L'oeil des commissaires aux comptes sur les économies ultramarines
Prudence Ecoué (Martinique), Bernard Fontaine (Réunion), David Moueza (Guadeloupe) et Pierre Sebastien, le patron de Primevew
Ce que révèlent les rapports d’activité des commissaires aux comptes sur nos économies
Une étude du cabinet indépendant Primevew sur les entreprises dans les Outre-mer a été présentée le 8 juillet dernier aux députés de la délégation Outre-mer de l’Assemblée nationale.
Cette étude réalisée à la demande de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes a porté sur un million de rapports d’activité des commissaires aux comptes et experts-comptables dans tous les Outre-mer depuis 2016. Pour pouvoir comparer ce qui l’est, Pierre Sabatier, responsable du cabinet Primevew a établi préalablement cinq groupes de territoires. Le premier c’est Paris et sa région, le deuxième, ce sont les grandes régions, le troisième, dit intermédiaire, regroupe 43 départements dont la Réunion, le quatrième dit groupe des déclinants (au point de vue démographique) regroupe trente départements dont la Guadeloupe et la Martinique, et enfin, le cinquième groupe, dit émergent, n’est composé que de la Guyane et de Mayotte.La Guadeloupe et la Martinique se caractérisent, outre leur éloignement et leur démographie par un grand retard de formation et d’éducation qui les distingue de leur groupe de référence. Globalement, les dirigeants d’entreprises manquent de qualification. Si le niveau de rétention des diplômés (la fuite des cerveaux) aux Antilles est moins fort que dans leur groupe de référence, le taux de diplômés dans la population est insuffisant pour assurer le développement économique et améliorer le taux d’emploi. Ce dernier est inférieur de 14 % par rapport au groupe de référence. Avec un tissu entrepreneurial dispersé, les économies antillaises s’appuient, comme dans leur groupe de référence, sur le BTP, le commerce et les services publics. Quant à l’agriculture, contre toute attente, et à l’industrie, ce sont des secteurs atrophiés, notamment en termes d’emploi.
Si dans l’Hexagone, on compte 70 à 76 % d’entreprises sans salarié, ce taux est de 84 % en Guadeloupe, 81 % en Martinique et 79 % en Guyane. Cela entraîne une grande fragilité du tissu entrepreneurial, y compris pour les entreprises déjà structurées. Ainsi, les commissaires aux comptes ont relevé des inexactitudes ou des irrégularités, les contraignant à certifier les comptes avec réserves, voir à l’impossibilité de les certifier, pour 6 % des entreprises en Guadeloupe, 8, 1 % en Martinique, contre 5 % dans leur groupe de référence.
20 à 25 % de l’emploi est dans le secteur informel
Cette étude a aussi permis d’y voir plus clair sur le secteur informel. Grâce aux données collectées, Primevew est parvenu à l’estimer pour mesurer le manque à gagner en termes de business et de recettes fiscales. Ainsi, en Guadeloupe, le secteur informel représente 23 à 25 % de l’emploi, en Martinique, c’est 19 à 20 %. En revanche, l’étude n’a pu l’estimer pour la Guyane.
Le rapport observe encore que les conditions de financement des entreprises sont dégradées dans tous les Outre-mer. La rémunération réclamée par les banques est supérieure à celle de leur groupe de référence, soit une prime de risque plus élevée. Le manque de crédibilité financière de nos entreprises est aussi une spécificité ultramarine.
Prudence Ecoué, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Fort-de-France, et David Moueza, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Basse-Terre qui ont contribué à ce rapport, sont intervenus lors de cette présentation pour rappeler la nécessité d’un suivi et d’un contrôle des entreprises alors que dès 2021, les seuils en termes de chiffre d’affaires, de bilan et d’effectifs, rendant obligatoire la certification comptable, ont été relevés. Cela devrait contribuer à renforcer ce que Pierre Sabatier a appelé une « discrimination de traitement en termes de données sur les territoires ».
FXG