Cotisation de sécurité sociale sur le rhum
Taxation du rhum : ce sera six ans d'étalement
Le gouvernement a fait adopter hier soir son amendement sur la cotisation de sécurité sociale applicable aux alcools forts produits et consommés dans les territoires ultra-marins par rapport au tarif en vigueur en métropole.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn a fait voter au Sénat mercredi soir un amendement qui, sans aller jusqu'à ce qu'avait proposé Annick Girardin devant la commission des lois de l'Assemblée nationale, soit un étalement sur dix ans, mais six ans et ce à compter de 2020.
Pendant près de deux heures, les sénateurs originaires des Antilles et de la Réunion se sont succédé pour défendre tous a minima l'étalement sur dix ans quand il ne s'agissait pas, à l'instar d'une Victoire Jasmin (PS Guadeloupe) ou d'une Catherine Conconne (PS Martinique) de demander purement et simplement la suppression de cette disposition fiscale qui vient bousculer "sans concertation", selon la première, "un secteur d'excellence mais fragile". Et si la sénatrice mornalienne connaît le problème de l'alcoolisme eu égard à son métier dans la santé, elle redoute qu'économiquement, les répercussions soient négatives, n'hésitant pas à parler "d'exode de nos territoires par nos jeunes qui partent pour les banlieues ou le Canada..." Le ton a parfois été très vif telle Catherine Conconne qui s'est offusquée de ce que 'on caricature le débat entre "les bons, les anti-alcools et de l'autre, les mauvais, les suppôts de Bacchus". Refusant la vision manichéenne d'un tel débat, elle a plaidé : "La France c'est le vin, nous c'est le rhum !" Rappelant que seuls 8 % de la production est consommée localement, elle a évoqué un patrimoine à sauvegarder à côté d'une filière d'excellence. Face à elle, non seulement, elle a trouvé la ministre de la Santé, mais également son camarade de groupe, le socialiste Bernard Jomier, qui a parlé de consommation quotidienne d'alcool fort dans les DOM 2 ou 3 fois supérieurs qu'en métropole, 5 fois plus de syndromes d'alcoolisation foetale à la Réunion et une forte hausse en Guadeloupe... "Et ce patrimoine, a-t-il demandé, c'est perdu ? C'est pas grave ? La santé publique ne se construit pas sur des taxes, mais c'est un outil pour financer un plan de prévention !" Victorin Lurel (PS Guadeloupe) a rappelé la hausse crument : 40 euros par HAP aujourd'hui contre 557 demain... "C'est beaucoup trop brutal !" Nassimah Dindar (UDC Réunion) est intervenue pour soutenir l'amendement d'Agnès Buzyn en rappelant les problèmes de santé publique mais également les problèmes de délinquance et de violence liés à la consommation d'alcool à la Réunion. Elle a ainsi annoncé qu'un fonds de prévention des addictions existait et que l'Outre-mer pourrait désormais y prétendre...
Des chiffres stigmatisant
"On prend un fusil pour tuer un moustique, a réagi Catherine Conconne, c'est une arme de destruction massive pour tuer une petite production dont 80 % sont exportés. Les problèmes foetaux, les cirrhoses, c'est chez nous et pas ailleurs ? Le rhum pose problème, mais ni le vin, ni le whisky ou le champagne ?"
Agnès Buzyn a tenté de convaincre qu'elle marchait sur ses deux jambes, celle de la prévention et la santé publique et celle de l'économie et de la sauvegarde de la filière, mais quand même : "34 % des accidents corporels sont liés à l'alcool contre 10 dans l'Hexagone..." Reconnaissant que de tels chiffres peuvent être stigmatisant, elle s'est refusée à l'idée que son gouvernement traiterait les Français inégalement en matière d'accès à la prévention des addictions selon que l'on soit d'outre-mer ou pas... Elle a alors précisé que sur les 35 millions que cette cotisation rapporterait, une partie alimenterait le fonds de prévention des addictions et qu'une partie de ce fonds serait fléchée pour l'Outre-mer, "tel que le prévoit, a-t-elle ajouté, le livre bleu Outre-mer". Catherine Conconne lui a rappelé que seuls 0,2 % de la collecte alimentait ce fonds. Et tandis que les sénateurs Magras et Arnell indiquaient leur ralliement à l'amendement de la ministre, Viviane Malet (LR Réunion) suivait leur exemple, mais signalait à Mme Buzyn que dans le livre bleu outre-mer, "il n'y a rien d'écrit sur ce fonds de prévention des addictions".
FXG, à Paris