La demande d'asile en Guyane
Le décret réduisant les délais pour les demandes d'asile contesté
Promise par le président de la République, l'expérimentation d'une procédure visant à réduire significativement les délais d'instruction des demandes d'asile mise en place en début de mois est attaquée devant le Conseil d'Etat.
Une dizaine d'associations dont la CIMADE, la ligue des droits de l'Homme et le secours catholique ont saisi le Conseil d'Etat en référé pour demander la suspension du décret du 23 mai 2018 portant expérimentation de certaines modalités de traitement des demandes d’asile en Guyane. Par ailleurs, la CGT OFPRA a demandé la suspension de l'arrêté du 17 août dernier du ministre de l'intérieur qui a fixé le début de l'expérimentation au 3 septembre dernier. Cela fait donc déjà deux semaines que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA)de Cayenne instruit les dossiers de demandeurs d'asile selon cette procédure qui réduit tous les délais, supprime les acheminements postaux et fait passer de deux à quatre le nombre de contacts physiques entre demandeurs et agents de l'OFPRA. "Nous essayons, a justifié le ministère de l'Intérieur, de trouver des moyens de maîtriser l'immigration tout en cherchant à améliorer le droit d'asile."
Mercredi matin, pendant deux heures, les représentants du ministère de l'Intérieur d'un côté, et Gérard Sadik, de la CIMADE, Mes Gury et Haas, respectivement avocats de la CIMADE et de la CGT, d'autre part, ont essayé de faire valoir leurs arguments au juge des référés, Xavier de Lesquen.
Hausse des rejets
Me Gury a plaidé l'urgence qu'il y avait à défendre la notion de protection spéciale dont doivent faire preuve les demandeurs d'asile : "C'est fait pour les décourager car ça renforce considérablement les difficultés pour faire appliquer leurs droits." Selon lui l'effondrement de la demande d'asile depuis le début de l'année vient contredire l'urgence de l'administration à mettre en place ce dispositif dérogatoire. "C'était une volonté du président Macron pour rendre plus difficile la procédure et augmenter le nombre de rejets !" "Il y a eu une hausse des rejets, admet l'émissaire du ministre, car les demandes ne sont pas fondées. Il s'agit de migration économique..." Le ministère de l'Intérieur a encore défendu le fait qu'on n'était pas à l'abri d'un nouvel afflux de migrants avant d'affirmer : "On ne peut reprocher au gouvernement de prendre des mesures propres à faire baisser le stock des demandes."
Par la suite, Me Haas a plaidé pour les agents syndiqués à la CGT qui craignent que ce décret n'ait des incidences sur la leur sécurité, d'autant plus que la commission de sécurité a jugé leurs locaux inadaptés et rendu un avis défavorable. Le juge de Lesquen a annoncé sa décision pour la fin de la semaine, voire lundi ou mardi prochain.
FXG, à Paris
Les chiffres de l'OFPRA de Cayenne
La pression migratoire a explosé entre 2014 et 2016 avec + 400 %. Jusqu'en 2014, l'OFPRA recevait quelque 1000 demandes par an. En 2015, ils étaient 2700 pour atteindre en 2017, le record de 5200 demandes dont 3200 pour les seuls huit premiers mois de l'année. En 2018, à période équivalente, la demande est retombée à 1700 soit une baisse de 48 %. Pour les seuls Haïtiens, l'OFPRA avait traité 2200 dossiers en juin 2017 contre 880 en juin 2018. Au plus fort de la crise, l'OFPRA a pu bénéficier de huit agents de protection, désormais, ils ne sont plus que 5.
Quant aux délais d'instruction qui étaient d'environ deux ans au plus fort de la crise migratoire, ils ont été ramenés à une durée inférieure à ceux qui ont cours en France hexagonale. Le taux d'accord positif aux demandes d'asile est de 2 à 3 %. En appel, 89 % des recours émanant d'Haïtiens devant la Cour nationale du droit d'asile sont rejetés par ordonnance. Seuls 10 % d'entre eux bénéficient d'une audience d'appel.
La nouvelle procédure expérimentale
L’étranger dispose désormais d’un délai de sept jours (au lieu de 21) pour introduire sa demande d’asile. Il est ensuite tenu de se présenter en personne devant un agent de l’OFPRA qui, si le dossier est complet, lui délivre en mains propres une convocation à un entretien. Après cet entretien, l'OFPRA doit statuer dans un délai de quinze jours au lieu de six mois. La décision est ensuite notifiée en mains propres au demandeur. En cas de refus, le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile est d’un mois au lieu de deux.