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Publié par fxg

Mémona Hinterman à la Réunion

Mémona Hintermann-Affejee, membre du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, est du 5 au 8 novembre à la Réunion où elle a été choisie pour marraine du lycée Nord, le premier de l'île disposant d'une filière audiovisuelle. Interview à deux mois de la fin de son mandat.

"Réguler, c'est un truc pour faire fonctionner la démocratie"

Pourquoi venir parrainer ce lycée ?

Nous sommes très éloignés des centres de formation et nous ne disposions pas jusqu'à la rentrée dernière d'un lycée qui prépare les jeunes aux métiers de l'audiovisuel, du journalisme, du tournage et de la production. Pour incarner sur les écrans ou derrière les micros des radios et des télés, une région de France, il faut de l'audiovisuel ! Ca illustre une manière d'être, une façon de vivre sur un territoire... Aujourd'hui, il y a quantité de jeunes qui regardent, qui consomment du contenu audiovisuel, pour qui se former est inaccessible. Ils n'ont pas les moyens de faire 9000 km, pour se loger où ? Vivre comment ?... Le lycée Nord va leur ouvrir un premier stade de formation. Créer un outil pour former la jeunesse aux métiers de l'audiovisuel nous permettra de nous sentir à l'unisson d'un pays qui est la France mais avec notre spécificité, à 1000 % français et 1000 % créole ! Mais j'irai également au lycée du Butor à Saint-Denis et au lycée BoisJoly Potier au Tampon où j'interviendrai sur l'éducation aux médias. Un sujet crucial.

Comment avez-vous reçu l'annonce de la fin de France Ô ?

Le CSA n'a pas à se prononcer sur les choix des pouvoirs publics. en revanche, comme je suis associée à l'équipe projet ultramarin du ministère des Outre-mer, j'ai réfléchi à ce sujet ! Je suis Réunionnaise et j'ai commencé mon métier à une époque où il n'y avait pas de spécificité régionale - j'étais France 3 et quand je suis arrivée en métropole, je n'ai eu aucune difficulté à entrer dans une rédaction de France 3, à Orléans en l'occurrence ! Aujourd'hui, un jeune d'outre-mer qui veut aller à Nice, Marseille ou Orléans, il faut qu'il change de société.

J'ai toujours défendu, et je le fais au CSA, que les départements d'outre-mer doivent être vus sur l'ensemble des chaînes et ne pas être cantonnés à une chaîne qui est vue par 0,6 % de la population française.

Faudra-t-il un cahier des charges, un quota ?

Mais non ! Nous n'avons pas besoin de quota. Il suffit de parler de ce qui se passe chez nous à l'égal de ce qu'on va dire de Carcassonne. Il n'est pas normal, alors qu'il y a un gros cyclone qui menace Saint-Martin que le journal de France 2 ne lui consacre que 12 secondes la veille ! Ce qui fut le cas. Je ne demande pas de quota, mais la justice, l'égalité. Il s'agit de l'incarnation de la France ! Le président de la République a expliqué pourquoi France Ô ne pouvait plus correspondre à un espace public. Pour incarner le devenir commun, il faut être présent sur tous les écrans et pas partir s'isolé sur un petit coin pour aller regarder l'outre-mer. La stratégie du président est très pertinente ! Bravo, allez-y ! Je n'ai pas le droit de le dire en tant que membre du CSA, mais je suis citoyenne.

Sur quoi travaillez-vous au CSA ?

Depuis un an nous travaillons sur nouvelle charte pour que les télévisions et les radios aident le public à mieux se repérer dans un espace où il y a tant de produits qu'on ne peut pas contrôler et qui ont des effets sur la santé... Au-delà de la charte alimentaire, nous avons rendu un avis sur la régulation audiovisuelle. Elle doit renforcer toutes les protections dues au public notamment en matière d'éducation aux médias pour que les gens aient un raisonnement critique. Ca pose problème aux producteurs parce que dès qu'on dit éducation, ils pensent qu'on les dénigre ! Non ! Eclairer les gens sur les dangers de la cigarette, ce n'est pas dénigrer les fumeurs ! J'ai moi-même arrêté de fumer et j'ai fait un spot pour le dire...

Vous avez même évoqué les pouvoirs d'enquête du CSA...

Quand on demande à une chaîne, publique ou privée, des informations nécessaires à ce qu'on puisse élaborer un avis relatif à une possible sanction, on ne les obtient pas toujours. Nous avons déjà manqué cruellement d'information dans le dossier aujourd'hui classé de la chaîne 23. Nous avons manqué de pouvoir d'enquête sur place. Les autres régulateurs ont un pouvoir d'enquête...

Le CSA doit-il évoluer ?

Il évoluera. Les institutions sont comme les régimes politiques... Rien n'est immuable. Le CSA pourrait travailler plus solidement avec d'autres institutions qui protègent les publics, je pense à la CNIL ou Hadopi... Ensemble, on sera plus fort ! Mais je ne suis pas là pour faire l'apologie du CSA de A à Z...

Ce n'est pas ce qu'on vous a demandé !

Quand je suis arrivée au CSA, c'est de notoriété publique, je critiquais cette institution parce que j'estimais que quand il s'occupait de sujets qui étaient les miens, le reportage, la déontologie, c'était sans avoir jamais mis un pied sans une salle de montage... Pourtant, ce serait une très grave erreur de dire que le CSA est inutile parce que nous serions alors dans un système où les très gros écraseraient les plus petits et les plus petits, c'est quoi ? C'est la voix du pluralisme. Il y a des émissions qui font peu d'audience — je pense à Arte — et qui rendent un vrai service à la nation en termes de cohésion sociale parce que quand on regarde la télé on voit bien si on fait partie ou pas du jeu ! Une télé comme celle-là, il ne faudra pas l'écraser. Réguler veut dire permettre un fonctionnement harmonieux, c'est un truc pour faire fonctionner la démocratie !

Y a-t-il une vie après le CSA ?

Quand je suis arrivée au CSA, j'ai pris la précaution de rester les deux pieds sur terre et comme je viens d'un milieu très pauvre, qui a manqué de tout, j'ai toujours gardé en tête que je serai dehors le 24 janvier 2019. J'ai perdu des frères... La mort m'a toujours accompagné et partir, ça fait partie de ma vie. Pendant un an, je serai payée par l'Etat, car je n'aurai pas le droit de travailler dans l'audiovisuel. Cette année servira à me refaire un peu de santé après six ans passés là — c'est pas mon monde ! Six années terribles, six années magnifiques, six années d'apprentissage... J'ai vu le monde de l'audiovisuel dans les coulisses... Je ne savais pas que ce monde audiovisuel fonctionnait de cette façon... Je ne connaissais pas ce les intérêts qui animent la télévision aujourd'hui. C'est une industrie comme une autre, mais qui a un devoir par rapport au pays. Mais je redeviendrai journaliste.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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