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Publié par fxg

Une footballeuse en or

Wendie Renard évolue au poste de défenseuse droite ou centre à l'Olympique lyonnais. Elle a remporté avec son club quatorze Championnats de France, neuf Coupes de France, un Trophée des championnes ainsi que la Ligue des champions en 2011, 2012, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020. Rencontre.

« Chaque fois que je mets mes crampons, c’est pour gagner ! »

Le foot professionnel, comment ça a commencé pour vous ?

J’ai commencé le foot à 7 ans, mais je suis arrivée en métropole à 16 ans, donc le foot professionnel, on va dire que ça fait quatorze ans que j’en fais. Vous savez, je frappais déjà des pieds dans le ventre de ma mère ! Après, quand j’ai vécu à la cité Conquête au Prêcheur, j’étais entourée de gars qui jouaient tout le temps au foot ! Naturellement, j’ai joué au foot. J’ai toujours été attirée par le ballon rond, les voitures télécommandées, tout ce qui était pour les garçons… J’étais un garçon manqué.

Vous imaginiez-vous enfant que vous seriez considérée comme la meilleure défenseure au monde et l'une des meilleures joueuses du monde ?

On ne s’imagine pas à ce point-là, mais on a forcément des rêves en étant petite… Moi, c’est sûr que je voulais vivre de ça. A l’école, quand on me demandait ce que je voudrais faire plus tard, j’écrivais « footballeuse professionnelle » alors que ça n’existait même pas. Même la maîtresse m’a dit un jour : « Non, Wendie, faut que tu changes, que tu choisisses un vrai métier ! » J’ai persisté : « Non, non, c’est ça que je veux faire ! » Et j’ai remis ce qu’elle avait barré ! Voilà, depuis mes 8 ans, j’ai dit à ma mère qu’un jour elle me verrait sous le maillot bleu. Ca pouvait sembler des paroles en l’air, mais j’ai toujours été assez déterminée. Je ne ratais pas un seul entraînement. Pareil quand j’ai intégré l’équipe des filles et même avant, au François…

Qu’est-ce que vous faisiez au François ?

Le François, c’était un peu comme le centre de formation de Clairefontaine. La semaine, je m’y entraînais avec les garçons. Jocelyn Germé qui était le CTR de la Martinique, s’est battu parce que c’était la première fois qu’ils acceptaient de faire entrer une fille ! J’y suis entrée avec une autre fille, une métropolitaine qu’ils avaient fait venir pour qu’on s’entraîne ensemble, mais après deux mois, elle n’est pas restée. Mais c’est la première fille qui a permis à d’autres filles de jouer avec les garçons.

Cette saison s’est encore achevée par la victoire de votre équipe au championnat, en coupe de France, au Tournoi de France par équipes féminines, au trophée Véolia féminin et à la ligue des champions. Qu’avez-vous ressenti ?

Beaucoup d’émotion ! C’est une année un peu particulière. Tous ces titres resteront gravés parce qu’on a été championnes alors même que le championnat n’était pas achevé ! Après on a eu la chance de gagner la coupe de France et la ligue des champions. On est parties la chercher collectivement dans des conditions difficiles. Il fallait qu’on soit présentes sachant qu’on était tenantes du titre et l’équipe à battre ! Ce n’était pas facile, mais on l’a fait ! Je retiendrai une belle année, même si elle a été particulière avec le COVID !

Comment expliquez-vous votre longue histoire avec Lyon ?

C’est une belle histoire parce que je n’ai pas été reprise à Clairefontaine et parce que Jocelyn Germé s’est battu pour moi. Il a appelé un jeune gardien martiniquais qui habitait Lyon et c’est comme ça que Lyon m’a permis d’avoir ma deuxième chance ! C’est marrant parce que quand je jouais en Martinique, je supportais deux équipes : Paris parce qu’il y avait Ronaldinho dans les rangs du PSG, et Lyon parce que dans les années 2000, ils ont tout raflé avec beaucoup d’Antillais dans leur équipe. C’est vrai que quand je suis arrivée à Lyon, j’ai senti quelque chose de différent, que c’était le moment ou jamais…

Ca fait quatorze ans que ça dure votre histoire avec l’OL… Pour rien au monde, vous ne partiriez ?

