Les étudiants d'Outre-mer confinés dans l'Hexagone
La galère des étudiants confinés seuls dans l'Hexagone
Des associations et la plateforme outremersolisaires se mobilisent pour ceux qui parmi les quelques 15000 antillo-guyanais, sont restés seuls et loin de chez eux.
La chambre de Yasmina, une étudiante réunionnaise de 18 ans, est la seule occupée dans la petite résidence privée qu'elle occupe à Mirande, dans le Gers (33). Tous les autres locataires sont partis dans leur famille depuis le 17 mars. "L'absence de tout bruit dans le bâtiment renforce terriblement son sentiment d'isolement, relate le Guadeloupéen Maël Disa, délégué interministériel (DICVI).
D'après ses services et ceux de Ladom, quelque 30 000 étudiants issus des Outre-mer sont restés vivre le confinement loin des leurs et de leurs réseaux dans l'Hexagone. Pour quantifier cette donnée, les services se sont appuyés sur le nombre de personnes inscrites dans le supérieur en métropole qui ont passé leur bac dans une académie d'Outre-mer, soit 40 000 étudiants, sachant que chaque année, ce sont 8000 nouveaux qui arrivent dont 6000 bacheliers. Si les deux tiers de leurs homologues de l'Hexagone ont pu quitter leurs résidences universitaires, le délégué estime à 30 000 le nombre des étudiants ultramarins qui n'ont pas voulu ou pu rentrer, dont la moitié sont réunionnais : "Beaucoup ont fait le choix de ne pas rentrer. D'abord pour continuer à suivre leurs cours dispenser via des plateformes ou des réseaux numériques adaptés au décalage horaire, ensuite pour ne pas risquer de ramener le virus sur leurs territoires, dans leurs familles et à leurs aînés." "On aurait pu, sous condition de quatorzaine, organiser des vols de rapatriement avec Ladom, indique Valentin Chambon, de Union des étudiants réunionnais de l'Hexagone (UERH). On a voulu nous faire rester loin des nôtres et de leur solidarité, pendant que 30000 personnes sont arrivées à la Réunion !"
Des bénévoles sans attestation spécifique
Plusieurs association d'étudiants d'Outre-mer sont à pied d'oeuvre pour faire du lien, pour aider parfois financièrement, souvent matériellement les jeunes en détresse. Yasmine, à Mirande, a ainsi pu entrer en contact avec des compatriotes pas trop loin de chez elle. Une association dans sa région vient prendre de ses nouvelles et lui en apporte, par téléphone ou via les réseaux...
Certains étudiants ont pu bénéficier d'un échange de chambre dans leur Cité U pour une autre équipée d'une kitchenette.
A l'association Sciences Ô, le Guadeloupéen Arnaud Naraïnin constate que la plupart de ses camarades ont pu rentrer avant le confinement. "J'en connais deux qui sont restés, raconte-t-il, et ils s'en sortent comme les Hexagonaux s'en sortent." "C'est surtout les plus jeunes, les primo-arrivants, explique Valentin Chambon, qui ont des soucis financiers ou bien psychologiques et moraux. On essaie d'envoyer un des nôtres, à leur rencontre via notre page facebook..." Il leur est même arrivé d'organiser un transport. "C'est un étudiant qui logeait en Région parisienne et qui craquait. Un de nos membres l'a accompagné avec sa voiture à Chartres, chez des cousins à lui..." Ils ont aussi regroupé des étudiants qui rentraient sur un même vol au pays pour leur organiser une navette jusqu'à Orly. Pour ces associations, aider n'est pas facile car tous ces jeunes qui essaient oeuvrent au lien solidaire sont aussi des confinés. "On nous demande parfois d'apporter des paniers alimentaires pour les démunis, témoigne la Martiniquaise Rebecca Rogly de Sorb'Outre-mer, alors on aimerait bien pouvoir disposer d'attestation spéciale".
"Rentrer pour motif impérieux reste possible"
Une de ses compatriotes s'est retrouvée depuis février sans plus percevoir de salaires. Elle ne pouvait plus payer son loyer, ni faire de courses. "Nous avons pu lui apporter une aide alimentaire avant que sa famille lui vienne en aide." Un Guadeloupéen s'est encore signalé, mais sa gêne et sa pudeur l'ont empêché de se livrer. "Nous l'avons renvoyé sur la plafeforme outremersolidaires." Cette plateforme numérique ouverte vendredi dernier par la DIECVI permet de mettre en relation les demandes des étudiants isolés et les offres des associations ou des entreprises partenaires. "C'est un outil de communication, apprécie Valentin Chambon, qui va donner un nouveau souffle aux diasporas d'Outre-mer."
Ce sont surtout les parents qui appellent les associations. Ils leur demandent s'il y a des vols pour rapatrier leurs enfants. "On fait aussi de la pédagogie du confinement !", conclut Valentin. La DIECVI reçoit aussi plus d'appels de parents que d'étudiants qui sont plus inquiets pour leurs anciens que pour eux-même. "L'isolement crée de l'anxiété, mais nous n'avons pour l'instant de cas trop compliqués encore." Et si ça devait arriver, Maël Dia le dit : "Rentrer pour motif impérieux reste possible."
FXG, en confinement