Trio Delgrès en tournée, ce soir à Gignac (34)
Pascal Danaë sera avec son groupe, le trio Delgrès, sur la scène de l'Artchipel le 23 novembre. Rencontre avec un chanteur, guitariste, auteur et compositeur qui réunit avec bonheur le blues et le gwoka et renouvelle la musique antillaise.
"Le gwoka, c'est notre blues"
Que ressentez-vous à l'idée de vous produire en Guadeloupe ?
C'est évidemment une grande émotion parce que ça va être la première fois que je joue à la Guadeloupe avec un de mes projets. Celui-ci s'appelle Delgrès, c'est très chargé, donc c'est beaucoup d'émotion... J'ai l'impression de retourner à la maison...
Quel est votre lien à la Guadeloupe ?
Je suis né en France métropolitaine et je suis venu en Guadeloupe pour la première fois quand j'avais déjà plus de 30 ans. Mon père est originaire de Marie-Galante et il a quitté la Guadeloupe en 1958, ma mère qui est de Pointe-à-Pitre en 1962... Ils n'y sont jamais revenus. Il y a un rapport à la Guadeloupe qui est vraiment pour moi une quête d'identité, un retour à des sources familiales, la source de toutes les histoires de famille que j'entendais quand j'étais tout petit déjà. La première fois que je suis venue, une cousine de mon père m'a donné la lettre d'affranchissement de notre aïeule, Louise Danaë.
Votre musique sonne comme le blues, mais vous chantez dessus à la manière des chanteurs de gwoka. C'est l'effet recherché ?
Oui, il y a quelque chose qui m'a vraiment touché dans le gwoka et pour moi, c'est notre blues caribéen, c'est l'équivalent du blues rural... Quand j'entends un vieux bluesman de l'Etat du Mississipi et quand j'entends quelqu'un qui chante du gwoka, je ressens la même chose. Pour moi ce sont des gens qui sont en prise directe avec une culture millénaire qui a un lien très fort avec l'Afrique, mais aussi et surtout un lien avec le quotidien, les gens... Ce sont des chanteurs qui ne sont pas forcément professionnels, mais qui chantent avec leur coeur et leurs tripes et ça m'a beaucoup touché ! J'ai eu envie de faire une espèce de pont entre ce blues de Louisiane que j'adore et cette façon de chanter des gens au pays.
Pourquoi avoir choisi ce nom, Delgrès ?
J'ai entendu parler de Louis Delgrès assez tard dans ma vie. Mon père m'en a parlé, mais comme tous les anciens — il était né en 1915 — il ne parlait pas beaucoup. C'est une génération où on ne parlait pas forcément, on pensait un peu que ça allait de soi... Et un jour mon père un peu de ce personnage Delgrès qui s'était battu, qui s'était sacrifié... Quelques années plus tard, j'étais à Amsterdam, un peu en galère, et je me penchais sur mon monde intérieur, je m'interrogeais sur mon identité, ma place d'Antillais né en France, Antillais de France... Et j'ai repensé à cet homme et son sacrifice, à sa posture extraordinaire, j'y ai repensé comme une espèce de modèle... Quand on cherche un peu qui on est, il faut prendre des modèles positifs, c'est très important ! Donc une première chanson que j'ai faite, ça a été Mo Jodi... Elle s'est appelée d'abord Delgrès et ensuite, comme on a appelé le groupe Delgrès, la chanson s'est appelée Mo Jodi.
Vous chantez en créole et vous en tirez une langue d'une extraordinaire modernité. Comment l'avez-vous appris ?
Ce sont mes parents... Mais je ne l'entendais pas tous les jours ! Ils parlaient créole entre eux. Il y avait plein de cousins qui venaient à l'occasion des fêtes et qui parlaient créole. La musique, c'était beaucoup de créole... La seule personne à qui mon père ne parlait jamais en créole, c'était moi. Mais comme toutes les choses interdites, c'est la première chose que j'ai voulu appréhender. Et puis, je connaissais toutes les chansons en créole et dès que j'ai commencé à chanter, bien avant Delgrès, j'ai fait des chansons en créole. Après j'ai fait un détour par l'anglais, mais le créole a été pour moi vraiment une manière de retrouver une maturité.
L'album Mo Jodi est sorti fin août et aussitôt, il a été porté par les médias nationaux. Comment expliquez-vous ce petit miracle ?