Non, mais je n’ai pas fermé la porte pour voir ce qu’il se passe notamment à l’étranger… En foot féminin, disons depuis cinq ans, il y a des clubs qui commencent à investir, à se structurer… Moi, j’ai eu cette chance d’avoir un président qui a cru en une section féminine et qui a investi chaque année de l’argent. Au début, c’était de sa poche, mais aujourd’hui, on a rapporté des titres, on a nos sponsors et la section se développe. Mais c’est compliqué de dire qu’on va aller voir ailleurs quand vous savez que professionnellement, c’est encore peu structuré même si aujourd’hui, il y a plus d’équipes… Donc pourquoi pas ? Mais en tout pour moi c’est sûr, ce sera à l’étranger ! En Italie, il y a la Juve, la Roma, et aux Etats-Unis, en Angleterre, en Espagne, beaucoup d’équipes se structurent.

Les femmes sont-elles aussi bien traitées que les hommes ?

Je pense qu’en France, on encore du chemin. Je suis arrivée très jeune donc je vois l’évolution. Quand on discute avec les footballeuses étrangères qui jouent à l’Olympique lyonnais, on s’aperçoit qu’on avait un peu d’avance, mais que cette avance commence à se réduire. Il y a même des pays qui passent devant nous ! Regardez l’Espagne : Toutes les équipes féminines, la D1 comme la ligue 2, vont passer professionnelles cette année ou l’année prochaine. Des filles sont battues pour ça !

Quels sont vos objectifs aujourd’hui ?

Je veux marquer l’histoire de mon empreinte, je veux laisser mon nom, le nom de mon papa gravé, mais je veux aussi le faire de manière collective. J’ai fait 6000 km de trajet donc j’ai envie de laisser 6000 fois mon nom quelque part !

Qu’aimez-vous faire quand vous ne jouez pas au foot ?

J’aime bien me reposer ! Je suis casanière. Plus je suis chez moi et mieux je me porte. Après, j’ai des hobbies comme tout le monde, me faire un petit ciné de temps en temps, un petit restau, manger en famille… Je dis toujours que mon corps, c’est mon outil de travail donc quand j’ai du repos, ce n’est pas pour aller prendre l’avion, faire du shopping, c’est pour rester chez moi, me reposer et prendre soin de ma maison.

Quelle relation avez-vous gardé avec la Martinique ?

J’y vais souvent, minimum une fois par an, en décembre ou pour les grandes vacances… Ca dépend des programmes de compétition ! Je suis fière d’être Antillaise et Martiniquais et partout où je passe, mes origines sont avec moi ! Si vous saviez, quand j’ai marqué contre le PSG, le nombre de messages que j’ai reçus, famille, amis ou anonymes… Il y a une ferveur populaire et je sais que les Martiniquais sont derrière moi, que la plupart sont fiers de voir mon parcours. Je suis Française, mais je sais d’où je viens et le chemin a été difficile !

Avez-vous des projets pour le foot en Martinique ?

C’est dans mes projets ! On a énormément de qualités au pays, mais tout est question de moyens et de structures. J’aimerai faire des choses pour les jeunes parce qu’ils sont la base ! Si demain, on veut avoir de la qualité, il faut s’appuyer sur cette jeunesse. Je travaille déjà sur mes projets, mais je ne suis pas encore au pays pour mettre en place des choses…

Quels sont vos objectifs pour cette nouvelle saison ?

Tout gagner ! Ca fait quatorze ans qu’on gagne le championnat, neuf fois la Coupe de France, sept fois la ligue des champions…

On vous attend au tournant !

Vous pouvez dire tout le monde nous attend ! On connaît déjà le titre des journaux en cas de défaite ! Pour nous, c’est motivant, parce qu’on le sait. On sait qu’on est l’équipe à abattre, ça nous demande encore plus aux entraînements pour être au niveau ! Ça veut dire qu’on a toujours soif ! Chaque fois que je mets mes crampons, c’est pour gagner ! On n’oublie jamais que tout le monde est à 10 000 % contre nous et nous, on est obligées, on n’a pas le droit à l’erreur et chaque week-end, on essaie de se mettre au niveau et de tout faire pour gagner.

Quel conseil donneriez-vous aux jeunes Martiniquaise ?

Tout simplement de croire en elles, en leur potentiel ! J’étais déterminée, assidue quand j’ai commencé le foot, je savais où je voulais aller. Mon message, c’est travailler et rester sérieuse. Il ne suffit pas d’être détectée par un club, mais dès le début, il faut savoir ce que le petit garçon ou la petite fille veut et lui donner les moyens d’y parvenir ! Même si on a de la qualité — à part Messi aujourd’hui qui peut rester un an sans jouer au foot et revenir et faire mal à tout le monde — il faut travailler, se donner les moyens d’atteindre ses objectifs, ses rêves… Parce tout est possible !

Propos recueillis par FXG

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