Nouvelle affaire CEREGMIA
Serge Létchimy éclaboussé
La découverte d'archives dans un vide sanitaire de l'université a révélé une nouvelle affaire CEREGMIA avec les mises en examen de Pascal Saffache et de Fred Célimène et le régime de témoin assisté pour Serge Létchimy.
En marge de ce dossier, des archives délaissées appartenant à la principauté de Monaco...
Pascal Saffache, ancien président de l'UAG, et Fred Célimène, ancien directeur du laboratoire CEREGMIA de l'UAG, ont été mis en examen par la juge Joly de Fort-de-France, respectivement pour recel et complicité de recel de délit de favoritisme. Cette nouvelle affaire CEREGMIA vaut à l'ancien président de Région, Serge Létchimy, d'être placé sous le statut de témoin assisté pour atteinte à l'égalité d'accès à un marché public. En cause, les archives de la Région...
Tout débute avec la découverte en septembre 2014 dans un vide sanitaire sous la bibliothèque universitaire (BU) de 300 m3 d'archives entreposées sans aucune protection contre le feu, l'eau, l'humidité, les insectes ou les rongeurs. Ces archives appartiennent pour l'essentiel à la Collectivité territoriale de la Martinique. Elles ont fait l'objet d'une convention signée le 18 octobre 2011 par le président de la Région, Serge Létchimy et le président de l'UAG, Pascal Saffache. Cette convention précise que les archives sont confiées à "l'UAG-CEREGMIA" (sic) pour une durée de dix mois moyennant 110 000 euros dont 55 000 à la signature. Elle sera prorogée jusqu'à quinze mois et en tout, ce seront 160 000 euros que la Région aura versés au CEREGMIA.
Fred Célimène a acquis, sur financement du FEDER (Europe), un super scanner d'une valeur de 1,2 millions d'euros. Le CEREGMIA s'engage à régler le problème du stockage et de la numérisation des archives de la Région. Les archives sont dans un premier temps entreposées dans deux salles climatisées de la BU avant que Fred Célimène ne prenne la décision, sans en aviser personne, de les déplacer dans un vide sanitaire pour libérer l'espace.
Désastre
Cette opération s'est faite contre l'avis du conservateur des archives de la Région, Henry Delinde, qui a même donné sa démission au président Létchimy qui l'a refusée, pour dire son opposition à l'externalisation du traitement des archives. "Aucune numérisation n'a eu lieu", témoignera le conservateur aux enquêteurs, qui avise le préfet, le président Létchimy et les archives départementales. "Il n'y a d'ailleurs jamais eu d'ébauche de mise en oeuvre de l'archivage électronique, poursuit-il, la situation est un désastre !" Le conservateur va plus loin en accusant directement Fred Célimène "d'abus ou de manipulation" : "M. Célimène cherche à récupérer la totalité des archives pour les numériser dans un but financier dès lors qu'il aurait produit la facture au conseil régional... Moi, j'aurais été sa caution."
Favoritisme
L'affaire va alors connaître une suite judiciaire quand en septembre 2014 la présidente Mencé-Caster demande à Me Sabrina Goldman du barreau de Paris de saisir le parquet de Fort-de-France pour dénoncer les faits. D'abord, l'UAG n'est pas agréée pour conserver des archives, d'autre part, les sommes en jeu étant supérieures à 90 000 euros, un appel d'offre était obligatoire... La juge Salabert, puis la juge Joly ont instruit l'affaire pour aboutir en juin et juillet 2017 aux mises en examens de Pascal Saffache et de Fred Célimène. Si le parquet a requis celle de Serge Létchimy, ce dernier a pu bénéficier du régime de témoin assisté le 21 septembre 2017. L'ancien président de Région qui parlait d'abord de "projet de recherche" sur les archives a ensuite fait état d'une simple "location de locaux" en attendant l'achèvement, route de Didier, des bâtiments dédiés aux archives... Serge Létchimy a chargé quatre avocats de sa défense, dont Jean-Pierre Mignard. La juge Joly s'apprêterait à boucler cette information judiciaire.
FXG, à Paris
Le pendant monégasque de l'affaire CEREGMIA
Lors de la découverte des 300 m3 d'archives dans le vide sanitaire de la BU, Sylvain Houdebert, directeur du service commun de la documentation de l'UAG, avisait la police de la présence d'autres archives dont celles de l'institut océanographique de Monaco. Cela confirmait ainsi la teneur d'un courrier de juillet 2014, écrit par Patrick Piguet, conservateur des archives patrimoniales de l'institut océanographique de Monaco qui, ayant appris par la presse le scandale du CEREGMIA, s'inquiétait auprès de la présidence de l'université du sort des archives qu'il avait confiées en décembre 2012 à Fred Célimène... Par une convention signée avec l'UAG le 12 novembre 2012, le CEREGMIA s'engageait alors à numériser les 343 volumes d'une revue scientifique dont certains furent mis en oeuvre par le prince Albert 1er de Monaco lui-même (ses campagnes scientifiques à partir de 1889). Ces ouvrages "d'une valeur patrimoniale inestimable" devaient être numérisés dans le cadre du projet de bibliothèque numérique porté par Fred Célimène, la plateforme "océanaute". Patrick Piguet a indiqué mercredi à France-Antilles que, "pour sortir par le haut" de cette situation qui pourrait créer un embarras diplomatique, une nouvelle convention avait été signée le 20 février dernier avec l'université des Antilles pour organiser le retour des archives à Monaco. Mais, de son propre aveu, Patrick Piguet avoue n'avoir aucune idée de l'état dans lequel il va les retrouver après leur séjour dans le vide sanitaire...
L'autre affaire CEREGMIA
Fred Celimene, Kinvi Logossah et Eric Carpin sont mis en examen depuis bientôt trois ans pour sept chefs d'inculpation dont un détournement de fonds en bande organisée au détriment de l'Union Européenne pour 14 millions d'euros.
Les poursuites disciplinaires
Une première décision en juin 2016 du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a conduit à la radiation à vie de Fred Célimène de toute carrière universitaire et à la suspension pour cinq ans de ses deux comparses MM. Logossah et Carpin. Cette décision a été cassée pour une question de forme par le Conseil d'Etat le 8 novembre dernier. Ils comparaîtront à nouveau devant le CNESER le 9 avril prochain.
Changement d'avocat
Au début de ce mois de mars, le nouveau président de l'université, Eustaze Janky, a désaisi Me Sabrina Goldman au profit de Me Sylvestre du barreau de la Guadeloupe. Ce changement soulève des inquiétudes sur les campus où certains redoutent et manifestent contre le retour des trois enseignants du CEREGMIA. La piètre prestation au micro de Martinique 1ère, le 20 février dernier, de Me Sylvestre, qui a eu du mal à achever ses phrases pour affirmer que "la position de l'Université n'a pas changé", n'y est sans doute pas étrangère.