Me Ursulet contre-attaque
Affaire Ursulet : plainte pour viol et contre plainte pour faux et escroquerie au jugement
Le 15 octobre dernier, Mediapart révèle qu’une plainte pour viol vise l’avocat Alex Ursulet. Une élève avocate qui a été sa stagiaire pendant trois semaines, affirme que ce dernier lui a fait subir une pénétration digitale fin janvier 2018 en son cabinet. Depuis février 2019, la commission de déontologie de l’Ordre des avocats s’est saisie de l’affaire et l’a même transmise à la commission de discipline alors que l’élève avocate n’a encore déposé plainte ni devant le parquet, ni devant l’Ordre des avocats. C’est une autre avocate, Me Emmanuelle Clément, qui a fait un signalement en juillet 2018 à la bâtonnière de Paris. Comme il l’a fait devant les commissions de déontologie puis de discipline de l’Ordre, Me Ursulet nie les faits révélés par Mediapart. En réaction à cette publication, il dépose une première plainte pour dénonciation calomnieuse.
Alors que la plainte de l’élève avocate a été déposée le 26 septembre devant le parquet de Paris, la commission disciplinaire de l’Ordre des avocats, sans attendre la fin de l’enquête pénale, devait se prononcer avant la fin du mois de décembre. Ce qu'elle a fait en décidant de la radiation de l'vocat qui a immédiatement fait appel.
Entretemps, au cours du même mois de décembre, Me Ursulet, a déposé une nouvelle plainte contre son ancienne élève avocate et Me Emmanuelle Clément, l’avocate qui a fait un signalement à la bâtonnière de Paris et déclenché l’enquête disciplinaire. Me Ursulet leur reproche de s’être rendu « coupables de faux et usage de faux, au soutien d’une tentative d’escroquerie au jugement ». La défense de Me Ursulet verse au débat sur 18 pages une série de contradictions et d’éléments qui posent question dont la preuve, notamment, que des SMS échangés entre sa stagiaire et son collaborateur ou Me Ursulet ont été tronqués ou leur heure de réception masquée. Ainsi, la stagiaire « aurait agi sciemment à dessein de tromper la religion des juges ». Quant à Me Clément, Me Ursulet lui reproche, entre autres, de ne pas avoir tenu compte du témoignage de Me Olfa Ouled, l’avocate qui a accueilli l’élève avocate en son cabinet pendant six mois, après son départ du cabinet de Me Ursulet. En effet, Me Ouled a déclaré au conseil de l’Ordre que lors du rendez-vous entre Me Clément et la stagiaire avocate, auquel elle a assisté puisque c’était à son cabinet, elle a « clairement senti qu’il s’agissait de constituer un dossier contre notre confrère Alex Ursulet », qu’elle a mis en garde sa stagiaire lui disant qu’il « fallait qu’elle fasse attention de ne pas être instrumentalisée ». Or ces informations, entre autres, ne figurent pas dans le signalement au conseil de l’Ordre que Me Clément a rédigé, alors même que ces éléments, révélés par Me Ouled, contrediraient les déclarations de Me Clément devant la commission disciplinaire où elle a été interrogée le 6 septembre dernier.
A l’appui de sa plainte pénale, l’élève avocate produit une attestation du collaborateur d’Alex Ursulet, en date du 23 septembre 2019, dans laquelle il déclare lui avoir conseillé, lors de son départ du cabinet le 31 janvier 2018, d’expliquer à son école qu’il s’était passé « des faits graves, de nature sexuelle », alors que le 9 février 2018, il lui avait envoyé un SMS dans lequel il lui disait qu’il ne savait pas ce qui avait provoqué son départ du cabinet…
Par ailleurs, un des témoins clés cités par la plaignante, qui avait affirmé avoir recueilli le récit du viol le lendemain des faits allégués lors d’un déjeuner, a vu, devant la même commission disciplinaire cette version mis en doute par un SMS dans lequel ce témoin affirme ne pas pouvoir déjeuner avec sa camarade, en raison d’une surcharge de travail…
Tous ces éléments pouvant remettre en cause la crédibilité de la parole de cette élève-avocate, devenu depuis lors avocate, sont désormais entre les mains du procureur de la République de Paris à qui il reviendra d’apprécier l’opportunité d’une poursuite contre l’avocat martiniquais.
FXG, à Paris
Interview
Christian Charrière-Bournazel, ancien bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris (2008 -2010) et ancien président du Conseil national des barreaux (2012-2014), assure la défense de l’avocat Alex Ursulet.
« Me Ursulet n'a pas la bonne couleur »
Que pouvez-vous dire de l’affaire qui est actuellement en cours contre Me Ursulet que ce soit devant la justice pénale ou devant le conseil de l’Ordre des avocats ?
