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Publié par fxg

Georges Patient et Jean-René Cazeneuve

Georges Patient et Jean-René Cazeneuve

L’analyse des comptes des communes des DROM confirme une dégradation très marquée : sur 129 communes, 46 ont des délais de paiement supérieurs à 30 jours, 84 sont inscrites au réseau d’alerte des finances locales, 26 font l’objet d’un plan de redressement et 24 ont vu leur budget arrêté par le préfet en 2018, dont 16 pour la troisième fois consécutive. 20 communes cumulent l’ensemble de ces critères d’alerte. En Guadeloupe, sur 30 communes sur 32 sont en réseau d’alerte ; en Martinique, elles sont 32 sur 34 ; en Guyane, elles sont 14 sur 22 ; à la Réunion, elles sont 9 sur 24 et à Mayotte, 14 sur 17…

C’est fort de cette situation le député Jean-René Cazeneuve (LREM, Gers) et le sénateur Georges Patient (LREM, Guyane) ont remis mardi 17 décembre au Premier ministre leur rapport visant à trouve,r à travers 46 recommandations, des solutions pour soutenir les communes des départements et régions d’outre-mer à travers un accompagnement en responsabilité. L’un des deux rapporteurs, Georges Patient, répond à nos questions.

« Nous proposons un contrat d’accompagnement de 30 millions d’euros aux communes en difficulté »

Parmi ces recommandations, quelles sont les plus à même de rendre aux communes d’Outre-mer leurs capacités de financement ?

Globalement et techniquement, il s’agit de résorber ce qu’on peut qualifier d’inéquité, voire de discrimination, en corrigeant la péréquation. C’est ce que le gouvernement a commencé à faire avec le rattrapage de 85 millions d’euros sur 5 ans avec 17 millions dès l’année 2020. Sur ces 85 millions, 55 ont été répartis de telle sorte qu’aucune commune d’outre-mer ne perde par rapport à 2019 compte tenu de leur situation financière déjà dégradée. En appliquant une péréquation de droit commun à la lettre, des communes perdraient beaucoup, d’autres perdraient. Celles qui gagneraient seraient celles qui ont un faible potentiel financier, c’est-à-dire un revenu par habitant peu élevé, à savoir celles de Mayotte et de Guyane. Les communes de Guadeloupe, Martinique et Réunion perdraient beaucoup. Une première simulation donnait 71 communes perdantes et 41 gagnantes par rapport aux chiffres de 2019. On a fait en sorte que le rattrapage des 18,3 millions soit réparti avec des critères péréquateurs. Là, les communes de Mayotte et de Guyane vont gagner un petit peu plus que les communes des autres DROM. Ca, ce sont les marges de manœuvres en termes de ressources.

Et quid de la péréquation que vous demandez en matière d’octroi de mer ?

Je ne sais pas si ça va passer car ça dépend des collectivités régionales, mais on part du principe que la ressource la plus importante est celle de l’octroi de mer qui est quasiment le double de la dotation globale de fonctionnement (DGF) de l’Etat. Cette ressource est répartie par tête d’habitant et pourrait avoir un peu plus de péréquation mais c’est de la responsabilité des collectivités majeures. En matière de fiscalité aussi, on considère que le travail n’est pas assez bien fait par les DGFIP (finances publiques) et les collectivités. Nous proposons que le partenariat soit renforcé parce que là aussi, il y a des marges que ce soit en matière de recensement des bases comme en termes de recouvrement, marqué un peu par l’incivisme fiscal. Ca, ce sont nos propositions en termes de ressources sur lesquelles il faudra mettre l’accent.

Quelles sont les autres marges de manœuvre ?

Ca fait aussi partie de notre lettre de mission : faire en sorte qu’il y ait davantage d’efficience au niveau de la gestion des collectivités locales. Partant du fait qu’il y a trop d’insincérité des comptes, à savoir des budgets peu fiables, que le contrôle n’est pas suffisamment assuré par les DGFIP, on est arrivé à un peu trop de laisser aller. Il faut redresser la barre en respectant le principe de la libre administration des collectivités. Certaines mesures exigeront de petites modifications du code général des collectivités mais nous privilégions la coresponsabilité. A chacun d’assumer son rôle. Le contrôle de légalité doit être présent, les communes doivent améliorer leur gestion par une diminution des dépenses de fonctionnement et surtout de personnels. Mais surtout, nous proposons la mise en place d’un contrat d’accompagnement qui consacrera à terme 30 millions d’€ aux communes en difficulté avec un montée en charge progressive entre 2020 et 2024.

Nous avons déjà connu les plans Cocarde, les prêts de restructuration…

Ils n’ont pas donné les résultats escomptés. Il n’y a pas eu de suivi véritable au niveau de l’Etat ou de l’AFD. Là, pour les communes qui sont en grandes difficultés et qui n’arrivent pas à retrouver l’équilibre comme Roura (973), Baillif (971) et maintenant Pointe-à-Pitre ou même Fort-de-France, il y aura un contrat entre la collectivité et l’Etat. Le respect de ses dispositions y sera intégré et les 30 millions (6 millions par an) qui apparaissent dans le rapport sont un montant qui sera attribué à condition que soient respectées toutes les dispositions du contrat avec un déblocage par tranches. Et puis, dernière recommandation, nous demandons à l’Etat de faire en sorte que les enjeux ultramarins soient pris en considération pas uniquement en situation de crise comme maintenant, qu’il y ait un suivi permanent non seulement des recommandations qui vont être actées, mais qu’en permanence au sein du Comité des finances locales (CFL), il y ait un observatoire des finances locales d’outre-mer, que les Outre-mer soient mieux représentés au sein du CFL.

