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Publié par fxg

Oublié dans un entrepôt frigorifique

Les mains perdues de Gabin Exilie

Oublié dans une chambre froide, il y a plus de vingt ans, Gabin Exilie vit depuis l’enfer au quotidien. Le quinquagénaire franciscain, père de six enfants, lance un appel au secours pour éviter de faire une bêtise.

« Le 10 mars 1998, ma vie s’est arrêtée et je survis depuis tout ce temps. » Le Franciscain Gabin Exilie, par ailleurs guitariste amateur, avait 30 ans quand l’entreprise Adecco l’a envoyé effectuer une mission chez Pani-Services à Garancières-en-Beauce en Région parisienne. Le travail était simple : emballer des viennoiseries dans des cartons. Simple, si ce n’était à l’intérieur d’une chambre froide à -32 °. La personne chargée de l’encadrer avait tout bonnement omis d’indiquer au nouveau venu pour son premier jour qu’il fallait sortir du frigo toutes les heures pendant vingt minutes. « J’avais froid, mais vu qu’on était en hiver, j’ai pensé que c’était normal. » Gabin n’a eu qu’une pause au bout de six heures, puis il a enchaîné deux nouvelles heures. Cela a suffi à briser sa vie. Quand son chef lui a demandé s’il pouvait faire deux heures de plus, Gabin s’est rendu compte qu’il n’avait plus de voix. Il est rentré chez lui à 23 h 30. A 4 heures, il s’est réveillé de douleur, les mains enflées. A l’hôpital, l’urgentiste lui a demandé s’il s’était perdu en montagne… Après un mois d’hospitalisation, il est ressorti avec la main gauche amputée d’une phalange à l’annulaire. Sa main droite a perdu deux phalanges et demie à l’index, deux au majeur, une à l’annulaire et une autre à l’auriculaire. Et en plus ses mains sont déformées. « En public, ce que je fuis de plus en plus, j’en suis venu à cacher comme je peux ma main droite. »

Un procès raté

Malgré l’obligation de sécurité de résultat à laquelle Adecco était tenue, l’entreprise n’a pas même pris de nouvelles de son intérimaire. Il y a eu un procès, uniquement pour désigner un expert, et le tribunal a indiqué que la demande est mal dirigée. Adecco a été régulièrement convoquée et ne s’est pas présentée. Il n’a jamais perçu aucune indemnisation complémentaire au titre de la réparation du préjudice causés par les souffrances psychiques, physiques, d’agrément, perte de chance, perte de gains professionnels futurs… « On m’a laissé croire que j’avais bénéficié de tous mes droits et, devant subvenir à mon quotidien et à celui de mes six enfants, j’ai tenté de tourner la page. J’ai essayé de miser sur ma réinsertion professionnelle. » Ce procès reste une énigme pour Gabin qui s’interroge. Où sont les demandes de réparations du préjudice ? Pourquoi son avocat n’a-t-il envoyé qu’une stagiaire aphone à l’audience ? Le tribunal des affaires sociales n’avait plus de trace de son dossier, détruit au bout de cinq ans. « Faire valoir la justice, c’est compliqué d’autant plus que je viens d’un milieu modeste où je ne suis pas familiarisé avec le système procédural. » Au bout de dix ans, le bilan était médiocre. Avec son handicap, il découvre le peu de bienveillance des employeurs à l’égard de son handicap. Mes mains étaient « peu compatibles avec le maintien dans l’emploi ». S’ensuit alors une nouvelle période avec des haut et de bas. « Je n’ai jamais eu un CDI de ma vie… » Gabin continue malgré tout à rester debout pour ses six enfants. « Aujourd’hui, j’ai 52 ans et le film tourne en boucle dans ma tête et, Dieu seul sait, si j’ai lutté pour dépasser cette profonde injustice subie par la négligence d’Adecco et de Pani Services. »

Adecco refuse la médiation

Gabin a écrit récemment au nouveau PDG d’Adecco : « Tentez d’imaginer les efforts que j’ai dû faire et que je fais pour assumer ma charge de famille et réaliser les gestes du quotidien, subir le regard des autres et être privé de distraction en société et de sa passion, la guitare. Je ne m’apitoie pas, Monsieur, mais avec ce handicap dans ce monde où seuls comptent le rendement et la productivité individuelle, il est évident, et je l’ai vécu à mes dépens, que je n’ai pas le même capital capacités et moyens que les autres. Et pourtant, combatif, j’ai essayé de m’en convaincre pour avancer. » La chargée « Insertion et Diversité » du groupe Adecco a refusé la médiation proposée par Gabin pour avoir enfin une reconnaissance du préjudice et trouver un arrangement à l’amiable. « Des missions hypothétiques, voilà la proposition d’Adecco», explique une amie qui essaie de l’aider à faire valoir enfin ses droits.  « J’en suis à un stade où ma vie n’a plus d’importance, lâche Gabin, très amer. Je voudrais que cette injustice soit réparée. Trouver un emploi adapté à mon handicap, c’est compliqué et ma retraite sera maigre ! Ma vie est à l’arrêt depuis des années ! » Gabin est suivi par un psychologue. « J’ai la rage et s’il ne se passe rien, j’ai envie de faire justice moi-même. » Il sait que cela le conduirait en prison. « Je n’aurais peut-être pas le choix parce que je ne peux pas accepter d’être ainsi traité. Si j’étais suicidaire, je serais déjà mort. »

Gabin a alerté des préfets, des ministres et récemment les sénateurs Antiste et Jasmin aux Antilles. Tout le monde compatit, mais personne n’a, jusqu’à aujourd’hui, pu lui venir en aide. Avec le soutien de personnes acquises à sa cause, il a demandé à la Collectivité Territoriale de la Martinique de le soutenir et lancé une cagnotte pour réactiver la justice.

FXG

Contact : exilie.gabin@gmail.com

Cagnote leetchi : https://www.leetchi.com/fr/c/5gAXkv0l

 

 

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