Je ne me suis pas concentré sur la communauté antillaise... J'ai beaucoup voyagé, toujours au gré de ce que je ressentais, je suis parti vivre en Angleterre... Moi, j'ai toujours aimé le rock, le blues... Un peu plus tard, j'ai vécu à Amsterdam... J'ai travaillé beaucoup avec des musiciens africains comme Richard Bona, Paco Séry, Bako Dagnon et Kassé Mady Diabaté, des musiciens brésiliens... Je me suis laissé porté au gré de mes inspirations, des rencontres... Bien sûr j'avais grandi avec une culture antillaise en métropole et j'ai amené mes petits piments dans tout ça. Ca explique peut-être pourquoi ce projet n'est pas sorti par le biais de la communauté antillaise, mais par un biais... généraliste. On a commencé à tourner en 2016 et ce n'est que maintenant qu'on arrive aux Antilles !
Vous sortez, un peu à l'instar de groupes comme Soft et de la nouvelle scène créole, la musique antillaise de la mélasse sirupeuse du zouk love dans laquelle elle est un peu engluée...
J'aime beaucoup Soft et d'ailleurs nous avons participé ensemble à une émission de télé qui va bientôt être diffusée. Ce sont des gens que j'aie beaucoup, comme Kassav ou Malavoi... Toutes ces personnes ont en commun d'avoir fait énormément avancer les choses pour la culture antillaise, à leur façon, à leur moment et ils continuent tous les jours à faire leur travail ! Fred Deshayes est quelqu'un qui a beaucoup de talents. Ce qui est important, c'est de pouvoir tous apporter différentes touches, proposer différentes choses au monde et montrer la richesse de la culture caraïbe à travers différents aspects. Nous, ce qu'on fait avec Delgrès, c'est juste ouvrir une autre porte et montrer un autre aspect de la culture caraïbe et la manière dont elle peut se mélanger à d'autres musiques du monde. J'espère qu'on va en inspirer d'autres qui vont ouvrir d'autres portes avec leur propre histoire, leur propre parcours.
Vous vous plongez dans vos racines antillaises tout en évitant le piège du folklore, quel est votre secret ?
Ca correspond vraiment à mon parcours personnel et ça dit qui je suis. Ce que j'essaie de faire, c'est d'assumer chacune de mes composantes et de les proposer à part égale, de les fusionner pour faire une bonne composition. Quand on se rend compte qu'on ne sera jamais un Antillais pure souche, jamais un Français pure souche, la vérité, c'est qu'on est tout ça à la fois. Et dans la musique, c'est pareil, il faut assumer tout ça et le plus important, c'est que la soupe soit bonne !
Qui sont vos musiciens ?
Delgrès est un véritable groupe, un trio même si je suis à l'origine du truc. Mes musiciens ont montré une ouverture totale et particulièrement une sensibilité à la culture antillaise. A la batterie, il y a Patrick Bondry, un Nantais qui a joué beaucoup de blues entre autres choses et qui adore la musique antillaise, le kompa... Au sousaphone, à la trompette et au trombone, il y a Rafjee. C'est un premier prix de conservatoire de Paris en trompette. Il s'est mis au sousaphone parce que c'est quelqu'un qui adore la basse depuis toujours et qui maîtrise tout ce qui est mazurka et folklore traditionnel antillais alors que c'est un Parisien pur jus ! On s'est vraiment retrouvés tous les trois autour de la musique et là, plus besoin de parler, ça sonnait ou ça sonnait pas et ça a sonné ! Au-delà de Delgrès, de l'histoire, il y a une vraie connivence musicale.
Propos recueillis par FXG, à Paris
17-nov.-18 GIGNAC (34) LE SOMNOMBULE
23-nov.-18 BASSE-TERRE L'ARTCHIPEL
30-nov.-18 CLERMONT FERRAND LA COOPERATIVE DE MAI
1-déc.-18 ARLES CARGO
3-déc-18 PARIS CAFE DE LA DANSE
6-déc.-18 AVERMES ISLES
7-déc.-18 MAGNY LE HONGRE LE FILE 7
8-déc.-18 ARGENTEUIL LA CAVE
9-déc.-18 RIS ORANGIS LE PLAN
13-déc-18 FONTENAY S/BOIS FESTIVAL LES AVENTURIERS
15-déc.-18 CHATEAULIN RUN AR PUNS
16-déc.-18 ST AGATHON LA GRANDE OURSE