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Publié par fxg

Concurrence Outre-mer

L'Autorité de la Concurrence présente son rapport sur la vie chère

Isabelle de Silva, présidente de l'AdC, a présenté hier au ministère des Outre-mer son rapport sur le fonctionnement des marchés d'importation et de distribution des produits de grande consommation outre-mer, dans le contexte de la lutte contre la vie chère..

Les écarts de prix restent manifestes entre l'Hexagone et les territoires : 12 % en moyenne et, pour les produits alimentaires, 19 à 38 % selon les territoires. En cause, le recours aux grossistes importateurs et l'octroi de mer qui pèsent de façon importante sur les prix, et de façon moindre les taux de marge et les frais d'approche et de stockage.

L'AdC propose en conséquence que les collectivités se penchent sur la réforme de l'octroi de mer et sur le développement de la vente en ligne...

Le rapport a également étudié le bouclier qualité prix (BQP) institué par la loi Lurel de 2012 et préconise de l'améliorer soit en favorisant la qualité et les produits locaux, soit en favorisant les produits les moins chers.

Francis Amand, nommé délégué à la concurrence Outre-mer en décembre dernier a indiqué qu'il allait se saisir de ce rapport pour en faire sa feuille de route. Selon son analyse, il y a quatre orientations à prendre pour structurer un programme d'action sur plusieurs années.  D'abord renforcer la transparence sur les prix, restructurer et solidifier le BQP, examiner la politique promo des enseignes, structurer les filières de production agro-alimentaire et enfin favoriser le commerce en ligne.

Pas d'objectifs chiffrés

"La persistance de la vie chère, a déclaré la secrétaire d'Etat à l'Economie, souligne l'impératif d'agir ensemble." Elle a ainsi évoqué la coopération entre les OPMR, dont le budget a été multiplié par 2 en 2019, et les DIECTE ; elle a repris les arguments développés dans le rapport et par Francis Amand avant de filer à l'anglaise après une heure. Annick Girardin n'a pas voulu donner d'objectifs chiffrés sur l'écart de prix (qu'elle ne veut plus que l'on compare à l'Hexagone), mais elle a indiqué que l'objectif pourrait être de réussir comme on l'a fait avec la téléphonie avec la fin du roaming et l'arrivée de nouveaux opérateurs ou encore avec les frais bancaires qui coûtaient 15 euros en 2014 contre 49 centimes aujourd'hui... Quant au BQP, elle a suggéré  d'en faire trois : un pour les produits alimentaires, un pour les produits d'hygiène et un autre pour la petite enfance. Enfin, en sus de la réforme de l'octroi de mer qu'elle encourage, elle a proposé "un guichet de dégrisement" pour que tous les acteurs qui continuent d'avoir des accords exclusifs viennent se dénoncer eux-mêmes moyennant une immunité afin de réfléchir avec la société à un nouveau système vertueux...

FXG, à Paris

Les marges arrières dans la grande distribution

Francis Amand s'est exprimé sur le  rapport Bolyonocte qui cible les abus en matière de marges arrière et leur effet inflationniste tout au moins sur les filières de production locale : "Ce rapport évoque les marges arrière mais le sujet n'est pas vraiment instruit dans le rapport lui-même, ce qui pose un problème quand même. Les marges arrière, ce sont les avantages tarifaires qu'un distributeur obtient et qu'il ne remet pas dans ses comptes. Il y a deux façons de redresser le problème : structurellement il faut faire en sorte qu'il y ait une concurrence intense entre distributeurs pour qu'ils rendent l'avantage obtenu au consommateur ; et conjoncturellement, il faut contrôler la valeur de l'avantage qui est arraché notamment au fournisseur de produits locaux et là, il y a une action de la direction de la concurrence."

ITW Isabelle de Silve, présidente de l'Autorité de la Concurrence

"Il ne faut pas attendre forcément les résultats pour demain, mais pour après-demain"

Que proposez-vous contre les distributeurs qui sont en même temps grossistes importateurs ?

