Avortements et stérilisations forcés à la Réunion
Des députés veulent la vérité sur les avortements forcés à la Réunion
Une commission d’enquête sur les avortements et stérilisations forcés ayant eu lieu à La Réunion dans les années 1960 et 1970 fait l'objet d'une proposition de résolution déposée le 19 décembre dernier, sur le bureau de Richard Ferrand par des députés des groupes de la la France insoumise de de la gauche démocratique et républicaine, des Républicains et UDI parmi lesquels Jean-Hugues Ratenon,, Jean-Luc Mélenchon, Moetai Brotherson, Gabriel Serville, Nathalie Bassire, Mansour Kamardine ou encore Maïna Sage.
Cette demande a été renvoyée à la commission des affaires sociales.
"Il est avéré, est-il précisé dans l'exposé des motifs, que plusieurs praticiens ont pratiqué des avortements et stérilisations sans consentement des patientes durant les années 1960 à l’île de La Réunion." L’affaire a été révélée en 1970 par le docteur Serveaux, un médecin qui a été appelé auprès d’une patiente souffrant d’une grave hémorragie après un avortement suivi d’un curetage. Dans la presse locale et nationale, on parla de la clinique orthopédique de Saint-Benoît du docteur David Moreau. Les journalistes découvrirent alors que des milliers d’avortements et de stérilisations forcées étaient pratiquées chaque année, depuis au moins 1966, dans cette clinique. En 1971, après plusieurs mois d’enquête et d’instruction, un procès a lieu pour « manœuvres abortives », en première instance puis en appel, contre trois médecins et un infirmier de la clinique orthopédique de Saint-Benoît. Les peines allèrent de deux ans d’emprisonnement (avec interdiction d’exercer pendant quelques années) à la relaxe.
Reconnu civilement responsable, le docteur David Moreau, directeur de la clinique fut dispensé de peine. Dans une lettre qu’il adressa au journal Le Monde, dont les extraits furent publiés dans le numéro du 2 février 1971, un des accusés avance : « La sécurité sociale, le président du conseil général [ndlr : Marcel Cerneau de 1966 à 1967 puis Pierre Lagourgue de 1967 à 1982] m’ont donné le feu vert pour les stérilisations. [...] Comment expliquer que tous ces actes aient été fait en plein jour et tous remboursés par la Sécurité Sociale ? Il faudrait donc inéluctablement supposer celle-ci complice. La quasi-totalité des malades m’étaient envoyés, eux aussi, par trente-deux médecins. Eux aussi doivent donc être inculpés si tout cela était vrai. »
Politique anti-nataliste de la part de l’État à La Réunion
Les députés demandent aujourd'hui une commission d'enquête car ils estiment que dans cette affaire plusieurs éléments restent troublants ou non éclaircis : "Le nombre relativement bas d’accusés, au regard du nombre d’actes rapportés dans la presse (seulement trente-six avortements ont fait l’objet de poursuites et condamnations) ; la « disparition » du registre des patients de la clinique avant le début de l’instruction (empêchant l’identification de potentielles victimes), alors que ces mêmes registres apparaissent dans un procès-verbal de saisies relatives à une instruction pour escroqueries et fraude à la Sécurité sociale, quelques mois après la condamnation en appel pour manœuvres abortives ; le nombre de praticiens et de responsables qui ne pouvaient ignorer ces pratiques, ont pu les encourager ou orienter des femmes vers la clinique de Saint-Benoît en connaissance de cause ; l’existence de spots publicitaires pouvant caractériser l’existence d’une politique anti-nataliste de la part de l’État à La Réunion ; la déclaration du docteur Lejade selon laquelle il aurait reçu l’assurance d’un ancien ministre des « DOM » que les interruptions de grossesses auxquelles il se livrait ne donneraient pas lieu à saisine de la justice ; la déclaration, en 1969, de 112 000 journées d’hospitalisation correspondant à 307 lits alors que la Clinique n’avait autorisation que pour 80 lits ; la disparition aux archives de La Réunion, du dossier contenant les pièces relatives au procès en première instance."
Les députés signataires estiment en conséquence qu’il est du devoir de la représentation nationale de "se donner les moyens d’une recherche approfondie pour faire la lumière sur les évènements survenus à La Réunion jusqu’au début des années 1970 et pouvoir avoir une idée précise de l’ampleur des faits (les déclarations de journées d’hospitalisations et les témoignages laissant penser que le nombre de victimes peut s’élever à plusieurs centaines ou milliers de femmes)".
L'examen de cette proposition pourrait intervenir en février.
FXG, à Paris