Me Ursulet fait l’objet d’une acrimonie particulièrement extravagante de la part non seulement de la plaignante, mais également de ceux qui représentent l’autorité de poursuite à l’Ordre des avocats. J’en parle avec d’autant plus d’assurance que, moi-même ayant été autorité de poursuite, je sais qu’on ne peut pas poursuivre d’une manière disciplinaire un avocat lorsqu’il y a une plainte pénale et qu’il n’y a pas de fait détachable qui pourrait tomber sous le coup de l’instance disciplinaire. Si l’on reproche à quelqu’un un délit pénal qui est à l’instruction judiciaire, le conseil de discipline de l’Ordre doit surseoir à statuer en attendant que le pénal ait fini son office.
Et ce n’est pas le cas ?
Et bien non ! Ce n’est pas ce qui s’est passé puisqu’avec une sorte de violence insupportable, l’autorité de poursuite s’est déchaînée contre lui et c’est tout à fait anormal. J’ai beaucoup de considération pour Alex Ursulet qui est non seulement un très grand avocat et qui a, comme moi, le privilège d’avoir vu son prix de premier secrétaire de la conférence remis par cet immense personnage qu’était Gaston Monnerville, petit-fils d’esclave, et qui a honoré à la fois les Antilles et la Guyane et le barreau de Paris dont il a été membre éminent. Je ne peux pas accepter que l’on traite Alex Ursulet d’une manière qui me paraît incompatible avec ce sens républicain de légalité à l’égard d’un avocat qui honore à la fois son île d’origine et le barreau de Paris.
Dans ce dossier, vous avez déposé une plainte pour escroquerie au jugement. Que pouvez-vous en dire ?
Je ne peux pas en dire plus parce que je suis tenu au secret de l’instruction qui commence, mais j’ai bien l’intention d’aller jusqu’au bout parce que cette procédure lancée contre lui me paraît complètement extravagante et résultant davantage d’une sorte de manipulation d’une prétendue victime que de faits réels. Je serai à ses côtés jusqu’au bout parce que je ne peux pas accepter qu’on le traite de la manière dont on le fait.
Sans dévoiler la procédure, pouvez-vous nous dire où elle en est ? Est-ce que le parquet a bien enregistré votre plainte, a-t-il commencé ses investigations eu égard à la plainte de la plaignante et de la vôtre ?
Le parquet a déposé un timbre avec son cachet sur le double de la plainte que nous lui avons remis, mais pour le moment, je n’ai pas d’information sur ce qui peut être fait du côté du parquet. Je pense que les choses suivront un cours classique pour une plainte, c’est-à-dire une enquête préliminaire confiée à la police judiciaire avec audition du plaignant et ensuite des personnes mises en cause et puis peut-être la désignation d’un juge d’instruction. Je vais veiller à ce que l’on fasse ce qu’il faut pour pouvoir instruire et mener jusqu’au bout une enquête qui s’apparente en réalité pour ces faits allégués à quelque chose d’anormal.
Votre respect du secret de l’instruction vous honore. Pourtant les avocats de la partie adverse n’ont pas eu les mêmes scrupules en s’épanchant largement dans la presse parisienne…
Ce n’est pas parce qu’il y a des gens indignes que je vais, moi, me vautrer dans l’indignité. Je trouve tout à fait inadmissible et contraire à nos règles qu’un avocat s’exprime publiquement contre quelqu’un alors que la personne n’est pas là pour se défendre et que ce qui est en cause n’a pas encore fait l’objet d’une enquête et d’un jugement serein. Leconte de L’Isle disait : « Je ne danserai pas sur ton tréteau banal avec les histrions et les prostituées. » C’est ma ligne de conduite depuis toujours.
Si comme vous le pensez, Me Ursulet est innocent, pourquoi, pour vous citer, cette acrimonie, cette manipulation ? Parce qu’il ne serait pas de l’establishment ? Parce qu’il est Martiniquais ?
C’est tout à fait possible… Son père, un grand bâtonnier de la Martinique, lui avait dit quand il a prêté serment de rentrer au pays. Me Ursulet lui a dit non, qu’il voulait tenter sa chance à Paris. Son père lui a dit qu’il avait toutes les qualités pour être un grand avocat mais qu’il n’avait pas la bonne couleur... Je ne suis pas loin de penser qu’il y a quelque chose d’aussi abject que cela dans les poursuites qui sont, avec rage, commencées contre lui. Je suis navré parce que c’est une épreuve épouvantable pour quelqu’un qui est innocent, mais je suis tout à fait serein et nous irons jusqu’au bout.
Propos recueillis par FXG, à Paris