Girardin plaide pour son budget
Annick Girardin lors du débat budgétaire sur la mission Outre-mer à l'Assemblée nationale (capture d'écran)
Interview. Annick Girardin, ministre des Outre-mer, malmenée tant par son opposition parlementaire lors de la discussion budgétaire, que par les milieux économiques ultramarins, revient sur les grandes réformes portées par son budget.
"Les outre-mer doivent trouver leur propre modèle de développement"
Le document de politique transversale (DPT) révèle, selon les députés d'opposition, une perte sèche de 1 milliard en 2019 pour les Outre-mer. Ce serait ainsi 500 millions d'euros de moins à La Réunion, 240 millions d'euros de moins en Guadeloupe, 210 millions d'euros de moins en Martinique, et 18 millions d'euros de moins en Guyane. Pouvez-vous nous expliquer ces chiffres pour chacun des territoires ?
Il n’y a aucune baisse des crédits prévus en 2019 pour les territoires d’outre-mer, ils sont même en hausse de 1,5%. Le DPT présente une partie de l’effort spécifique fait par l’État et donc par l’ensemble des ministères en faveur des outre-mer. C’est une annexe informative, complexe par nature, qui regroupe les crédits de près de 90 politiques publiques. La baisse évoquée par certains repose sur une lecture approximative de ce document. Cette année, la présentation du DPT par territoire est différente parce que des réformes sont en cours. De ce fait, un certain nombre de crédits ne sont pas répartis entre territoires (notamment les exonérations de charge et le fonds exceptionnel d’investissement) mais ils existent et seront dépensés ! Par exemple, en Guyane, le budget ne diminue pas de 18 M€, il est en hausse de plus de 100 M€ d’euros, hors ventilation des crédits liés aux exonérations de charges et au fonds exceptionnel d’investissement (FEI). Cette hausse significative sera en réalité plus importante puisque le FEI est en forte augmentation cette année.
Les crédits "non répartis", quoique consacrés aux Outre-mer, passent de 343,7 millions à 1,829 milliard. Comment expliquer cette si forte augmentation et pouvez-vous nous dire ce que vous projetez de faire avec ces fonds, notamment les 1,6 milliards qui proviennent du budget de votre mission ?
Comme je l’ai dit, la hausse des crédits non répartis est liée aux réformes engagées et il est complexe de connaître à l’avance la répartition de certaines dépenses par territoire. C’est le cas par exemple du Fond exceptionnel d’investissement (FEI), qui s’élève à 110 millions d’euros : sa répartition dépend des projets qui seront proposés tout au long de l’année. Grâce aux Assises des Outre-mer, j’ai pu constater l’énergie des territoires à proposer des projets pertinents, mais il n’y a pas de droit acquis dans les territoires. Ma logique, c’est de répondre aux priorités et d’accompagner les projets.
Concernant les exonérations de charge : ces crédits seront bien dépensés pour les outre-mer, mais la réforme est en cours d’examen au Parlement. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs !
Alors que les parlementaires votent actuellement le PLF et le PLFSS, vous êtes encore en train de négocier avec les socio-professionnels. Est-il vrai que la réforme des aides économiques et la suppression du CICE vont aboutir à enchérir le coût du travail, jusqu'à 50 % selon les secteurs ? Vous avez dit qu'il y aurait des perdants et des gagnants. Qui seront-ils ?
Bien sûr, nous discutons avec les acteurs socio-professionnels puisque c'est une réforme majeure pour la transformation des territoires. Le débat parlementaire se poursuit actuellement au Sénat en début de semaine et donnera l'occasion de préciser les contours de cette réforme.
De la même manière, les députés, mécontents de la réforme de l'impôt sur le revenu et l'abaissement du plafond de l'abattement, estiment que vous minimisez le nombre de foyers touchés. Pouvez-vous précisément nous dire qui sera concerné ?
Aucun impact n’est minimisé, nous sommes absolument transparents, les chiffres sont incontestables. 4,34 % des foyers fiscaux ultramarins seront concernés par cette réforme. Tous les foyers qui étaient non imposés du fait de leurs revenus le resteront. C’est une véritable mesure de justice sociale, qui doit nous permettre de mettre la dépense publique au service du plus grand nombre et de réduire les inégalités outre-mer. Elle permet de restituer aux territoires 100% du produit d’un impôt national qui leur échappait : cela ne s’était jamais fait ! Ma responsabilité en tant que membre du gouvernement, c’est de répondre aux besoins de tous.
Le président Macron en a parlé le 28 juin dernier : la sur-rémunération des fonctionnaires sera-t-elle au menu du budget 2020 ?
La sur-rémunération des fonctionnaires n’est pas à l’agenda de ce gouvernement.
Le président Macron dit qu'il vise un changement de paradigme en Outre-mer. Les parlementaires ont plutôt l'impression qu'il veut aligner l'Outre-mer sur le régime général. Comment voyez-vous les choses ?
L’objectif que je me suis fixé, au sein de ce gouvernement, est de porter la voix des outre-mer. Grâce aux Assises des outre-mer, nous avons recueilli l’expression directe de milliers de citoyens, d’entrepreneurs, de porteurs de projets qui nous disent à quel point l’État est attendu. Et les attentes en outre-mer sont claires : une qualité de vie améliorée, plus de services publics, des crèches et des transports, un système de santé performant, des formations et des emplois pour la jeunesse ultramarines, une société moins inégalitaire et plus solidaire.
Ma vision des choses, c'est que les outre-mer doivent, chacun, trouver leur propre modèle de développement, notamment grâce aux projets qui doivent provenir directement des territoires. L’État ne s’y substituera pas. Il a en revanche le devoir de mettre en place toute les conditions pour que les libertés individuelles et collectives s’expriment. Grâce au Livre bleu, le gouvernement et l’ensemble des ministres disposent d’une feuille de route claire pour les outre-mer tout au long du quinquennat.
Propos recueillis par FXG, à Paris