Nous proposons de compléter la loi pour ajouter une nouvelle disposition qui s'appliquerait sous peine de sanction aux groupes verticalement. Il s'agit de leur interdire de favoriser leur propre distributeur par rapport aux autres distributeurs qui sont en concurrence avec eux. c'est quelque chose que l'on a pu faire lorsqu'on a été saisis tout récemment d'une grosse opération de concentration. Nous avons pu l'imposer à cette occasion puisque c'était une condition qui a été mise à la concentration en question. Nous avons imposé qu'on réintroduise une enseigne qui avait disparu jusqu'alors pour que le consommateur ait malgré tout le choix. Ca fait partie de notre vision dynamique et ambitieuse pour maintenir partout une concurrence. De même, nous avons fait une proposition sur l'injonction structurelle, un outil spécifique à l'Outre-mer, qui oblige une entreprise à se séparer en deux ou en trois pour recréer une concurrence qui n'existe plus. C'est une disposition que nous n'avons jamais pu utiliser encore car les conditions sont tellement élevées qu'elles rendent impossible son utilisation... L'outil nous paraît toujours pertinent parce qu'on constate toujours une très grande concentration dans les Outre-mer particulièrement dans la grande distribution et nous proposons au législateur de faire en sorte que nous puissions nous en saisir.

Avez-vous une idée du calendrier pour la mise en oeuvre de vos recommandations ?

Isabelle de Silve : On est sur des chantiers considérables comme l'octroi de mer. Un revirement des taux ne se fait pas en quelques jours et en plus ça dépend des collectivités... C'est un sujet complexe mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas le traiter ! Il faut mettre en balance les nécessités de ces territoires pour se financer et les effets pervers et l'impact sur le consommateur. Par exemple, nous proposons l'exonération des produits dont ont besoin les entreprises. Il y a toute une série de réformes qui peuvent être saisies par les collectivités rapidement si elles le souhaitent. Pour la vente en ligne, il y a un travail à mener sur les formalités douanières et d'octroi de mer. S'il y a la volonté d'aboutir, d'ici un an, on peut avoir des résultats. Il faudra un délai d'instruction complémentaire de trois à six mois pour que ces mesures puissent arriver sur le terrain, mais le mouvement de réflexion peut être plus rapide sur des sujets comme le BQP qui doit avoir une pertinence locale.

Bref, combien de temps ?

Lorsqu'on agit sur la concurrence, on agit avec un horizon de quelques années, mais on des résultats très concrets quand même. Je prends l'exemple des lois Lurel et Egalité réelle outre-mer qui sont très récentes ; on a déjà vu des effets. Je prends l'exemple des importations exclusives, le fait qu'elles sont désormais sanctionnées veut dire qu'on ouvre la possibilité à de nouveaux entrants et ça, c'est de la concurrence concrète. Autre exemple, l'arrivée de Leclerc à La Réunion qui a animé la concurrence par les prix. Ca joue à la fois sur le consommateur qui se rend chez ce distributeur et chez les autres distributeurs qui sont challengés dans leurs prix. Il faut avoir en tête qu'on essaie d'agir sur les structures. On l'a vu avec les matériaux de construction dont certains étaient disponibles à faible prix dans des territoires proches mais non français, donc avec un problème de normes. Je me réjouis d'apprendre que la ministre s'est saisie de cette proposition pour la traduire dans les actes ; ça permettra d'ouvrir nos territoires au commerce régional qui est très limité, voire inexistant. Il ne faut pas attendre forcément les résultats pour demain, mais pour après-demain.

Propos recueillis par FXG, à Paris

Quelques chiffres

En dix ans de mise en oeuvre du droit de la concurrence, l'AdC a rendu 12 avis, 28 décisions antitrust, 41 décisions de contrôle de concentration. L'impact de cette politique est chiffré à 420 millions d'euros dont 210 pour les seuls amendes émises par l'AdC.

 

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