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Publié par fxg

Les fonds européens en outre-mer au crible de la Cour des comptes

Fonds européens : la Cour des comptes épingle les RUP

Si les fonds européens structurels et d’investissement (FESI) ont plutôt été correctement consommés lors des programmes 2007-2013 et 2014-2020, la Cour des comptes dans son rapport annuel épingle des défaillances de gestion (TCSP en Martinique, MACTe en Guadeloupe ou Haut-débit en Guyane) mais aussi quelques réussites (Aéroport de Roland-Garros, irrigation et abattoir à la Réunion)

Les Transport en commun en site propre à la Martinique

Les magistrats financiers de la Cour des comptes se sont intéressés dans leur nouveau rapport annuel au « transport en commun en site propre » (TCSP). Ce projet stratégique a été conçu dans les années 1990 par la Région et le Département de Martinique pour faciliter la mobilité dans l’agglomération de Fort-de-France, structurellement congestionnée par la circulation des voitures particulières. Ce service de transport collectif est composé actuellement de 14 bus à haut niveau de service qui relient, sur des voies de circulation réservées à cet usage, trois pôles d’échange à travers 18 stations réparties sur un parcours de 14 km.

Le TCSP devait être achevé en novembre 2015 pour une mise en service en janvier 2016. Les 14 bus ont été livrés entre septembre et décembre 2015. Les infrastructures ont été achevées en juin 2016, mais l’exploitation commerciale n’a débuté que le 13 août 2018. Ainsi, pendant plus deux ans, entre juin 2016 et août 2018, le TCSP n’a pas fonctionné, alors que les voies de circulation et les véhicules étaient disponibles.

La réalisation du TCSP a coûté 378 M€, dont 283 M€ en maîtrise d’ouvrage publique. Le FEDER a été mis à contribution à hauteur de 60,4 M€ au titre de la programmation 2007-2013, qui se sont ajoutés à une enveloppe de 21,3 M€ déjà allouée dans la programmation 2000-2006.

"La voierie, indique le rapport, a été réalisée au prix de nombreuses défaillances dans les procédures de commande publique. Le marché d’assistance foncière signé entre le syndicat mixte du transport en commun en site propre (SMTCSP) et la société d’équipement de la Martinique (SODEM) a fait l’objet d’avenants, augmentant la rémunération du titulaire de 73 %, alors même que le contrat initial avait expiré six ans auparavant." Pour les opérations d’acquisition, l’Union européenne a remis 1,54 M€ au pot et au final les décomptes des opérations laissent apparaître un excédent de versement de près de 4 M€ du SMTCSP à la SODEM. Enfin, la Région Martinique a décidé, fin 2015, de recourir à l’arbitrage pour régler un litige portant sur des marchés publics de construction, alors que cette procédure est longue, coûteuse et interdite par le code civil ! L’exploitation du TCSP apparaît en outre très onéreuse. L’avenant au contrat de délégation de service public, qui a confié la gestion du TCSP au groupement d’entreprises Mozaïk, a augmenté la contribution de la collectivité de 33 %. Le retard dans l’exploitation commerciale du projet était principalement dû à des exigences financières supplémentaires, dont la justification apportée par le délégataire était contestée par Alfred Marie-Jeanne.

On peut le comprendre : le coût d’exploitation du TCSP se situe aux alentours de 20 €/km, soit plus de trois fois le coût moyen d’exploitation des équipements équivalents en France métropolitaine.

"Au total, analyse le rapport, compte tenu des surcoûts et des retards, l’analyse des effets socio-économiques du TCSP aboutit à un bilan négatif. Pour le rendre positif pendant la période d’exploitation, qui court jusqu’en 2035, le TCSP devrait accroître globalement ses recettes ou réaliser des économies à hauteur de 142 M€."

