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Publié par fxg

Annick Girardin en Martinique

Annick Girardin, ministre des Outre-mer, est arrivé  mercredi 3 avril pour une visite de deux jours en Martinique.

"Le principe du maintien d'une université des Antilles dotée de deux pôles est le modèle souhaité"

Vous arrivez pour signer les premiers emplois francs depuis qu'ils sont étendus aux Outre-mer. Combien de personnes cela pourra-t-il concerner en Martinique et dans quels secteurs d'activité ?

Les emplois francs, c’était un engagement d’Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. C’est un engagement qui se concrétise pleinement aujourd’hui. Et je suis très heureuse de signer le premier emploi franc de Martinique ! Ce dispositif concerne les entreprises ou associations qui embauchent un demandeur d’emploi issu d’un quartier défavorisé, une prime de 5000€ par an pendant trois ans pour une embauche en CDI, de 2 500€ pendant deux ans pour un CDD de plus de six mois. La logique des emplois francs est attachée à la personne recrutée. C’est donc l’adresse de la personne qui est recrutée et non pas l’adresse de l’entreprise. En Martinique, ce sont plus de 7% de la population qui réside en Quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), soit plus de 27 300 personnes. C'est un dispositif qui s’ajoute à la réforme des aides économiques que j’ai menée avec l’objectif du Zéro charges pour les salaires autour du SMIC et la création d’un compteur emploi.

La population vieillit inexorablement et vous allez vous faire présenter l'initiative de la sénatrice Conconne, "Alé Viré". Comment peut-on retenir notre jeunesse ou au moins la faire revenir quand elle est partie se former ailleurs ?

La question de la démographie est un enjeu central en Martinique. On a constaté une baisse annuelle moyenne de la population de 0,6 %, alors que dans les années 80 le solde était positif. De 2011 à 2016, c’est un peu moins de 16 000 habitants en moins. Et avec une population qui diminue pour 8 communes sur 10, la Martinique continue à perdre des habitants. Qui part ? Ce sont, pour la majorité, les 18-27 ans. Cette tranche d’âge représente la moitié des sorties du territoire ! C’est donc la jeunesse. Toutes les initiatives sont bonnes pour enrayer ce phénomène. D’abord, le taux de natalité est plus faible que la moyenne nationale : 10 pour mille en Martinique contre 11,4 au niveau national. Le groupe de travail « Alé Viré » est un projet noble et audacieux. La méthode est bonne et les réponses proposées sont intéressantes.

Concrètement ?

Le développement économique est un premier levier et pour cela il nous faut encore plus se mobiliser sur l’offre de formation locale. Il existe également une piste pour la fonction publique que j’espère explorer, c’est l’organisation de concours nationaux à affectation locale. Nous nous sommes engagés également avec mes collègues du Gouvernement, à ce que chaque grand bassin géographique outre-mer dispose d’une classe préparatoire intégrée (CPI) ou d’un institut de préparation à l'administration générale (IPAG) préparant aux concours des écoles du service public.

Mais ce n’est pas tout. De nombreux Martiniquais installés dans l’hexagone veulent revenir au pays. Il faut donc lever les freins professionnels et mieux défendre les enjeux du « retour ». Ce projet de « Maison de l’attractivité » porté par Alé Viré et Mme la sénatrice, est noble et audacieux. Il représente un très bon outil qu’il nous faudra articuler avec les mesures de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences.

Les sargasses sont toujours là... La réflexion sur la prise en charge de ce risque en tant que catastrophe naturelle peut elle évoluer favorablement ?

Le gouvernement s'est déjà exprimé sur le sujet : dès lors que le risque se répète de manière régulière, nous ne sommes plus dans le cadre des catastrophes naturelles. Par ailleurs, la définition de dommages accidentels correspond à des dommages directs aux biens, causés de manière accidentelle par un aléa extérieur et soudain. Elle ne s'applique donc pas pour une prise en charge des dommages causés par les sargasses, dans la mesure où ceux-ci sont en principe indirects (ils proviennent de la décomposition des algues en l’absence de ramassage) et prévisibles (des mesures de sauvegarde auraient pu être prises pour éviter l'échouage ou mettre à l'abri certains biens mobiles). Mais il n'est pas pertinent de s'arrêter à une définition du phénomène de sargasses en des termes juridiques.

Depuis 2015, l’État a agi face à l'amplification des échouages de sargasses. Nous avons adopté un Plan national pour gérer le phénomène, avec un objectif de ramassage en 48h, des prévisions dorénavant en temps réel et une meilleure coordination des acteurs depuis l'année dernière. En 2019, l’État demeure pleinement mobilisé pour soutenir les communes et les accompagner dans la gestion des sargasses. Avec la reprise des échouages en début d’année, le plan départemental sargasse et les plans communaux de sauvegarde ont été activés le 15 janvier.

