Quelle place pour les langues premières à l'école outre-mer
Scolarité et plurilinguisme : l’exemple guyanais
Un rapport évalue les dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme dans les académies d’Outre-mer. Ce rapport intéresse de près la Guyane et ses 40 langues locales.
Dans les académies d’Outre-mer, les populations sont le plus souvent bilingues ou plurilingues. Le français y est soit une langue co-maternelle dans un usage concomitant avec le créole, soit une langue seconde à côté de la langue première, tel le businenge, l’amérindien ou le hmong en Guyane. Trois inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, Laurent Brisset, Antonella Durand et Yves Bernabé, ont été chargés de plancher sur le sujet. Ils jugent « souhaitable et bénéfique pour les apprentissages de faire une place à toutes les langues maternelles au sein du système éducatif ».
La Guyane dispose d’une quarantaine de langues qui cohabitent avec le français. Si le créole guyanais bénéficie à l’école des dispositions offertes aux langues régionales, pour les langues businenge, nenge tongo, kali’na, saamaka et wayampi, c’est le dispositif des « intervenants en langue maternelle » (ILM) qui est mis en œuvre depuis 1998. Ces ILM offrent aux élèves concernés un accueil à l’école préélémentaire dans leur langue maternelle. Ils réalisent en petits groupes un travail de structuration de cette langue première. Les évaluations donnent des résultats positifs, mais cette mesure ne concerne pas tous les élèves pratiquant ces langues. L’articulation avec l’enseignant et avec le travail de la classe est parfois délicate, ce qui amoindrit la cohérence des enseignements. Plus globalement, le dispositif, propre à l’académie, est très dépendant des responsables en place, ce qui a des effets variables sur le financement et sur la politique de recrutement et de formation continue. Enfin, les ILM travaillent sous un statut précaire, avec une reconnaissance de leur professionnalité qu’ils jugent insuffisante. L’académie déploie depuis quelques années une politique de montée en compétences des ILM pour les aider à se présenter aux concours de recrutement des professeurs des écoles, et une autre d’habilitation des enseignants locuteurs pour assurer un enseignement de et en langue première dans le cadre de leur classe. « Cette évolution, estiment les rapporteurs, est pertinente sur le plan pédagogique et symboliquement forte », mais elle doit être « encouragée et intégrée dans une réflexion générale sur les démarches d’apprentissage ».
Des langues absentes de la liste des langues régionales
Il est donc temps d’intégrer les langues les langues businenge, amérindiennes et hmong qui ne sont toujours pas inscrites dans la liste des langues régionales. Le rapport fixe au final une quinzaine de préconisations afin d’harmoniser les politiques éducatives comme par exemple d’offrir à tous les enseignants affectés en Outre-mer, en amont de la rentrée scolaire, « un dispositif conséquent d’accueil visant à les sensibiliser au plurilinguisme et à la diversité linguistique et culturelle », comme le propose le Livre bleu outremer. Il s’agit encore d’accélérer le remplacement progressif des ILM par des enseignants certifiés ou habilités à enseigner la langue première. Il est encore question de fixer comme priorité notamment pour l’académie de Guyane, l’accueil en maternelle de la totalité des élèves de plus de 3 ans. « La prise en compte des langues maternelles à l’école dans les territoires d’Outre-mer, concluent les rapporteurs, doit dépasser les enjeux culturels et politiques et privilégier l’intérêt des élèves ». L’objectif de ces recommandations est de viser un « plurilinguisme équilibré et apaisé ».
FXG
Le créole aux Antilles françaises et à La Réunion
Dans ces trois territoires, le créole est une langue très présente dans la vie quotidienne aux côtés du français. Dans le cadre des possibilités réglementairement offertes aux langues vivantes en général et aux langues régionales en particulier, un enseignement est proposé à l’école primaire, au collège et au lycée, avec quelques sections bilingues, peu nombreuses toutefois. Cependant, la dynamique dans la société et à l'école est variable selon les académies. En Guadeloupe, où la langue créole connaît la plus grande vitalité, l’enseignement est soutenu par un large consensus. En Martinique, l’offre d’un enseignement de créole est encore peu développée. C’est encore plus le cas à La Réunion où les réticences restent importantes à son encontre, tout comme les enjeux politiques qui lui sont associés.