont pas fermées à clé pendant la journée, ou plutôt, ce sont les détenus qui ferment la leur quand ils sortent. L'accès à la salle de sport, à la promenade, à la bibliothèque ou à la cabine téléphonique est libre. En revanche, les détenus ont des obligations qui ne souffrent aucun raté. Sinon, c'est l'exclusion. Tout est formalisé dans un contrat où le détenu s'engage à ne pas être violent, de pas faire d'jncivilité et ne pas détenir d'objet interdit. Il s'engage en outre à participer à des activités (éducation civique, droit, théâtre, communication non violente...). Il y a même des cours de langue donnés par les détenus étrangers !
"On revient dans l'humanité"
Ca marche plutôt bien puisque si 70 avertissements ont été adressés, ils n'ont donné lieu qu'à deux exclusions. "On revient dans l'humanité", témoigne un détenu qui parle des autres bâtiments de la prison comme d'un "autre pays" ! "Avec le respecto, dit un autre, il y a de la pédagogie entre détenus." Un troisième implique les surveillants à qui il reconnaît d'avoir rendu "le service agréable". Quant au gardien-chef du module, il assure que pour lui et ses collègues aussi, c'est bien plus facile. D'ailleurs, ils ne sont que deux pour surveiller les allées et venues des détenus dans la cour. Un jeune prisonnier à qui il reste quatre mois à faire ne cesse de sourire. "Avant, dit-il, dans l'autre bâtiment, j'avais tout le temps peur..."
Dans la courette sous les fenêtres des cellules, la différence se voit aussi. Au module respect, c'est propre, à côté c'est sale.
"Les détenus se sentent revalorisés, explique Léa Poplin, et par conséquent, les aménagements de peine marchent mieux..."
Lundi, les détenus du module respect recevaient Robert Badinter. Une initiative de leur part !
C'est ce concept que Mme Conconne voudrait qu'on instaure à Ducos.
FXG, à Paris