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Publié par fxg

A propos des poursuites contre les sept d'Océanis en Martinique

L’avocat Alex Ursulet, défenseur dans le dossier des sept d’Océanis, réplique aux propos du procureur Renaud Gaudeul dans l'édition du 6 juin de France-Antilles Martinique/

 « Il n’y a pas un code de procédure pour les blancs et un autre pour les noirs »

L’audience du 3 juin concernant le procès des sept d’Oceanis a suscité beaucoup d’informations contradictoires. Le procureur de Fort-de-France a déclaré que la totalité des avocats des prévenus avaient été informés préalablement au communiqué de presse de l’annulation de cette audience. Pourquoi avoir affirmé le contraire ?

Je répondrais au procureur de la République : C’est faux et vous le savez. Il a mis Me Monotuka devant le fait accompli après avoir longuement discuté dans son bureau avec l’un des avocats des sept. II énonce une contre-vérité lorsqu’il déclare que les avocats lui ont tous dit : « Vous avez parfaitement raison ». Me Monotuka et moi-même avons été informés de cette décision par un communiqué de presse signé par le procureur et par le président du TGI le mercredi 27 mai. Et ce n’est que le lundi de pentecôte, jour férié, soit deux jours avant l’audience, à 20 heures, que nous avons reçu un mail du président du TGI avec une copie de l’ordonnance prise la veille, annulant cette audience. Nous sommes venus le voir ce même jour et nous avons contesté le fait que le procureur puisse s’associer avec le président du TGI pour rendre une décision sans débat contradictoire avec la défense et sans caractère public, hors de la chambre correctionnelle qui avait rendu la première décision de renvoi en janvier 2020. Peut-être que d’autres avocats lui ont dit qu’il avait raison, mais nous, nous lui avons dit fermement mais courtoisement : Vous avez tort. Tort parce qu’il n’est qu’une partie au procès pénal, au même titre que les prévenus et les parties civiles, parce qu’il ne peut décider d’un renvoi en catimini en dehors de la chambre correctionnelle. Nous lui avions indiqué au cours de cet entretien que nous lui déposerions avant le procès, des conclusions visant la nullité de la procédure. Il nous a remercié et nous a précisé que son parquet attendait nos conclusions afin d’examiner la pertinence de nos demandes. Nous l’avons trouvé inquiet et nous l’avons rassuré en lui indiquant que nos clients n’étaient pas des sauvageons voulant en découdre avec quiconque. Nous lui avons indiqué que nous voulions la confrontation entre l’accusateur qu’il était et la défense. Nous avions aussi fait citer des témoins et nous entendions respecter et faire respecter à l’intérieur de l’audience toutes les mesures de distanciation sociale.

Le procureur indique dans son interview du 6 juin que vous vous êtes accaparé la défense « au mépris des règles déontologiques » ? Qu’est-ce que cela veut dire ?

Le procureur n’aime pas la contradiction, ni le contradictoire et s’il était en face de moi, je lui dirais comme je vous le dis : « Qui êtes-vous donc pour nous donner des leçons de déontologie? » Ce rôle est réservé exclusivement au Bâtonnier et il nous raconte des histoires lorsqu’il affirme avoir fait part à tous les avocats du dossier de la décision d’annulation. En portant de telles propos, le procureur qui est un magistrat du parquet, a manqué à son devoir de réserve tel qu’il est prévu et qu’il lui est imposé par les dispositions de l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature.

Cette obligation de réserve lui impose de la modération dans ses propos et lui interdit d’utiliser des termes outranciers. Or, durant la quasi-totalité de cette interview, M. le procureur, loin de rétablir quelconques vérités, n’a fait qu’afficher son mépris pour la défense et les prévenus dans cette affaire.

Le procureur dit avoir appris avec « surprise » que « deux avocats, dont un venu de Paris, tout juste entré dans ce dossier, contestaient cette décision d’annulation », alors que les autres avocats étaient tous en accord avec cette décision. C’est bien de vous et de Me Monotuka dont il s’agit ?

Je n’entre dans aucune polémique avec mes confrères qui ont été évincés par les prévenus en toute conscience et connaissance de cause. Mais Me Monotuka et moi-même ne sommes pour rien dans cette éviction. Le Bâtonnier de l’ordre des avocats de Fort-de-France a été saisi par le client de Me Edmond-Mariette et celui de Me Germany. C’est un problème qui les regarde et le Bâtonnier a toute compétence pour le régler. A l’origine de ce procès, je rappelle qu’il s’agit d’une centaine de jeunes qui se réunissent paisiblement et pacifiquement devant le parking d’un supermarché du groupe GBH pour protester contre le silence accablant des instance judiciaires vis-à-vis d’une plainte pour empoisonnement de la terre de Martinique à cause de tonnes de chlordécone qui ont empoisonné la terre et la mer de Martinique. Ils protestent contre le fait qu’après sept ans d’instruction ou de non-instruction à la Martinique, le dossier ait été dépaysé et que, depuis cinq ans, c’est le même silence, la même inertie, le même mépris pour les victimes de ce fléau. S’agissant de la phrase du procureur sur l’avocat venu de Paris je lui réponds : c’est indigne, et vous M. le procureur, d’où venez-vous ?

Le procureur a indiqué que s’il prenait la décision de dépayser ce procès, ce serait « uniquement s’il devait y avoir de nouveaux débordements ». Est-ce que ces propos, à votre sens, constituent une note de conduite implicitement délivrée aux prévenus et à leurs soutiens ?

S’agissant des menaces déguisées de dépaysement, le procureur doit savoir qu’il encourt le risque de voir sa procédure annulée devant n’importe quelle juridiction, que ce soit à Paris, Minneapolis ou Tombouctou car elle est viciée jusqu’à la moelle. Soit il le sait et c’est un bluff coupable car c’est prendre les prévenus et leurs avocats pour des enfants ignares ou bien, il ne le sait pas et c’est encore plus grave… Cette infantilisation est indigne… Où il veut, quand il veut, nous lui en ferons la démonstration. Et si c’est à la Martinique, avec la distanciation de cinq ananas, nous lui ferons la démonstration que cette citation devant le tribunal correctionnel pour comparution immédiate est nulle. Il n’y a pas un code de procédure pour les blancs et un autre pour les noirs. Il n’y a pas deux justices : une pour les puissants et une pour les petits. Il n’y a qu’un code et qu’une justice et c’est ce que nous exigeons. Le procureur de la République doit entendre le cri de cette jeunesse qui dit : assez de mépris, assez d’arrogance, assez de racisme.

Mais ce débat ne fait-il pas partie de la justice avec une accusation et une défense ?

Je m’étonne que le procureur se permette de choisir la ligne de défense des prévenus, de rendre hommage aux avocats qui ont été évincés par leurs clients et qu’il se permette de stigmatiser la défense des prévenus qu’il poursuit, injustement. Je m’étonne également qu’il se permette de menacer implicitement mes clients de dépaysement s’ils ne se tiennent pas sages comme des images. Tout cela a un relent d’autres temps. Ça ne se passerait pas comme cela à Versailles, Marseille ni même en Corse, mais cela se passe à la Martinique…

Propos recueillis par FXG

 

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