KBR, le joker d'Anne-Sophie Lapix au JT de France 2
Interview Karine Baste-Régis, présentatrice remplaçante sur le 20 heures de France 2
« J’ai un côté bonne copine »
Ça fait quoi d'arriver dans le fauteuil du JT de France 2 ?
Les JT de France 2, c’est une quantité d’éditions ! Autant d’éditions que j’ai eu la chance de présenter — les JT de Télématin de 6h30 à 9h, le 13h semaine, 13h week-end, et le 20h semaine —, donc à bien y regarder je suis dans ce fauteuil depuis quelques temps déjà.
C'est sûr que ça n'a pas eu le même retentissement que l’arrivée d’Harry Roselmack au 20 heures de TF1 en 2007 !
Pas le même retentissement tout simplement parce que ce sont deux situations différentes. Deux chaînes différentes, deux journalistes différents et plusieurs années séparent ces situations. Lorsqu’Harry arrive au 20 heures de TF1, c’est un évènement car il est le premier présentateur noir au 20 heures. Quant à moi, 13 ans plus tard, cette nomination intervient dans un contexte tout autre. Une femme au 20 heures, une ultramarine, ce n’est plus — et heureusement — un fait extraordinaire. Aussi France Télévisions m’a vu et fait grandir. C’est au sein de ce groupe que j’évolue depuis tant d’années.
Vous n'êtes pas seulement une enfant de France Télévisions mais aussi de RFO et des Antilles !
Le réseau des chaînes La 1ère fait partie intégrante du groupe France Télévisions. Jamais je n’oublierai d’où je viens. Tant de souvenirs à RFO, Télé Martinique ou Martinique 1ère. Idem en Guadeloupe, Saint-Martin ou Saint-Barth. Tant de challenges ; tant de tournages sur le terrain. Des années particulièrement formatrices.
Quelle est la patte qui peut apporter une présentatrice comme vous dans un journal télévisé ? Quelles sont ses marges de manœuvre ?
La patte et la marge de manœuvre sont deux choses distinctes. Une présentatrice ou un présentateur apporte de fait sa touche à une édition. Je pense que de sa personnalité, unique, en découle un style et une approche. A titre personnel je suis quelqu’un de très actif en conférence de rédaction. Régulièrement je fais des propositions, soumet des choses qui m’ont interpellée dans l’actualité ou alors ose un pas de côté pour innover. L’objectif n’est pas d’avoir le dernier mot, mais d’être entendue afin de susciter le débat. Echanger avec les équipes est fondamental et très stimulant.
Et les marges de manœuvres, quelles sont-elles ?
La question est trop ouverte ! Tant de facteurs entrent en jeu. Nous faisons de la télé donc avoir envie de traiter une actualité ne suffit pas. Il faut des images, il faut idéalement des intervenants que nous n’aurons pas à flouter. A partir de là tout est possible en théorie ; puis en conférence de rédaction nous mettons chacun nos arguments sur la table, prenons toujours le temps d’évaluer l’intérêt du reportage souhaité et de nous poser la question des attentes de nos téléspectateurs.
On a connu des présentateurs vedettes qui parlaient de « leur » journal. Vous-même, parlez-vous de « votre » journal ?
Honnêtement à ce stade il ne m’est jamais arrivé d’évoquer « mon » journal. Cela ne me ressemble pas, et surtout je ne sais que trop combien chaque maillon est absolument essentiel. Lorsque vous voyez un(e) journaliste à l’antenne, dites-vous qu’en coulisses il y a une quantité impressionnante de personnes qui ont porté cette présentatrice, ce présentateur. Sans le responsable d’édition dans l’oreillette, sans la rédaction en chef, sans ceux qui s’occupent de la lumière ou du son… C’est simple, il n’y aurait pas de JT !
Avez-vous un modèle, une référence ?
L’idée d’un modèle me dit spontanément qu’il y aurait eu quelqu’un dont je me serais inspirée pour présenter notamment. Du coup je dirais que non. Face caméra vous avez juste « KBR ». Entière, entièrement moi-même.
Comment vivez-vous cette notoriété ? Les gens vous interpellent-ils dans la rue ?
Cela fait partie du métier ! Dès lors que l’on présente un JT, que l’on s’invite quotidiennement chez les gens, la notoriété est la règle du jeu. J’avoue ne pas être très à l’aise avec cela ; en revanche j’ai l’immense plaisir d’être reconnue pour ce que je suis. Le bonheur d’être interpellée sur ce naturel qui semble tant plaire aux téléspectateurs. Le revers de la médaille c’est que ce côté bonne copine engage des échanges parfois un peu longs. Souvent les personnes qui m’arrêtent me parlent de leur proches, de leurs projets… c’est touchant.
France Télévisions s'est imposé un pacte de visibilité pour les Outre-mer, je suppose que lors de ces conférences de rédaction vous en êtes une bonne avocate ?
Oui et non. J’ai évidemment une sensibilité ultramarine ; tout comme mes collègues bretons ou corses auront la leur. Donc je suis ce qu’il se passe outremer et bien sûr propose des reportages en conférence de rédaction. Toutefois j’ai la même exigence que pour toute autre actualité, les mêmes critères. Inenvisageable pour moi de proposer un sujet juste par principe ! Toutefois, France Télévisions n’a pas attendu ce pacte pour que concrètement lors de nos réunions l’outremer soit abordé. Même lorsque je présentais le Soir 3 il y a cinq ans, c’était déjà le cas. J’ai toujours été écoutée à ce niveau aussi.
Ça vous est déjà arrivé de glisser un petit clin d’œil sympathique et discret à des proches pendant un JT ?
