Plainte pour empoisonnement au chlordécone
Ecologie urbaine demande des actes aux juges en charge de l’empoisonnement au chlordécone
L’association Ecologie urbaine dont les conseils sont Mme Boutrin, Yang Ting et Constant ont adressé le 26 mars dernier une note aux deux juges d’instruction en charge de la plainte pour empoisonnement au chlordécone, Brigitte Jolivet et Fanny Bussac, pour leur signifier les demandes d’actes qu’ils entendent leur faire parvenir. Comme l’ensemble de leurs confrères concernés par ce dossier brûlant, ils expriment leur désaccord sur l’intérprétation des juges et du parquet quant à la prescription, mais surtout, ils estiment « nécessaire de prendre en compte le crime d’empoisonnement ». En l’occurrence, les trois avocats estiment que « en l’état du dossier, il y a lieu que (vous fassiez) un soi-transmis au parquet en vue de prendre un réquisitoire supplétif visant le crime d’empoisonnement ». Selon eux, le rapport d’expertise de Jean-Luc Rivière et de Myriam Siegwart, qui a été notifiée aux parties civiles le 21 septembre dernier, établit que ce crime est légalement constitué. Ils s’appuient pour cela sur le fait que la « dangerosité du chlordécone » a été établie par les rejets successifs des demandes d’homologation par la commission d’étude de la toxicité en 1968 et 1969. Ainsi « le potentiel de pollution de ces produits était non seulement connu de la communauté scientifique française et a fortiori internationale mais aussi de tous les acteurs agricoles » quand les autorisations provisoires ont été accordées d’abord le 1er février 1972, puis le 21 mai 1974, le 30 juin 1981 avant une nouvelle homologation le 29 octobre 1986. Il y a donc eu « intention criminelle » quand « l’Etat a délivré en toute connaissance du danger d’empoisonnement de la population une autorisation de mise sur le marché d’un pesticide organochloré dont le caractère mortifère était connu ». Les avocats précisent que « le crime d’empoisonnement n’intègre pas dans ses éléments constitutifs la volonté de donner la mort, mais simplement la volonté, en toute connaissance de cause, d’administrer une substance dangereuse pouvant donner la mort ». Il conviendrait donc que « ce crime soit visé et pris en compte » dans le cadre de l’instruction des deux juges. Il faut donc une saisine du parquet à cette fin, d’où le soi-transmis aux fins d’obtenir un réquisitoire supplétif. Par ailleurs, les avocats demandent aux juges d’élargir leur instruction au stockage du produit car ceci constitue un délit depuis au moins 1999.
En ce qui concerne la prescription que le procureur de Paris, dans l’interview exclusive qu’il a accordée le 16 mars dernier à France-Antilles, semble réputée acquise « dès le dépôt des plaintes », ils s’y opposent farouchement, jurisprudences de la Cour de cassation à l’appui, mettant en avant « les procès-verbaux dressés par les agents de la DCCRF qui ne constituent nullement de simples actes d’enquête administrative (…) mais des actes de police judiciaire ». Ces actes des agents de la DCCRF, donc celui du 4 septembre 2002, ne seraient ainsi pas pris en compte dans l’instruction. Ce dernier PV avait d’ailleurs, rappellent les avocats, abouti au lancement d’une procédure contre Antoine Marraud-des-Grottes en sa qualité de gérant de la SARL Macouba, et d’Eliane Francourt, exploitante agricole, pour des faits de « tromperie sur les qualités substantielles et risques inhérents à l’utilisation commis en 2002 ». Une demande d’enquête avait été adressée au parquet de Fort-de-France le 23 avril 2004. A la date de la plainte le 24 février 2006, l’infraction n’était donc pas prescrite. Les avocats complètent leur note en rappelant que ni les juges ni le parquet n’ont guère pris en compte « le caractère occulte et dissimulé » des infractions. Ils concluent en priant les juges de bien vouloir, avant de clôturer leur instruction procéder à ces investigations supplémentaires, non sans leur rappeler « qu’aucune audition de témoins, aucune audition du personnel en charge de la conservation des pièces » qui auraient disparu, n’a été effectuée.
FXG