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Publié par fxg

Décès de Roland-Pierre Charles

Roland Pierre-Charles est monté au filao

Roland Pierre-Charles et sa chevelure solaire, celui qui se proclamait "le Chaben fondamental" et encore "l'importateur de l'accordéon aux Antilles", est décédé vendredi à Paris, a-t-on appris par un proche de sa famille.

Photo Régis Durand de Girard

Fils d'un maire de Saint-Pierre et frère de Philippe Pierre-Charles, figure du K5F en 2009, si Roland s'était porté une fois candidat aux cantonales en 1991 à Foyal, c'est la musique qu'il avait choisie comme terre d'élection. Né en 1948, Roland a passé une partie de son enfance à Paris jusqu'en 1962 année où il rentre en Martinique. Il fait ses premières armes musicales à la Jeunesse étudiante chrétienne où il croise Bibi Louison, Paulo Rosine, les frères Bernard, les frères Misaine, Marceau Jobello, Christian Coco, Monique Carbaza, Louise Saint-Aimé... Tous sont réunis autour de l’abbé David… "La JEC était alors un conservatoire de musique informel où l’enseignement était empirique", témoignait-il en 2011 pour France-Antilles.  Il joue dans l’orchestre Wacha. RPC est bassiste, Serge Rémion guitariste, Guy Ferdinand et Alain Laurencine, violonistes… Le swing de l’après-guerre est encore à la mode mais c’est la musique latino qui domine avant que le kompas des Haïtiens ne vienne le séduire. « Webert Sicot est venu se produire dans un dancing à Kerlys. Il faisait de la cadence rempa. 4 trompettes, 4 saxos ! Ils ont mis une vraie claque aux orchestres locaux qui ronronnaient… » Surtout, ils ont l’accordéon… Roland n’a que 16 ans et décide de s’en acheter un alors qu’il joue avec les Djoubaps. Ils jouent  au Manoir, à la Plantation, à l'Abricot Palace. Les DJoubaps s'enrichissent des musiciens de l’orchestre de la MJC de Trinité : Maurice Marie-Louise et Marcel Ravenet au chant, Jean Beneto et Daniel Ravaud aux trompettes, Alex Cayol, dit Sousoutte, au piano. Les DJoubaps deviennent les Gentlemen, une formule réduite avec Jeannot Guyoule à la guitare, le policier Victor Thermé au saxo, Paulo Albin qui vient chanter de temps en temps et RPC. « Nous n’avions pas de nom mais ça marchait bien... Un jour, témoignait encore Roland, quelqu’un, par autodérision et en référence à Eddie Palmieri, a lancé un nom : la Perfecta. C’était un trait d’humour ! » ils jouent à l'Escale au Robert. Le succès arrive. Ils commencent à jouer professionnellement. Ca dure un temps avant les embrouilles... En 1976, RPC est à Cuba et joue avec l’orchestre de l’hôtel Jagua à Santa-Clara. « Ils m’ont appelé Gringo… » Les Cubains sont surpris de voir ce « gringo » venu d’une île inconnue qui sait jouer leur musique. A la fin du concert, les 16 musiciens se lèvent pour saluer leur hôte ! RPC part ensuite aux Etats-Unis avec Simon Jurad avec lequel il a monté Operation 78. « On explose tout ce qui existe ! On est pro et on a du matos ! » L’opération 78 s’achève vers 1982. RPC entame alors des tournées internationales avec Bonbon tropical, avec Son Caribe qui balance son tube mondial, Colegiana, qu’il accompagne à l’accordéon et au piano… Il devient arrangeur, enseigne la musique assistée par ordinateur, enregistre Ritm’O Salsa en 1987, travaille avec Eugène Mona sur son dernier album, Blan mangé, en 1994. Ce sont encore les Duos du soleil avec Béroard et Thamar, ou encore l’aventure des Beaux gosses avec Jean-Claude Naimro et Patrick Marie-Joseph. RPC a participé à quelque 200 albums.

RPC était encore l'accordéoniste de Coeur de chauffe, le groupe antillais du clarinettiste des Haricots rouges, son compatriote Gérard Tarquin. Ensemble ils ont enregistré une version classique d'Angela des Saïan Supa Crew... En 2008, il est compilé sur un album dédié à l’accordéon, Tribal musette. On le retrouve aux côtés de Marcel Azzola, Olivia Ruiz, Sanseverino, Daniel Colin ou Patrick Artero…

musicologue

Ces dernières années, RPC jouait de temps en temps au Bab Ilo à Paris avec son camarade Jean-Claude Montredon, il donnait aussi des conférences sur la musique antillaise. Il refusait le terme « biguine-jazz » : « Une posture intellectuelle, disait-il, parce que la biguine, c’est le jazz ! » S’il reconnaît à Marius Cultier d’avoir introduit « à bon escient et très finement quelques notes de jazz, des harmonies modernes », il regrette que certains se soient engouffrés dans le créneau et ne fassent plus qu’un « sabir musical avec une syntaxe de biguine et un vocabulaire états-uniens de pseudo-jazz... » Il s'appuyait pour démontrer cela sur un vieux 33 tours : « Jazz and hot dance in Martinique. 1929-1950. » "Ce ne sont que des biguines, se plaisait-il à expliquer, le jazz a commencé en créole martiniquais… » Il le fait remonter à la révolution haïtienne et l’indépendance de 1804 avec une marche militaire : « Coupé tet, brilé kay… Grenadiers, à l’assaut ! » ou avec "O zanana", une chanson populaire haïtienne issue de la Martinique. « Ces musiques sont créoles, métisses et majoritairement blanches dans leur conception syntaxique, comme la langue créole. Nous n’avons aucun complexe à avoir vis-à-vis du jazz. »

Roland Pierre-Charles était anticonformiste et provocateur, mais cette fois il a bien eu son dernier mot.

France-Antilles présente ses condoléances à sa famille.

FXG, à Paris

 

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