Emmanuelle Wargon aux Antilles
Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat à la transition écologique et solidaire, était en Guadeloupe du 19 au 23 juin, puis en Martinique jusqu'au 24.
Au programme la crise de l'eau en Guadeloupe et la fin du charbon aux Antilles. Entretien.
"L'eau n'est pas empoisonnée au chlordécone de façon généralisé"
C'est la difficulté de l'accès à l'eau qui vous amène en Guadeloupe ?
Je viens en Guadeloupe essentiellement pour parler d'eau, pour faire le point sur l'ambition qui a été lancée par les élus de Guadeloupe et le président de la République d’assurer l'accès à l'eau pour tous les habitants de la Guadeloupe. Je veux consacrer beaucoup de temps aux rencontres sur le terrain puisque je vais aller voir l'avancement concret du plan d'action prioritaire qui avait été lancé l'année dernière. Nous mettons d’ores et déjà 10 millions d'euros sur cette première étape du plan et je viens voir où nous en sommes sur les canalisations et les captages.
Je viens aussi échanger avec les usagers parce qu'il est clair que la réponse à la question la plus importante de l'eau en Guadeloupe passera par un dialogue avec les usagers : il faut à la fois mieux s'organiser, investir plus et revenir à un système normal de facturation. C'est très important de discuter avec les usagers et bien sûr, je vais aussi discuter avec les collectivités territoriales, saluer l'accord de toutes les collectivités lors de la conférence de l'action publique territoriale qui a eu lieu en mai dernier pour la création d'un syndicat unique de l'eau à compter du 1er janvier 2020. Et pour avancer et investir, on a aussi besoin de signer les contrats de progrès avec chacune des cinq collectivités concernées. Annick Girardin et Sébastien Lecornu en ont signé un en mars 2018 avec Marie-Galante et on a pour objectif d'en signer quatre autres rapidement, d'ici la fin de l'année.
A quel horizon, espérez-vous voir le problème de l'accès à l'eau se régler ?
L'ambition, c'est qu'on ait des résultats dès 2020. Cela prendra environ deux ans pour arriver à sortir des tours d'eau, le préfet l’a indiqué dans vos colonnes. Notre ambition, c'est un maximum de deux ans, mais il y a encore beaucoup de travail jusqu'à avoir la quantité de la ressource à tous les points d'eau nécessaires pour chacun des habitants. Mon objectif, c'est un accès à l'eau pour tous partout, à la fois en supprimant les tours d'eau le plus vite possible, mais aussi en améliorant les captages et les canalisations pour que l'eau soit de bonne qualité partout sur l'île.
Les gens s'interrogent aussi sur la qualité de l'eau qu'ils boivent. Pouvez-vous nous assurer que l'eau n'est pas empoisonnée au chlordécone ?
Non, l'eau n'est pas empoisonnée au chlordécone de façon généralisée mais nous avons des problèmes de qualité, des problèmes ponctuels de gestion des usines, mais aussi des problèmes de déperdition. Ce n'est pas tant la qualité le problème que le fait de perdre de 60 à 80 % de l'eau entre le captage et l'arrivée chez les habitants. C'est ça notre premier problème. Pour supprimer en deux ans maximum les tours d'eau et améliorer l'alimentation en eau, il faut s'organiser différemment, c'est ce qui a été acté avec la création d'un syndicat unique de l'eau, il faut investir et l'État est prêt à la faire d'ailleurs de façon dérogatoire car c'est purement une compétence commune, mais compte tenu de la situation, l'État avec la Région et le Département sont prêts à investir, il faut qu'on se mette d'accord avec les communes et les intercommunalités sur le partage de cet investissement et c'est ce que doivent préciser les contrats de progrès dont je vous parlais avec les intercommunalités qui seront prochainement signés. Une fois qu'on aura un syndicat unique qui gère et un investissement programmé, on pourra avancer.
Quel est le montant global de ce chantier ?
Pour l'enveloppe [de cette première phase] du programme d'action prioritaire, nous nous étions engagés à mettre 7,7 millions, finalement entre l'État et l'Agence française de la biodiversité, nous arrivons à un peu plus de 10 millions [Nous travaillons aussi pour sécuriser d’autres sources de financement comme les fonds structurels européens et les concours bancaires]. Les investissements tout compris sont chiffrés autour de 800 millions.
Vous arrivez samedi soir en Martinique où ce sont, semble-t-il, les questions relatives à la biodiversité qui ont motivé votre déplacement. Quelle est la problématique ?
Le principal enjeu c'est la biodiversité. Nous avons une ambition nationale très forte pour sa préservation alors que 80 % de la biodiversité française se trouve en Outre-mer. J'irai voir le Parc naturel régional, on va parler d'extension de la réserve de la Caravelle et je vais signer une convention avec la Collectivité territoriale de Martinique sur la mangrove, ce sera lundi après-midi. Notre objectif, d'ici 2022, est de faire de 30 % du territoire national des espaces naturels protégés dont 10 % en protection forte. Je vais réunir en octobre lors du forum national sur les aires protégées à Biarritz tous les gestionnaires d'aires protégées. Je compte beaucoup sur ce déplacement, avec les acteurs de la Martinique, pour réfléchir à la manière dont nous allons déployer cette nouvelle stratégie car, encore une fois, la Martinique et les Outre-mer en général, c'est notre principale richesse en matière de biodiversité.
En termes de développement et d'emploi, que peut apporter la biodiversité. Où sont les emplois verts ?
Défendre la biodiversité, c'est protéger la nature, la faune et la flore. On sait qu'on a un vivier d'emplois verts dans ce domaine, c'est aussi lié au tourisme vert, parce que c'est l'un des grands atouts de la Martinique et donc, à chaque fois qu'on protège cette nature et qu'on la valorise, ça permet aussi de contribuer au développement du tourisme avec des activités de nature qui sont créatrices d'emplois.
Votre déplacement comportera-t-il un volet sur l'indépendance énergétique ?
Je vais avoir une séquence importante avec Albioma puisque nous avons comme objectif de sortir du charbon en Martinique comme en Guadeloupe à compter de 2023. Chez Albioma, je vais pouvoir annoncer quelque chose qui est attendu depuis longtemps : la mise en place en Martinique de la prime bagasse qui existe en Guadeloupe mais pas encore en Martinique. Nous allons mettre un million d'euros pour soutenir les producteurs de canne sur la bagasse et permettre d'accélérer la sortie du charbon et son remplacement par de la bagasse.
Propos recueillis par FXG, à Paris