Etats généraux de la Guyane à Paris
Rodolphe Alexandre anime les états généraux de la Guyane à Paris
Profitant d'un déplacement à Bruxelles, le président de la CTG a participé samedi à Paris à une réunion des états généraux de la Guyane.
Accompagné de Sergine Kokason et d'Elodie Arras-Sainte-Luce, deux cadres de la CTG, Rodolphe Alexandre a rappelé le cadre financier et institutionnel de la CTG avec ses 3460 agents et ses 675 millions d'euros de budget dont 348 pour son fonctionnement et 126 pour ses investissements. Grâce à l'accord de Guyane, la CTG a reçu un complément de 83 millions qui lui a permis de voter un budget en équilibre et de lancer un emprunt de 600 millions. "Notre budget est sincère, assure le président Alexandre, mais il reste fragile. Nous aurions besoin de 50 millions supplémentaires chaque année pendant cinq ans." Car la CTG traîne la dette de 130 millions des deux anciennes collectivités, Région et Département, et elle a perdu les 27 millions d'octroi de mer versés aux communes. L'exposédu président s'est ensuite concentré sur les filières économiques comme le bois et ses 80 000 m3 produits, l'agriculture (chaque année 30 nouveaux agriculteurs s'installent), la pêche, ses trois usines de transformation et ses quatre nouvelles licences, les ressources minières (les 2 tonnes d'or légales qui rapportent 500 000 euros à la CTG — 253 euros par kilo pour la commune et 400 pour la CTG — et les 12 tonnes volées par les garimpeiros) et encore les ressources pétrolières. Total qui est entrée dans la société de capital risque montée par la CTG, et Exon exploitent des gisements au Guyana et au large de Macapa. Sur sept puits au Guyana, l'un produit 150 000 barils par jour, un autre 500 000. Le retour fiscal est respectivement de 150 millions et 500 millions...
C'est fort de ces données que le président Alexandre a lancé le débat en rappelant que le fruit de ces états généraux serait tenu à la loi de finances du gouvernement. Posant enfin la question du statut (article 74, 73 plus, 72 ou sui generis), Rodolphe Alexandre a maudit le président de de la délégation outre-mer de l'Assemblée nationale, le Guadeloupéen En marche ! Olivier Serva parce ce dernier organise prochainement un colloque sur la réforme constitutionnelle et a omis d'inviter la Guyane.
FXG, à Paris
Les interventions au débat
Ce sont les 51 élus de la CTG, les 22 maires et les quatre parlementaires réunis en congrès au mois d'octobre qui ont convoqué ces états généraux, sur pression, faut-il le rappeler, de la rue et du mouvement social de mars et avril 2017. A Paris comme dans les neuf bassins de vie en Guyane, ou même sur Internet (civocracy.org/etatsgenerauxguyane), les citoyens ont abordé tous les sujets compris dans les neuf commissions thématiques.
Représentante de l'association Sinnamary en région parisienne, Josyane Beausoleil a ouvert le bal : "Nous n'avons pas attendu le 28 mars pour faire le point sur la situation de la Guyane ! J'espère qu'on va aller jusqu'au bout cette fois ! La CTG n'est pas suffisamment dotée pour bien administrer le territoire ? Doit-on changer de statut ? Le statut n'est pourtant pas une fin en soi..." Murielle Thierrin (photo), productrice de cinéma (600 kilos d'or pur, la loi de la jungle, la série Guyane) est venue rappeler l'importance du cinéma comme industrie : "En 2009, j'étais à Saint-Laurent pendant les états généraux de l'outre-mer. On nous a reproché de ne pas être organisés. Nous avons créé l'Association G-CAM (Guyane – Cinéma, Audiovisuel et Multimédia) et aujourd'hui nous voulons apporter notre pierre ! La culture n'est pas qu'une source de dépense et la Guyane a une carte à jouer ! En France, on externalise beaucoup les tournages. Le Venezuela est devenu instable, la Colombie se bat mais notre climat, notre forêt ont une plus value parce que nous sommes européens et français !" La productrice a ainsi rappelé qu'un 1 euro dépensé pour le cinéma générait 18 euros localement. Les professionnels demandent à pouvoir gérer au plus près le bureau d'accueil des tournages et à ce qu'il y ait des ultramarins au sein de la commission outre-mer du CNC à Paris.
