POSEI
Les 170 représentants des filières agricoles et agroalimentaires des RUP devant l'Europarlement à Bruxelles lundi 25 juin
Démonstration de force des RUP à Bruxelles
"L'Europe va mal ! Il nous faut montrer un visage uni et solidaire." Serge Hoareau, vice-président du Conseil départemental de la Réunion, a accompagné la délégation des 170 professionnels de l'agriculture et l'agroalimentaire des régions ultrapériphériques de l'Europe à Bruxelles lundi. Emmenée par le groupe de pression Eurodom, cette imposante délégation composée de Réunionnais, d'Antillais, de Guyanais mais également d'Espagnols des Canaries et de Portugais des Açores et de Madère, est venue faire une démonstration de force aux autorités européennes. Depuis le mois de mai, la Commission qui prépare sa programmation budgétaire pluriannuelle pour la période 2021-2027, a annoncé, en raison du retrait de l'Angleterre et de la réorientation de ses priorités vers la sécurité et le changement climatique, une baisse du budget de la politique agricole commune et donc du Programme d'Options Spécifiques à l'Eloignement et à l'Insularité (POSEI). Jusqu'alors d'un montant global de 643 040 euros, l'enveloppe est annoncée à la baisse de 3,9 %, soit 25,41 millions en moins.
"Un affront vis-à-vis des agricultures des RUP", estime le président d'Eurodom, Gérard Bally qui rappelle que l'agriculture et l'agroalimentaire sont les seules activités de développement endogène des économies d'outre-mer à côté de l'importation, la grande distribution, les services et les transferts publics... "Si l'Europe lâche nos campagnes, lance Angela, agricultrice aux Canaries, nous lâcherons nos pays et émigrerons en Europe or nous sommes Européens et nous voulons être maintenus en tant que RUP..." "En oubliant que nous sommes les portes de l'Europe, explique Jean-Bernard Gonthier, de la chambre d'agriculture de la Réunion, l'Europe prend des décisions qui nous mettent en danger !" "Il ne s'agit pas d'aides, assène Richard Blonbou, acteur de la filière viande en Guadeloupe, mais de compensations !" Patrick Labranche, agriculteur en Guyane, rappelle les mots prononcés par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à Cayenne en octobre dernier : "Pas question de toucher au POSEI." "C'est notre mode de vie qui est en cause, avance un agriculteur de Madère et les effets ne seront pas limités à 3,9 % !" "Si le régime spécifique d'approvisionnement baisse et que le POSEI baisse aussi, s'alarme Claude Bihry, c'est l'ensemble de la filière élevage de la Réunion qui est en péril." "Alors que nous avons fait passer le taux de couverture de la consommation locale de poisson de 15 à 21 %, regrette Fabrice Minatchy, on nous annonce une baisse de 25 à 30 % pour le plan de compensation des surcoûts ! Ca va réduire à néant tous nos efforts..."
Tous ces cris ne répondent pour l'heure qu'à des menaces car les négociations qui s'ouvrent entre les Etats membres et l'Europe promettent d'être compliquées sur le fond et sur la forme si on veut qu'elles aboutissent avant les élection du printemps 2019... Pour l'heure, la France a fait clairement savoir sa position sur l'évolution de la PAC : c'est non. La semaine dernière au conseil des ministres de l'agriculture, Stéphane Travert a indiqué que les coupes claires annoncées étaient inacceptables, que la France exigeait a minima le maintien des montants actuels. A ce stade, les négociateurs français ne souhaitent pas faire émerger au sein de la PAC des sujets, tel le POSEI, qui affaibliraient la position forte défendue par la France. Mais l'objectif des lobbystes d'Eurodom reste malgré les suppliques des négociateurs français, d'arracher aux commissaires une promesse favorable au POSEI. C'est tout l'objet des trois rendez-vous de ce mardi avec le conseiller RUP de la commissaire européenne à la politique régionale Corina Cretu, le commissaire à l'agriculture Phil Hogan et le commissaire aux affaires économiques et financières, fiscalité et douanes Pierre Moscovici.
"Les RUP, assure Fernando Sousa, du gouvernement des Açores, nous sommes 5 millions, soit plus que la population de certains Etats de l'Europe ! Nous sommes le 28e Etat membre de l'Union européenne !"
FXG, à Bruxelles
Un combat avec le ministre français de l'Agriculture
Non content d'avoir à supporter la menace de la réduction des fonds du POSEI, les agriculteurs domiens sont actuellement confrontés à un mur d'incompréhension du côté du cabinet de Stéphane Travert, le ministre de l'Agriculture qui refuse de revoir à la hausse l'aide nationale d'Etat en complément du POSEI. "Ironie, désinvolture, mépris et hostilité", assurent les lobbystes d'Eurodom qui ont trouvé en Vincent Abt, le conseiller Outre-mer et budgétaire du ministre, un bien décevant interlocuteur. Depuis 2009, l'Europe a autorisé la France à apporter une aide nationale à l'agriculture afin de permettre le développement des aides couplées à la production. Ainsi 40 millions ont été débloqués pour que chaque année, la production puisse s'accroître et permettre ainsi l'amélioration des taux de couverture qui restent insuffisants quand on vise dans chaque territoire l'autonomie alimentaire. Or, on en est loin puisque la Réunion ne couvre que 80 % de ses besoins animaux, 70 % de ses besoins en végétaux, la Martinique n'est qu'à 30 % et la Guadeloupe à 20 pour la viande et pour ces deux îles, moins de 10 % en végétaux.... "Plus une filière est organisée, explique benoît Lombrière d'Eurodom, plus le taux de couverture est fort." Voilà pourquoi la nécessité de renforcer cette aide nationale est essentielle pour les producteurs des DOM pour qui le POSEI et cette aide complémentaire d'Etat est une arme anti-importation.