Comment voyez-vous l’avenir proche des communes d’Outre-mer ?

Si le contrôle est respecté et que la qualité des budgets devient fiable, que les comptes sont sincères, avec les dispositions qui sont prises, le rattrapage qui va être fait, on peut arriver à la même situation des communes en métropole qui s’améliore avec un investissement communal en progression.

Vous avez remis ce rapport au Premier ministre. Que va-t-il en faire ?

Des mesures ont déjà été adoptées dans le projet de loi de finances 2020. Mais là nous demandons un comité de suivi pour que les recommandations qui ne seront pas encore appliquées le soient et que la situation de certaines communes en grandes difficultés soient également traitées. Pour l’heure, les amendements qu’on avait déposés comme les 30 millions n’ont pas été suivis mais on va encore insister par ce que les communes remplissent des missions de service public qui doivent être correctement effectuées et que certaines d’entre elles seraient en cessation de paiement si elles étaient des établissements privés…

Si le gouvernement vous suit, à quelle échéance la situation de nos communes s’améliorerait ?

Immédiatement pour bon nombre d’entre elles ! J’ai fait un rapport en 2014 avec une quarantaine de propositions comme la rétrocession de l’octroi de mer aux communes de Guyane et on voit que les communes concernées commencent à mieux se comporter. Cette fois, nous avons un réajustement des ressources, la DGFIP et les préfets sont sensibilisés et vont exercer un contrôle régulier… Mais il y a une coresponsabilité que ce soit pour les dépenses de personnels où les communes ont joué le rôle de buvard social et se retrouvent en situation de sureffectif avec un poids de l’ordre de 70 à 80 % des dépenses de fonctionnement. Il faut que les dispositions soient prises pour diminuer ce poids et ça aussi va dégager des marges de manœuvre.

Comment responsabiliser les maires ? Parce que s’ils ne sont pas seuls responsables, ils semblent porter un lourd chapeau…

Les maires sont tous conscients de la situation… Mais quand ils se rendent compte qu’ils ne peuvent plus assurer leur mission de service de public, quand en plus on se rend compte des dépenses somptuaires, des dépenses de fonctionnement et quand on sait que vous n’attendez que ça pour leur taper dessus, je crois qu’il y a une autre discipline qui commence à se manifester… On le voit bien actuellement en Guadeloupe avec la présence d’un préfet qui est qualifié de gouverneur parce qu’il est venu redresser les comptes, le président de la chambre régionale des comptes qui passe son temps à taper sur les élus, il y a un discrédit qui s’instaure autour des maires…

Quelles communes seraient éligibles au nouveau contrat d’accompagnement et aux 30 millions d’aide qui vont avec ?

Bien sûr celles qui ont leur budget arrêté par le préfet à trois reprises, mais je pense que dès qu’une commune figurera au réseau d’alerte, dès qu’elle aura été vue par la CRC, si elle nécessite ce contrat d’accompagnement, le contrat sera signé. Le montant de l’allocation sera vu en conséquence, mais il n’y a pas de cas bien spécifiques. L’objectif étant qu’avec ce rapport, on arrive à une gestion saine et normale des collectivités locales. Malheureusement, ces 30 millions ne figureront pas au PLF 2020, mais on espère que dans un budget rectificatif, ça figurera. Il y a déjà des dispositions dans le budget national pour les communes en difficulté avec une subvention, mais dont le montant n’est pas très important. La réponse à mes amendements, c’est que finalement ces situations seront traitées au cas par cas avec tous les dispositifs qui seront mis en place. Mais nous voulions avoir ce signal fort de l’Etat de 30 millions sur cinq ans. C’est quand même la volonté du gouvernement puisque notre rapport a été commandé par le Premier ministre.

Propos recueillis par FXG, à Paris

L’exemple de la commune de Baillif

La situation de la commune de Baillif, petite commune de 5 800 habitants, est marquée par son endettement. Elle compte parmi les communes les plus endettées des DROM avec une dette par habitant s’élevant en 2017 à 1958 € par habitant contre 625 € en moyenne dans les communes du département. La commune, dont les budgets sont transmis à la Chambre régionale des comptes depuis 2013, conduit une politique volontariste de réduction de son déficit qui s’élevait à 5 M€ euros au compte administratif 2017. La CRC dans ses avis successifs note les efforts réalisés par l’équipe municipale. Malgré la tendance observée d’une amélioration de la santé financière de la commune le ratio d’endettement obère très fortement sa capacité d’investissement. Revenir à un taux d’endettement plus acceptable permettrait à cette commune de réduire ses charges structurelles et de retrouver des marges de manœuvre lui permettant de proposer à ses habitants des services plus en adéquation avec leurs besoins. La situation financière de la commune, héritée de choix opérés dans la décennie précédente, a fini par obérer grandement les capacités d’action des élus.

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