Question à la Cour de cassation : Un faux en écriture du parquet peut-il altérer une procédure pénale
L'affaire Green Parrot resurgit à la Cour de cassation
L'affaire Green Parrot, mettant en cause pour faux et prise illégale d'intérêt Alfred Marie-Jeanne, alors président du Conseil régional de Martinique, sa fille Maguy et le compagnon de cette dernière, Mark Frampton, rebondit à la Cour de cassation.
C'est la plainte pour faux déposée par Alfred Marie-Jeanne et sa fille en juillet 2016 contre l'ancien procureur de Fort-de-France, Eric Corbaux qui a atterri ces jours dernier devant la juridiction suprême. Cette plainte avec constitution de partie civile vise le courrier du procureur réquisitionnant la police judiciaire pour enquêter sur l'affaire Green Parrot. Il est daté du 20 avril 2010 et porte un tampon de réception par la police en date du 21 mars 2010. Mais dans le dossier judiciaire, une copie de ce courrier porte de façon manuscrite la date du 19 mars 2010... Le juge d'instruction parisien, sans même avoir procédé à l'audition de la partie civile, a conclu en juin 2017 par un refus d'informer. La chambre de l'instruction a confirmé ce classement en juillet 2018. Alfred Marie-Jeanne et sa fille se sont pourvus en cassation et la Cour a admis tout récemment leur pourvoi.
Le rapporteur de la Cour, M. Wyon, a analysé le moyen de cassation soulevé par les conseils de Marie-Jeanne et a étudié les jurisprudences concernant un faux commis pendant une procédure pénale. Dans certains cas, la chambre criminelle a estimé que le faux commis lors de la procédure ne pouvait pas constituer une irrégularité de procédure, dans d'autres cas, elle a considéré que ce faux impliquait une violation des règles de la procédure. "La chambre criminelle devra donc s'interroger, indique le rapporteur Wyon, sur le fait de savoir si l'irrégularité alléguée (ici, la date de la demande d'enquête) porte sur le contenu ou sur sa forme." La discussion est donc ouverte et la décision que prendra la Cour fixera définitivement avec ce futur "arrêt Marie-Jeanne" la jurisprudence, dans un cas comme dans l'autre.
Un dossier "machiavélique"
Depuis, le dépôt de cette plainte pour faux, les services de la chancellerie, soucieux de protéger leur procureur, se sont mobilisés pour trouver une réponse adéquate à cette offensive. Ils ont consulté de nombreux ténors pénalistes qui ne se sont pas prononcés ainsi que deux avocats à la Cour de cassation qui n'ont pu qu'avancer les mêmes jurisprudence du rapporteur Wyon. L'avocat du procureur Corbaux (aujourd'hui procureur à Pontoise), Me Chabert a parlé de dossier "machiavélique", quand la première présidente du TGI de Paris a consacré l'inscription de ce faux en mars 2017 (photo)

.
La Collectivité territoriale de Martinique a demandé au bâtonnier de Paris, Frédéric Sicard, de se constituer partie civile pour elle. Mais après avoir été reçu par le ministre de la Justice, alors Jean-Jacques Urvoas, et l'avoir entendu dire, selon les bruits du palais, qu'il n'hésiterait pas à poursuivre les avocats d'Alfred Marie-Jeanne, Me Sicard a renoncé. Peu de temps après, en septembre 2017, Jean-Jacques Urvoas, battu aux législatives de juin, déposait un dossier auprès du barreau de Paris, sous l'aile protectrice de la robe du bâtonnier Sicard, pour devenir avocat. Hélas en vain pour lui, puisqu'il a été entretemps mis en examen pour violation du secret de l'instruction dans l'affaire Thierry Solère, et renvoyé devant la haute cour de justice de la République...
FXG, à Paris
Et le procès Marie-Jeanne dans tout ça ?

Lors de l'audience du 22 mars 2018 à Paris, le parquet a donné raison à Alfred Marie-Jeanne sur la nullité de la procédure, ce qui avait abouti à l'annulation de l'ordonnance de renvoi devant la 11e chambre correctionnelle et donc le renvoi de l'affaire au parquet de Fort-de-France, à charge pour lui de mieux ficeler son dossier. Mais le parquet de Fort-de-France n'en a pas voulu, ce qui explique le silence judiciaire sur cette affaire depuis... "L'affaire a été dépaysée après l'ordonnance de renvoi, explique Me Ursulet, donc le parquet de Fort-de-France est légalement obligé de la reprendre. C'est un mangé cochon judiciaire d'où émergera la vérité." A l'inquiétude du parquet et des procureurs de Fort-de-France et de Paris, répond l'écho amusé de la défense.
L'analyse d'Alex Ursulet, conseil d'Alfred Marie-Jeanne
"Si la Cour de cassation va dans le mauvais sens, elle va torpiller la logique judiciaire et il reviendra alors à la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de rétablir le sens des choses. La CEDH a dit que le parquet était une partie au procès, comme le sont les avocats, et qu'il n'avait droit à aucun privilège lors d'une procédure. En droit comparé, la thèse défendue par Alfred Marie-Jeanne est conforme à l'orthodoxie du droit européen."