Commission d'enquête parlementaire : lutte contre l'orpaillage illégal
La difficile reconquête des sites d’orpaillage illégaux
L’ingénieur général des mines, Antoine Masson, au nom du Conseil général de l'économie, et l’inspecteur général Bernard Larrouturou, au nom du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ont été auditionnés mercredi 23 juin par la commission d’enquête parlementaire sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. Ils ont été mandatés pour une mission sur le développement d’une filière aurifère responsable en Guyane. Leur travail s’est basé sur une expérimentation lancée en 2012 qui devait permettre, dans le cadre d’une procédure accélérée, à des orpailleurs légaux de venir s’installer sur des sites d’orpaillage illégaux. Dix autorisations d’exploitation ont été ainsi attribuées. L’exploitation des sites a duré douze mois. 260 kilos d’or ont été extraits sur neuf des dix sites (le dixième n’a pas fourni ses chiffres ; une procédure est en cours), soit environ 30 kilos par exploitation. D’emblée Bernard Larrouturou a expliqué que le bilan de cette expérimentation était mitigé. Tout d’abord, l’objectif était de réoccuper vingt sites. « Une partie des entreprises ne se sont pas intéressées à la démarche, regrette M. Larrouturou. Elles ne se sont pas mobilisées. » Mais ce qui a aussi favorisé ce recul de 50 % de l’objectif, c’est que les zones de gisement identifiées par les forces Harpies présentaient parfois un accès trop difficile et se sont révélées moins prometteuses qu’attendues. Si chaque site a donné 30 kilos, une autorisation d’exploitation normale permet d’extraire plutôt 50 à 60 kilos d’or. Les entreprises ont-elles utilisé des techniques de qualité suffisante pour épuiser les sites ? Seuls deux entreprises sur sept ont sollicité le Pôle technique minier de Guyane (PTMG)… « Ces entreprises n’ont pas toujours eu un comportement exemplaire », a indiqué M. Larrouturou, se référant aux associations de défense de l’environnement, et qui n’a pu savoir si on avait ou pas constaté le retour des illégaux sur le site à la fin de son exploitation légale. « Il y a eu carence de suivi dans cette expérimentation. » Autre aspect décevant : seuls six sites sur dix ont été réhabilités.
Antoine Masson a relaté une autre initiative qui s’est déroulée au PK 48 sur la RN 2, non loin de Cacao, en 2019. Là, se trouvait un site alluvionnaire exploité jusqu’en 2018 par la compagnie minière Boulanger. Des garimpeiros l’ont ensuite occupé et exploité en alluvionnaire. Puis, ils se sont installés au sommet d’une colline et ont creusé des dizaines de puits et de galeries pour exploiter la roche primaire en profondeur. A la suite de problèmes survenus à Cacao, un plan d’urgence a été mis en place par le préfet et le procureur : un poste temporaire Harpie a été créé et la Compagnie minière Boulanger est revenue, bénéficiant de la protection des forces armées pendant un an. Avec une société canadienne, Boulanger a réalisé de profonds forages. En 2020, le dispositif de sécurité a été allégé et les illégaux sont revenus. Les travaux d’analyse des forages sont en cours et selon les résultats, Boulanger et son partenaire canadien décideront d’aller plus loin ou pas… « La poursuite de l’expérimentation avec cette approche qui vise à favoriser les orpailleurs légaux, explique M. Masson, n’est pas valide. Elle n’a pas fait ses preuves. » De nouvelles expérimentations devraient être lancées, mais plus limitées avec comme objectif de faire la preuve que l’exploitation légale sur un site exploité jusqu’alors par des illégaux évite réellement le retour des illégaux. Les opérateurs devraient être ainsi mieux associés au choix des sites et leurs démarches devraient être plus sélectives quant à leurs capacités techniques. Enfin, cela implique un vrai dispositif de suivi et d’évaluation des opérations. C’est encore loin d’être le cas.
FXG