Caroline Coly, secrétaire générale de l'association étudiante Guyane Avenir, est venue parler du prix des billets d'avion, tout comme Gilles Joseph qui a également dénoncé des bourses d'étudescencore bloquées, et tout comme Guillaume Carpentier (photo en tête de paragraphe) qui a du quitter la Guyane pour suivre une formation d'horticulture ("un comble", a-t-il dit). Celui-ci a demandé à ce que la CTG ouvre une antenne à Paris comme il en existe à Bruxelles et au Suriname et un lycée spatial à Kourou !
Etats généraux et assises
"Et les congé bonifiés ?", s'est écriée une dame dans le public. Cathy, une Guyanaise mariée à un Tunisien et dont la fille est partie vivre en Australie a pris la parole pour défendre l'emploi local : "Ok, développons l'or, la forêt, le pétrole mais dans le respect de nos spécificités, de la nature et de nos peuples autochtones. oui, il faut qu'on se développe mais à compétences égales, priorité aux Guyanais ! Petits pays, petits moeurs... Nos jeunes, compétents, surdiplômés, sont obligés d'aller travailler ailleurs. Protégeons nos jeunes et réservons l'emploi aux Guyanais !" Assise non loin de la chanteuse Sylviane Cédia, Denise Bodros (photo) est intervenue pour poser la question du financement des projets locaux : "Comment faire pour que le citoyen guyanais ne soit pas écarté des financements malgré la qualité des projets qu'il peut porter ? N'est-il pas temps de penser à une banque de Guyane qui porterait les projets existant ?" Une autre dame est intervenue pour dénoncer l'impossibilité de faire prendre en charge les personnes atteintes de maladies dégénératives...
Guy Myrto (photo), ingénieur télécom à Kourou a pris la parole pour dire son malaise : "J'ai monté ma boite il y a cinq ans et je n'ai jamais obtenu aucun marché !"
En guise de conclusion, le député serville est intervenu pour insister sur la gouvernance : "Je ne veux pus espérer mais exiger ce qui nous est du ! C'est l'Etat, quelle que soit sa couleur politique, et son bras armé, Bercy, qui décide. Il a un dessein pour la Guyane qui ne correspond pas au projet des Guyanais pour leur territoire." C'est sans doute la meilleure définition que l'on puisse faire de la différence entre les assises et les états généraux.
FXG
Ecologie et économie
Le débat sur les permis miniers a été le moment d'une petite passe d'armes entre Rodolphe Alexandre et Gabriel Serville. Le premier se vantant d'être celui qui avait fait plier l'Etat en 2012 en l'obligeant à reconnaître que la CTG était compétente pour octroyer les permis d'exploration et d'exploitation minière, le second reprochant au premier de ne pas l'avoir soutenu en octobre dernier au Parlement quand la loi Hulot est venue mettre un terme à tous les permis d'exploration d'hydrocarbure.... L'occasion pour le député Serville de rappeler qu'il avait blessé le ministre Nicolas Hulot en le traitant de colonialiste ; l'occasion pour le président Alexandre de révéler qu'avec l'aide du groupe Total, il allait attaquer la loi Hulot !
"Aujourd'hui ce sont les écologistes qui décident pour la Guyane, s'est énervé Rodolphe Alexandre Ils sont allés chercher les Amérindiens pour dire que la question minière était amérindienne, mais sur le site de la Montagne d'or, il n'y a aucune communauté de vie amérindienne !" Selon lui, la Guyane a raté une page d'histoire à cause d'eux avec l'échec du projet Iamgold à Kaw. "Je veux un débat sur la Montagne d'or, a répété M. Alexandre, et si les chefs coutumiers prennent position, il faudra écouter les deux sons de cloche !" Georges Vincent est venu crier son désaccord : "La Montagne d'or, c'est 700 emplois et combien de personnes contaminées au mercure et pour combien d'années ?" Rodolphe Alexandre lui a opposé la construction de la route du fleuve, la création d'une école des mines à Saint-Laurent et le développement de l'agriculture le long des 150 km de la route...
Enfin, revenant sur le brevet que l'IRD a déposé sur une molécule issue du couachi (quassia amara), Rodolphe Alexandre a rappelé que cette plante avait été importée en Guyane au XVIIe siècle et que son utilisation traditionnelle n'était pas plus du fait des Amérindiens que des Créoles ou des Bushinengués. "S'il doit y avoir des retombées locales, c'est la CTG la mieux placée", a-t-il affirmé.