Le haut débit en Guyane

Le déploiement du réseau haut débit sur le territoire, décidé par la Région en 2004, s'est faite dans le cadre d'une délégation de service public conclue en janvier 2007. Elle distinguait deux espaces aux problématiques différentes : la zone littorale dans laquelle un réseau performant et rentable devait être installé et la zone intérieure « non rentable », où la question de l’accès au réseau était en soi la principale difficulté à surmonter.

Le projet a d’abord mobilisé des financements européens à hauteur de 1,3M€ au titre de la programmation 2000-2006. Lors de la programmation suivante, l’instruction d’un premier dossier est restée bloquée pendant près de cinq ans en raison d'un contentieux entre le conseil régional et le délégataire en difficultés financières. Ce n'est qu'en 2012 qu'un accord a été trouvé : le périmètre de la délégation de service public a alors été modifié pour ne retenir que la zone littorale. La Région a repris à sa charge la zone intérieure, par le biais d’une société publique locale créée à cet effet.

Un second dossier a été déposé en avril 2013 par la Région qui a reçu, 10,6 M€ au titre du FEDER. Mais cette somme n'a permis de financer que des équipements dont la technologie était dépassée. Le FEDER a, en outre, été sollicité tardivement pour financer des réalisations qui étaient en grande partie achevées, ce qui était irrégulier. Par ailleurs, l’atteinte des objectifs fixés tels que permettre aux entreprises existantes et à la population guyanaise de disposer des services innovants et aux meilleurs prix n’a jamais été évaluée.

Enfin, en 2016, la commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a estimé que le montant éligible au FEDER n'aurait du être que de 5,9 M€, ce qui entraînait une diminution des subventions européennes autorisées de 4,4 M€, et donc un remboursement à cette hauteur du trop-perçu... Un nouveau plan de financement a été élaboré, mais son instruction par l’autorité de gestion n’est pas allée jusqu’à son terme. In fine, ce montant de 4,4 M€ a donc été versé indûment !

Le MACTe en Guadeloupe

"L’opportunité de la création récente du Mémorial ACTe ne saurait être mise en question, pas plus que l’impact positif de cet équipement majeur sur l’aménagement de la ville de Pointe-à-Pitre. La gestion du projet, en revanche, a donné lieu à des dérives et à des irrégularités coûteuses." Telle est le constat porté par les magistrats financiers de la Cour des comptes dans leur rapport annuel remis au président de la République cette semaine.

Le projet de mémorial a vu son coût passer de 21 M€ à à 41 M€ pour atteindre en définitive le coût total de 76 M€. Le projet a bénéficié d'un montant de 17 M€ de crédits FEDER destinés à l'origine au projet abandonné d’équipement de traitement des déchets, ce qui a permis la couverture de 41,5 % de son coût prévisionnel. L’Etat, dans le cadre du contrat de plan, devait apporter par ailleurs 16 M€, soit 39 % de la dépense prévue, le solde, soit 8 M€ ou 19,5 % du total, devant rester à la charge de la Région.

Par ailleurs, cette opération a été marquée selon la Cour, par "une absence fréquente de conformité des procédures de passation des marchés aux règles de la commande publique". Mais ce n'est pas tout : "Les contrôles de l’autorité de gestion des fonds européens ont été défaillants. Des coûts excessifs ont été observés, par exemple en ce qui concerne la délégation de maîtrise d’ouvrage (1 627 jours, dont 1 300 non justifiés), la maîtrise d’œuvre, l’inauguration (2 M€ pour quatre jours d’événement), la communication institutionnelle, ainsi que la gestion de l’exploitation de mai à décembre 2015 (5,5 M€)."

