Une commission d'enquête réclamée sur les dysfonctionnements de la gestion de la crise Covid19
Dysfonctionnement dans la gestion de la crise du Covid-19
Une demande de création d'une commission d’enquête parlementaire chargée d’identifier les dysfonctionnements dans la gestion sanitaire de la crise du Covid‑19 a été déposée le 8 avril dernier par les députés du groupe de la Gauche démocratique et républicaine au nombre desquels la Réunionnaise Huguette Bello, le Polynésien Moetai Brotherson, les Martiniquais Manuéla Kéclard–Mondésir et Jean‑Philippe Nilor et le Guyanais Gabriel Serville.
Pour étayer cette proposition de commission d'enquête, ces députés sont revenus sur l'ensemble de la chronologie de l'épidémie de Covid19, « la plus grave crise sanitaire qu’ait connue la France depuis un siècle » selon les propos du président de la République, le 12 mars dernier. Depuis, tous les jours, la France confinée écoute avec effroi l'effarant décompte des victimes et constate que son système de santé n’est plus capable d’accueillir tous les malades...
Des mises en garde constantes
Pourtant, dès 2007, la France se dote d’un établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) chargé de gérer à la fois la réserve sanitaire et les stocks stratégiques de produits de santé.
En 2013, le Livre blanc de défense et de sécurité nationale pointe le risque "d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ou d’un virus échappé d’un laboratoire de confinement". Cela n'empêche pas la fermeture de l'EPRUS en 2016.
En septembre dernier, le Conseil mondial de suivi de la préparation, émanation de l'OMS et de la Banque mondiale, souligne que le monde n’était pas prêt à faire face à une pandémie mondiale, telle que la grippe meurtrière de 1918.
Le 26 novembre, le Parlement vote la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 qui acte la suppression de 5 milliards d’euros du budget de la santé, dont 1 milliard au détriment de l’hôpital public. "En vingt ans, 100 000 lits ont été supprimés, dont 17 500 au cours des six dernières années", observent les députés signataires.
Contradictions en chaîne
Le 13 janvier, l’OMS alerte : "Des cas de Covid19 pourraient survenir dans d’autres pays que la Chine." Elle appelle à ce que "des efforts de surveillance active et de préparation soient mis en œuvre dans tous les pays".
Le 24 janvier, deux cas du nouveau coronavirus chinois sont confirmés sur des patients hospitalisés à Paris et Bordeaux. Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, déclare : « Le risque d’importation depuis Wuhan est pratiquement nul (...) Le risque de propagation est très faible (...) Notre système de santé est bien préparé. » Le 29 février, en second point d'un conseil des ministres exceptionnel qui consacre la décision de faire usage de l’article 49‑3 de la Constitution pour faire adopter sans vote la réforme des retraites, le gouvernement interdit les rassemblements de plus de 5000 personnes se tenant en milieu confiné.
Le 17 mars, l’ancienne ministre de la santé, qui vient d'échouer au premier tour des municipales, déclare dans Le Monde avoir prévenu le Premier ministre de la gravité potentielle de l’épidémie de nouveau coronavirus dès le mois de janvier.
Une simple mission d'information
La représentation nationale qui a le devoir de contrôler l'action du gouvernement, s'est pour l'heure contentée de créer le 17 mars dernier une "mission d’information (de la conférence des présidents de groupe, ndlr) sur la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de CoVid19". Elle a pour objectif, "dans une première phase, d'assurer un suivi renforcé de la gestion de la crise sanitaire et des mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire." Dans une deuxième phase, à l'issue de la période d’urgence sanitaire, elle sera dotée des prérogatives d’une commission d’enquête et le champ de ses travaux sera élargi à "l’évaluation de la gestion de la crise et à ses conséquences, notamment en matière économique, budgétaire, sociale, culturelle et internationale". Et des conséquences politiques aussi ?
FXG
La saga de masques
Le ministre de la Santé Olivier Véran déclare le 23 février « faire le nécessaire pour que (les professionnels de santé) puissent disposer de masques » et assure qu'il va « travailler avec les entreprises productrices de masques FFP2 sur le sol français" et passer "une commande de masques en quantité". Un mois plus tard, il affirme : « C’est parce que nous avons dès le début considéré que la disponibilité en masques allait être une difficulté, qu’il a été décidé, dès le mois de janvier, de recourir à l’importation de masques, avant même l’apparition de premiers cas sur notre territoire national. » La pénurie de masques est alors pourtant bien réelle. Les experts se bousculent même sur les plateaux de télévision pour en affirmer l’inutilité, la ministre porte-parole du gouvernement va jusqu'à dire que mettre un masque est un geste technique qui doit être réservé aux seuls soignats.... Jusqu'au 28 mars sont annoncées des commandes massives de masques à la Chine et la mise en place d’un pont aérien. Les mêmes tergiversations se reproduisent avec la question des tests.
La saga des tests
Le 27 janvier, le directeur général de la santé déclare : « Nous bénéficions d’un test rapide qui va être disponible de plus en plus largement sur le territoire dans les prochains jours. » C'est conforme à la recommandation du Comité d’urgence de l’OMS qui appelle le 30 janvier, tous les pays à s'apprêter à "une surveillance active, un dépistage précoce, l’isolement et la prise en charge des cas"... A cette date, la maladie s’est déjà propagée dans 18 pays, avec 8 000 malades et 170 décès.
Olivier Véran, qui vient de succéder à Agnès Buzyn en campagne pour les municipales à Paris, annonce le 23 février : « Dans les hôpitaux de Paris, nous allons pouvoir être largement en mesure de répondre aux demandes, quelles qu’elles soient, de réalisation de tests. »
La concrétisation de cette annonce est très lente à se mettre en oeuvre : d'abord 2 000 puis 4 000 puis 9 000 tests par jour à la fin mars avant que le ministre de la Santé n’annonce, après deux semaines de confinement, un changement de stratégie avec la commande massive de tests sérologiques afin de pouvoir en réaliser 100 000 par jour en mai ou en juin... Au moment de cette annonce, l’Allemagne réalise déjà chaque semaine un demi‑million de tests.
Un généticien du CHRU de Lille, dénonce la rigidité des autorités quand les laboratoires français pourraient développer rapidement les amorces et enzymes nécessaires à un dépistage massif : « Si on nous avait autorisés, j’aurais mon congélateur plein d’enzymes, on aurait fait le protocole et on travaillerait à fond pour le CHU aujourd’hui. C’est comme ça dans toute la France. »
La saga de la chloroquine
Le 26 février, le professeur Didier Raoult, directeur de l’Institut Méditerranée Infection à Marseille, explique que la chloroquine peut agir efficacement sur le coronavirus. Il met en place un protocole thérapeutique dont les résultats encourageants sont publiés le 17 mars. Le ministre de la Santé prend une semaine pour autoriser l’utilisation de l’hydroxychloroquine toutefois réservée aux patients présentant des formes graves de la maladie et pris en charge à l’hôpital. Au fil des jours, de nombreux professionnels de santé et un collectif d’une centaine de médecins saisissent le Conseil d’État ou portent plainte au pénal contre des membres du gouvernement, au motif qu’ils « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer ».