Sylvie Gengoul, patronne d'Outre-mer la 1ère
Interview. Sylvie Gengoul, directrice du pôle Outre-mer de France télévisions.
« Tout part des territoires, c’est là que se trouve la matière »
La 4ème réunion du pacte de visibilité s’est tenue le 3 février dernier. Quel bilan a été fait pour la visibilité des Outre-mer à la télévision publique ?
La politique de visibilité des Outre-mer de France Télévisions est incontestablement dans sa phase de normalisation voulue par Delphine Ernotte, la présidente de France TV. Si l’on s’en tient au seul traitement de l’actualité au quotidien sur France 2 et France 3, le nombre de reportages a augmenté de 55% ces deux dernières années. De façon plus large, sur nos antennes, nous touchons désormais 1,4 millions de personnes quotidiennement et nous avons dépassé nos engagements pour les premières parties de soirée. Depuis la première réunion du Comité, leur nombre a été multiplié par 3. Sur internet, l’audience numérique est exceptionnelle avec 194 millions de visites pour le réseau des 1ère (c’est une hausse de 129% par rapport à 2019). L’outre-mer est aussi décliné à travers tous les genres ! L’opération « Cœur Outre-mer » est un succès qui touche plus d’un Français sur 2.
La visibilité est-elle une fin en soi ?
Tout ceci nous conforte dans l’ambition d’une visibilité qui valorise et qui fait sens. La visibilité n’est pas juste le fait d’être vu, elle donne à connaître, à comprendre et in fine à apprendre ensemble. C’est une façon de faire société ensemble. Nous travaillons aujourd’hui à une meilleure « découvrabilité » de l’ensemble de nos contenus hors info en particulier, avec une ergonomie adaptée à une plateforme généraliste et toujours ce même devoir de partager partout les valeurs de l’Outre-mer. Parmi nos chantiers prioritaires pour 2021, le lancement du FIFOM (festival des festivals du film documentaire d'Outre-mer) et le développement de notre stratégie de diffusion multi-supports pour les chaînes 1ère au national (FAI).
Globalement les chiffres sont bons, mais ils ne sont pas détaillés. Pouvez-vous nous faire connaître les audiences des émissions « Les témoins d’outre-mer », « C’est pas le Bout du monde » et « La Ligne Bleue Outre-mer » ?
« La ligne bleue outre-mer » c’est une moyenne de 159 000 téléspectateurs en 2020. En comparaison, nos documentaires en prime-time sur France Ô touchaient 60 000 personnes. « Les témoins d’outre-mer », en début de matinée, sur France 3 a réuni 45 000 personnes en 2020, soit 13 000 de plus qu’en 2019. « C’est pas le Bout du monde », pour son tout premier numéro, a rassemblé 160 000 personnes.
Pourquoi France 3 a-t-elle lâché « Riding zone », une émission qui flirtait pourtant avec le succès ? La rétrograder en version junior sur France 4 a donné une fâcheuse impression sur la façon dont France TV traite les Outre-mer…
« Riding Zone » est un magazine de référence des sports extrêmes. Les sports de glisse se jouent autant sur les pentes enneigées de Haute-Savoie que sur les vagues légendaires polynésiennes. Je ne vois pas là d’ADN outre-mer... Le wingsuit, le skimboard, le BMX, ou le kitesurf se pratiquent aux quatre coins de la planète en passant par les Outre-mer certes. Son exposition sur France 4 correspond à la ligne éditoriale de la chaîne et à la cible, à savoir le jeune public. « Riding Zone Junior » est d’ailleurs présente sur Okoo.
Quand verra-t-on les films lauréats des festivals créés avec France Télévisions (FIFO et FIFAC) sur les antennes de France TV ?
C’est déjà le cas puisque les documentaires lauréats des prix France Télévisions FIFO/FIFAC sont diffusés sur l’ensemble des chaînes du réseau des 1ère. En 2020, ceux de la deuxième édition du FIFAC ont été diffusés sur nos antennes de Martinique, Guadeloupe et Guyane la 1ère. France Télévisions a fait l’acquisition du très beau documentaire « Ophir », lauréat du grand prix FIFO 2020 pour une diffusion sur ses antennes nationales. Ophir, c’est l’histoire du combat d’un peuple pour sa souveraineté, pour sa liberté de vivre ses terres à sa façon, c’est l’histoire de femmes matrices d’une société d’hommes sur l’île de Bougainville en Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Les festivals ont vocation à devenir un levier pour notre rôle d’accompagnement et de stimulation de l'industrie cinématographique et audiovisuelle des territoires.
Deux outils sont annoncés comme une nouvelle étape dans la visibilité des Outre-mer : une commission d'étude et un Conseil consultatif des programmes dédiée aux Outre-mer. Concrètement, à quoi cette commission et ce conseil vont-ils servir ?
Le conseil consultatif des programmes est une instance créée en 2008, composée de téléspectateurs invités à réfléchir et proposer des recommandations sur les grands enjeux de l’audiovisuel public d’une manière globale. Cette année, l’outre-mer sera l’enjeu de ses travaux avec quatre thématiques : la visibilité sur nos antennes, l’information locale sur les 1ère, le portail des Outre-mer et enfin le rôle de France télévisions dans la prise de conscience des problématiques environnementales dans les territoires. Avec une commission de 31 conseillers issus de tous les territoires (les 13 régions hexagonales et 9 régions d’Outre-mer) et de toutes les générations, les travaux du Conseil bénéficieront de regards croisés et seront restitués en avant-première à la sous-commission Etude du comité pour la visibilité qui assistera à une partie de ces travaux.
Cette commission Etude a pour vocation plus largement de s’intéresser à l’impact de la visibilité et à une approche plus qualitative. Elle sera mobilisée pour participer à la rédaction d’un cahier des charges en support à un baromètre porté par la direction de la stratégie des publics de France télévisions. Les résultats de ces deux démarches seront présentés au prochain comité prévu pour le mois de septembre.
Depuis l’arrêt de France Ô, que se passe-t-il au siège de Malakoff dans les Hauts-de-Seine ?
Malakoff n’est ni le siège, ni le centre. « Les centres sont partout », disait Wallès Kotra, mon prédécesseur, et notre paradigme aujourd’hui est bien que tout part des territoires, c’est là que se trouve la matière ! Des ressources qui interagissent pour faire bouger les lignes et témoigner d’un autre regard sur le monde. Malakoff est un de ces dix centres et c’est lui qui outille la dynamique transversale. Malakoff agit en complémentarité avec les territoires pour enrichir l’offre, produire de la visibilité en radio, en télé et sur le web avec des équipes engagées elles aussi sur le portail, pour s’intéresser à nos populations ultramarines de l’Hexagone, pour assurer la continuité de traitement de l’actualité ultramarine dans l’Hexagone. Pour coordonner des flux répartis sur 11 fuseaux horaires, Malakoff est aussi décisif : flux de diffusion, acquisition de programmes, dynamique de distribution, programmation en respect des coûts de grille. La cohésion de l’ensemble de notre écosystème repose sur ses 10 sites. Malakoff ne manque pas d’activités si c’est le sens de votre question ! C’est là que se fabrique le nouveau rendez-vous d’information à paraître bientôt sur France 24 pour une visibilité quasi mondiale, tout cela se fabrique à Malakoff avec les contenus de nos stations.
Les changements que vous avez orchestrés à la tête des stations en Martinique, Guadeloupe et Guyane sont-ils synonymes d’une nouvelle impulsion ? Laquelle voulez-vous donner ?
La crise que le monde traverse impose une impulsion forte, avec un socle solide, des collaborations qui s’ajustent et se recomposent d’un comité de direction à l’autre, pour répondre et conduire le renouvellement de notre mission de media public. Avec 9 radios, 9 flux linéaires et 9 sites web, le Réseau des chaînes 1ère doit être un acteur essentiel de la dynamique territoriale. L’impulsion que nous proposons est claire : chaque station a vocation à être un media global de proximité qui doit produire des bénéfices sociaux pour chacun de ses territoires, dans un projet collectif respectueux de nos valeurs et soucieux de l’épanouissement de toutes nos équipes sans exception. Chacun des directeurs du comité de direction qu’il soit en territoire ou à Malakoff est engagé sans réserve de positionnement personnel pour participer au bien commun à un moment où des précarités se font de plus prégnantes dans un monde contraint de se repenser.
Un an après son lancement, quel est le bilan du portail numérique outre-mer ?
Le portail a été lancé en juin 2020 et rencontre son public avec plus de 20 millions de visites. Il offre aujourd’hui un contenu riche de 250 productions de documentaires, web-séries, fictions, spectacles vivants, 3 600 articles et 25 000 publications dans le fil. Le Portail est encore en phase d’évolution pour s’enrichir et immerger nos publics dans des expériences inédites. Dans les prochains mois, l’appli mobile combinera l’accès au portail et aux sites des 1ère.
Propos recueillis par FXG