Il est intéressant de constater que la Cour qui a sollicité des explications auprès des décideurs du projet a reçu deux réponses, l'une de Victorin Lurel, ancien président de Région, l'autre d'Ary Chalus, actuel président de Région et que les deux rivaux politiques sont quasiment d'accord pour défendre la régularité des marchés publics et le bon prix des travaux. "Au total, rétoqie M. Lurel, ce grand projet n’aura coûté que 76 M€ contre 160 M€ pour le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (contre les 88 M€ prévus initialement) ou les 306 M€ pour le Musée des Confluences de Lyon dont le coût a presque doublé." Quant à Ary Chalus, il souligne qu’à l’instar de l’ensemble des structures de ce type existant en France, "la gestion est coûteuse et structurellement déficitaire. La rentabilité doit s’apprécier à l’aune de la contribution du MACTe à la construction de la mémoire collective, à la rénovation urbaine de Pointe-à-Pitre et au renforcement de l’attractivité du territoire".

Les succès réunionnais

"Des succès favorables au développement économique." Pour illustrer ces derniers, les rapporteurs financiers citent la mise aux normes de l'aéroport Roland-Garros, l'irrigation du littoral Ouest et l'abattoir de volaille dans le programme 2007-2013.

L’apport du FEDER pour l'aéroport s’est élevé à 36,8 M€, pour un montant global d’investissement évalué à 104,1 M€. L’État et les collectivités territoriales ont également participé au financement de ce projet, "dont, souligne le rapport, la conduite a été convenablement maîtrisée, et qui a été prolongé dans le cadre de la programmation 2014-2020".

Le projet d’irrigation du littoral Ouest visait à acheminer 97 millions de mètres cubes d’eau chaque année de l’est vers l’ouest de l’île, à travers un réseau de canaux et de tunnels, afin d’alimenter les communes en eau potable et de permettre le développement de l’agriculture, ainsi que sa diversification. Les travaux ont duré 27 ans, de 1989 à 2016. Ils ont permis à la moitié la plus sèche de l’île de bénéficier d’un accès permanent à l’eau au prix de 2 €/m3, quels que soient les aléas climatiques. Le budget total de cette opération a été de 1 110 M€. Il a été alimenté à hauteur de 450 M€ par le FEDER et de 210 M€ par le FEADER. "Le contrôle effectué sur la programmation 2007-2013, précise encore le rapport, qui a pris en compte les cinq marchés les plus importants passés pendant cette période, n’a pas révélé d’anomalie dans la gestion du projet par le département, qui était le maître d’ouvrage."

Enfin le projet de construction d’un nouvel abattoir de volailles, subventionné à hauteur de 13,6 M€ par le FEADER pour une dépense effective de 56,2 M€, avait pour objectif de faciliter une commercialisation à moindre coût pour les consommateurs. L’équipement produit entre 9 000 et 14 000 tonnes de volaille chaque année, chiffre à mettre en regard des 20 000 tonnes importées. "Sa réalisation, précise encore le rapport, s’est déroulée dans de bonnes conditions, entre 2012 et 2015, et a débouché sur la création d’environ 1 600 emplois directs et indirects et une valeur ajoutée de 75 M€/an."

FXG, à Paris

Budget européen : la part de la France et la part des RUP

La Guyane fait partie des six régions ultrapériphériques qui perçoivent près d’un cinquième des financements des fonds européens structurels et d’investissement (FESI) attribués à la France, soit 3,9 Md€ pour la période 2007-2013 et 4,8 Md€ pour la période 2014-2020. La part du fonds européen pour la pêche réservée aux RUP était de 34 M€ pour la période 2007-2013. Elle a été consommée à 100 % en Guyane. Le fonds européen de développement régional (FEDER) et le fonds social européen (FSE), qui représentaient pour les RUP en 2007-2013 un montant total de 3,2 Md€, ont été utilisés en quasi-totalité.

Pour mieux cerner le poids de ces aides, il faut les rapporter au budget de l'Union européenne. En 2019, il s'élève à 165,8 Md€ en autorisation d'engagement (148,2 Md€ en crédits de paiement). La France y contribue à hauteur de 22,6 Md€, soit 1,7 % des 1340 Md€ de dépenses publiques, et reçoit de l'Union 14 Md€, soit un solde net de 9 Md€.

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