Cela m’est sans doute arrivé oui ; mais alors il y avait forcément un lien avec une actualité et/ou un tournage. Par exemple une équipe qui aura tourné à la pointe Finistère, rencontré une famille particulièrement touchante qui leur aura ouvert ses portes et du coup permis au reportage d’exister… Je m’autoriserais volontiers un clin d’œil, un salut amical à tous ceux qui nous regardent dans le Finistère ce soir-là. Mais rien de personnel non !
Et un tchip ?
Rires ! J’ai presque envie de dire que ça n’est pas impossible, mais ce serait spontané ! Je reste un être humain ! Mais quand même, je vais me retenir. Faut pas exagérer !
Quel est votre meilleur souvenir d’un JT ?
J’ai des tonnes de bons souvenirs de JT ! Mais je dois avouer que les meilleurs sont ceux durant lesquels l’adrénaline aura été maximale. Vous savez, les couacs cela arrive souvent, mais beaucoup sont invisibles pour le téléspectateur. Notre challenge est justement celui-là : que rien ne transpire. A ce moment alors, quelle satisfaction, quel bonheur. Par exemple prendre l’antenne mais les principaux reportages ne sont pas prêts, et l’on vous glisse dans l’oreillette qu’il faut « meubler ». Jargon qui dans notre métier signifie de parler un peu plus longtemps que prévu, le temps de pouvoir mettre le reportage à l’antenne. Souvenirs aussi d’invités qui ne viennent pas mais nous en informent en dernière minute ; ou alors ce fameux matin sur Franceinfo canal 27 ou après une très longue préparation des 3h30 d’antenne, notre rédacteur en chef nous informe 5 minutes avant le début du JT qu’il n’y aura justement pas de JT… Edition spéciale car il vient d’y avoir des frappes américaines en Syrie. Incroyable challenge relevé alors avec l’équipe ! Les invités se sont succédé, c’était intense.
Dans ces conditions vous n'avez pas de mauvais souvenir ?
Pour moi ce n'est pas possible ! Après j'en ai parlé avec d'autres collègues qui me disent : « Mon Dieu mais plus jamais ! Dès qu'il y a un couac dans un JT, c'est trop stressant, C'est trop difficile… » Mais moi, le stress je ne connais pas ! Je ne connais que l'adrénaline.
Un fou-rire ?
Oulala ! Des fous-rires ! Il suffit de taper « fou-rire » et mon nom sur Google ! Ça m’est arrivé mille fois !
Et le blanc ? Vous êtes en interview en direct et d’un coup, plus rien… Vous ne savez plus de quoi vous causez…
Ça ne m’est pas arrivé au cours d’une interview, mais au cours d’un lancement. C’était en Martinique à la mort du chanteur de Gramacks, Jeff Joseph, en 2011. J’ai eu un trou, plus rien ! Je cherchais son nom… Ça a duré une éternité et le nom de Jeff Joseph ne me revenait pas. Et mon responsable d’édition qui devait me parler dans l’oreillette à ce moment-là gérait un petit problème technique et n’a pas pu me glisser le nom… Je me suis sentie seule au monde ! C’est la seule fois où une telle chose m’est arrivée, je m’en souviens comme si c’était hier.
A quoi rêvez-vous avec un tel parcours ?
Je n’ai jamais été du genre à rêver, mais depuis seize ans, si heureuse au travail et si gâtée qu’il m’est impossible de changer de logiciel. J’ai fait un million de choses. Aux Antilles, les yoles, les magazines Résonance ou Caméra Directe, visites ministérielles, l’hebdomadaire Caraïbes, le JT, le terrain…Toujours ce téléphone qui sonnait et des propositions de collaborations. A la fois une chance inouïe mais également la reconnaissance de mon travail et mon implication car je suis une bosseuse. Alors pour répondre à votre question : comment pourrais-je rêver aujourd’hui ? Rêver alors qu’il y a quelques semaines à peine, mon téléphone sonnait et le 20 heures m’était proposé. Je suis gâtée par la vie !
Propos recueillis par FXG
Son parcours vite fait
Après avoir été formée à l’ESRA, Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle, à Nice, Karine Baste-Régis, KBR, devient journaliste en Martinique à RFO. Puis, elle part en Guadeloupe, où pendant quatre ans, elle va couvrir l’actualité, notamment à Saint-Martin. Elle débute en tant que présentatrice à Martinique la 1ère. A l’été 2015, elle est présentatrice du Soir 3/week-end, en remplacement de Francis Letellier sur France 3. Elle assure également le remplacement de la présentatrice du JT de 19 heures en Martinique. En avril 2016, elle présente une émission spéciale Zika pour France Ô. Lors du lancement de la chaîne franceinfo canal 27 en septembre 2016, KBR assure tous les matins, de 6h30 à 9h30, la présentation des JT de la matinale de la nouvelle chaîne d’information en continu. En janvier 2018, elle présente en alternance le magazine d’actualité quotidien, les Témoins d’Outre-Mer sur France Ô, en alternance avec Sonia Chironi. Cette même année, KBR effectue des remplacements au JT 12/13 national. A partir de septembre 2019, elle présente les journaux télévisés de Télématin sur France 2. En octobre 2019, la journaliste assure des remplacements au JT 13heures, puis, pendant l’été dernier, au journal télévisé de 13heures le week-end sur France 2. Depuis le mois d’octobre, KBR assure les remplacements d’Anne-Sophie Lapix au JT de 20 heures de France 2. Elle sera à l’antenne du 28 au 31 décembre 2020.