Comment ça se passe ?

Notre action s’articule de manière générale en quatre grands axes. Premièrement, la gestion des échouages et l'entretien quotidien des plages, pour cela une aide est apportée par l’État aux collectivités et nous avons en plus renforcé des chantiers d’insertion et je salue les 144 jeunes mobilisés dans ce cadre. Ensuite, les investissements vont permettre une gestion du phénomène. C'est donc, deuxièmement, des barrages pour la prévention des échouages ; 14 ont déjà été posés, 9 dossiers sont en cours d’instruction et 21 projets sont à l’étude. Troisièmement, le plan d’équipement des communes en engins lourds pour faire face aux échouages massifs. Ce sont 2,7 millions d’euros d’équipements qui seront ainsi mis à disposition des communes, dont 50 % par l’État. Le président de la République  souhaite pour 2020 une meilleure répartition des cofinancements État pour aider plus largement les petites communes. Quatrièmement, l'innovation pour la gestion des sargasses, leur possible valorisation économique, les recherches à mener en matière de santé : toute cela nécessite une coopération au niveau des Caraïbes pour une gestion des sargasses sur le long terme. C'est l'échelon le plus pertinent et je salue les initiatives des collectivités à ce sujet - que ce soit pour la conférence régionale d’octobre 2018 ou l'appel à projet international de l’ANR.

A l'université des Antilles, c'est la guerre ouverte entre Guadeloupéens et Martiniquais pour la répartition des moyens. Croyez-vous au risque d'un nouvel éclatement après la séparation d'avec la Guyane en 2015...

Je voudrais tout d'abord rappeler à quel point les ultramarins ont réaffirmé, lors des Assises des outre-mer, leur volonté de placer l'éducation au cœur de leurs priorités pour leur territoire. Et ils ont raison, c'est par la formation que nous contribuons à former les citoyens de demain. Il est donc indispensable que nos territoires ultramarins disposent de structures de formation de qualité.
La France dispose, à travers les Antilles françaises, d'une ouverture unique vers l'espace caribéen et américain. Il est donc important que les départements français d'Amérique unissent leurs forces pour constituer ensemble un point d'appui pour faire rayonner le savoir-faire et la culture de la France dans le bassin océanique Atlantique.

De ce point de vue, l'université des Antilles doit être exemplaire. Sur le modèle de l'université des Indes occidentales, il doit y avoir un espace universitaire et de recherche francophone unique, prenant appui sur les deux sites de Martinique et de Guadeloupe, pour déployer une offre de formation large. Plus l’université des Antilles sera forte, plus elle sera en capacité de proposer aux jeunes Antillais, mais également aux jeunes Caribéens, un panel de formation large et riche.
Il faut être lucide : avec 10 000 étudiants, l’université des Antilles est modeste à l'échelle nationale, et plus modeste encore à l’échelle européenne et internationale.

Doit-on craindre un nouvel éclatement ?

La pire des hypothèses serait une séparation entre les pôles, au mépris du bon sens, pour satisfaire l'envie de chaque territoire d'avoir sa propre  université. Nous aurions ainsi deux petits ensembles, ne pouvant donc pas disposer des moyens d'offrir l'offre de formation à laquelle les jeunes Antillais ont légitiment droit. Nous ne ferions qu'accentuer la fuite de nos jeunes hors de nos territoires, aggravant le déclin démographique auquel les Antilles sont confrontés. Beaucoup des interlocuteurs avec lesquels j'ai échangé au cours de ces derniers mois partagent ce point de vue. Ma collègue, Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, et moi-même sommes attachées à la consolidation de pôles universitaires par bassins océaniques pour y développer des plates-formes de recherche. Cela permettra de valoriser l'excellence de nos jeunes chercheurs. Nous pourrons y développer des spécialisations qui rendront l'université attractive, dans des domaines pointus, pour des chercheurs de l'hexagone ou d'ailleurs.

C'est pour cela qu'au-delà des tensions actuelles, difficilement compréhensibles, je crois que le principe du maintien d'une université des Antilles dotée de deux pôles est le modèle souhaité par le plus grand nombre d'Antillais. Il faudra surmonter les crispations actuelles et travailler ensemble, dans une logique de collaboration et de mutualisation, pour garantir le maintien de cet ensemble universitaire essentiel pour les jeunes Antillais.

Le débat sur les aides économiques a été tendu jusqu'à l'adoption du budget, mais vous avez alors indiqué qu'il y aurait un suivi pour s'assurer qu'il n'y aurait pas de contre effet non désiré sur la santé des entreprises. Qu'en est-il ? La réforme de l'écosystème des entreprises est-elle bénéfique ?

