L'enlèvement du Mardi gras, de Raphaël Confiant
Confiant signe un polar sur la corruption à l'université
Avec "L'enlèvement de mardi gras", publié chez Ecriture, Rapahaël Confiant transpose dans un Nadiland imaginaire avec son université et son institut régional d'économétrie régionale nommé "Filmaneg", le kidnapping d'une présidente d'université commandité par trois professeurs corrompus. Une enquête confiée au commissaire Nobertin qui a une revanche à prendre sur le professeur Valmont, celui qu'il n'a pu coffrer quand il a défenestré sa propre femme à l'hôtel Bamboula, des années plus tôt, et qui avait obtenu sa mutation dans le 9-3...
"Toute ressemblance avec des personnes existantes ou des faits s'étant réellement déroulés dépend entièrement de l'imagination du lecteur..." Puisque ses ennemis l'ont taxé de "bouffon d'écrivassier", Raphaël Confiant est allé au bout de l'insulte et il s'est mis à noircir du papier. Cette fois, plus question d'articles sur son blog Montray Kréyol (devenu "bataille nadilandienne" dans l'ouvrage) pour livrer ses attaques contre la corruption, mais un roman, un vrai ! Ce n'est pas le meilleur Confiant, mas ça reste du Confiant quand même, solide et bien écrit, même si l'on retrouve là le style polar qu'on lui connaît dans "Du rififi chez les fils de la veuve" ou "Meurtre à Békéland" (Caraïbédition). Alors voilà, Raphaël Confiant ne montre pas ses yeux de Célimène à Julien Valmont, le directeur du Filmaneg, ni à ses deux sbires genre pieds nickelés, "le Malinké et le Toungouse", ni à "Tête-Calbasse, le patron du parti négriste", ou au "colonel Sanders" son rival chaben, mais à la seule "reine d'Abyssinie sans royaume" dont l'enlèvement crapuleux est au coeur du roman.
Des vérités que la justice pénale tarde encore à trancher
On avait déjà lu "Le talisman de la présidente", le livre de Corinne Mencé-Caster qui raconte à la première personne sa version (chez Ecriture aussi), mais cette fois Raphaël Confiant profite du roman noir pour livrer ses vérités ou celles que la justice pénale tarde encore à trancher sur les dérives mafieuses des élites locales. A l'instar d'un James Ellroy dans "American death trip" qui raconte tout bonnement comment et par qui le président Kennedy a été assassiné, Raphaël Confiant raconte tout bonnement comment la corruption s'est installée au Nadiland... Tout y est : les archives oubliées d'un micro-Etat de la Collectivité locale, la broyeuse et la machine à numériser, les 12 millions des fonds européens, les formations bidons dans une île des grandes Antilles, les sociétés de pêches montées à des fins personnelles par le directeur du Filmaneg et même des tentatives de meurtre !
Ceux qui auront vécu de près ou de loin cette bataille qui a abouti à l'éclatement de l'université reconnaîtront les acteurs et parfois les faits... Parfois, car Raphaël Confiant reste d'abord un romancier qui sait prendre toutes les libertés qu'il faut pour que son livre reste justement un roman... Vrai. Aussi vrai que nous devrions signer cet article par ce vocable qui lui est cher : "Le plumitif du Nadiland news"
FXG, à Paris