La réforme des aides économiques que nous avons conduite a été l’une des plus ambitieuses réformes conduite pour l'outre-mer depuis une décennie. Il est parfaitement normal que cela suscite des débats et des échanges. Nous avons réformé en profondeur l'écosystème économique, que ce soit sur l'accompagnement de l'investissement, le coût du travail, la fiscalité ou le financement de l'économie. Nous avons également mis fin à une anomalie en ouvrant la possibilité pour des greffiers privés de tenir les greffes des tribunaux de commerce. Ma collègue Nicole Belloubet, ministre de la justice, doit prendre les dispositions pour que cela soit effectif dans l’ensemble des outre-mer avant la fin de l'année. Par exemple, cela veut dire qu'enfin les entreprises pourront avoir leur extrait K-bis en 24h !

Si on revient à la réforme des aides économiques, nous avons eu d'intenses échanges et discussions avec les partenaires sociaux et les parlementaires afin de faire évoluer notre projet pour les économies d'outre-mer. Notre objectif est clair : permettre le "zéro charge" sur les zones les plus intenses en emploi tout en soutenant les secteurs de la transformation économique. Il faut savoir se dire les choses : en outre-mer, 70% des salariés gagnent moins de 1,7 SMIC, 92% d'entre eux gagnent moins de 2,7 SMIC. Et 80% des demandeurs d'emplois ont un niveau de formation inférieur à Bac+2. Cette réforme est pragmatique, elle vise à réduire le coût du travail pour une majorité de salariés dans les secteurs de la production locale pour favoriser l'emploi et lutter contre l'emploi informel. Le président de la République a été clair : la priorité du gouvernement, c'est de mener et gagner la bataille de l'emploi.

Et puis cette réforme, c'est aussi un engagement de prolonger la défiscalisation productive jusqu'en 2020, de renforcer les Zones franches globales, en y incluant notamment le secteur du nautisme et de créer des outils de financement de l'économie performants. À ce sujet, la Banque publique d'investissement finalise son installation en Martinique et sera à même dans les semaines qui viennent de distribuer en propre l'ensemble de ses produits ainsi que des produits spécifiques que nous avons mis en place comme le prêt DOM bonifié ou des dispositifs subventionnels pour accompagner les investissements productifs et l'innovation.

Je porte la stratégie Trajectoire outre-mer 5.0, c'est une stratégie qui vise à permettre aux territoires d'outre-mer d'atteindre en 2030 des objectifs clairs : zéro carbone, zéro déchet, zéro polluants agricoles, zéro vulnérabilité au risque climatique et zéro exclusion. Nous pouvons y arriver, il faut faire des choix courageux pour prendre cette trajectoire. Les élus martiniquais se battent pour attirer des jeunes sur l'île, et justement, j’ai la conviction que ce projet est fédérateur. Il pourrait permettre à la Martinique de devenir une des premières îles au monde à atteindre l'ambition du 5.0. Mais cette ambition, je ne la réaliserai pas seule. Il faut que le territoire et ses forces vives y croient, afin que nous y parvenions ensemble !

Quelle est la déclinaison du livre bleu Outre-mer en Martinique depuis son adoption ?

La démarche des Assises des Outre-mer a remporté un franc succès en Martinique, avec plus de 300 projets issus directement du territoire. Nous sommes actuellement dans la phase active de mise en œuvre.

Certains projets ont d’ores et déjà été lancés, comme le Showroom de la transition énergétique à Bellefontaine, que j’irai visiter et qui constitue la première brique du parc d’entreprises qui sera aménagé au sein de l’ancienne usine EDF. D’autres projets nécessitent encore un travail de maturation.

Dès l’adoption du Livre bleu outre-mer en juin dernier, j’ai organisé un "Forum des projets outre-mer" à Paris entre quelques porteurs de projets et un certain nombre de partenaires institutionnels et financiers. C’était le 28 juin 2018, à l'Elysée, en présence du Président de la République. J’ai organisé la 2e édition du Forum la semaine dernière, associant cette fois des porteurs associatifs et des fondations d’entreprise. Cette formule est déclinée au niveau local par le préfet de la Martinique dans le cadre des « Rendez-vous des Assises » qui permettent, une fois par mois, aux porteurs de projet de rencontrer les services de l’État, l’AFD, la Caisse des Dépôts, mais aussi la CTM, et de leur présenter l’avancement de leur projet ou d’échanger sur les étapes à venir.

Dix projets ont d’ores et déjà été présentés dans ce cadre, parmi lesquels des projets aussi structurants que la plateforme Sport Santé, l’Institut d’économie bleue et de la mer ou encore le projet Valcaco. Les retours sur ces rendez-vous nationaux et locaux sont extrêmement positifs. Ils contribuent à faire avancer les projets en rapprochant les points de vue et en faisant émerger, par le dialogue et les échanges directs, des solutions aux difficultés qui peuvent se poser en matière de financement des projets, de modèle économique ou encore de frein réglementaire.

Propos recueillis par FXG, à Paris

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