Festival d'Avignon 2021
Avignon : Guédon, Descas et Pisiou dans le in
Le festival d’Avignon accueille dans sa sélection officielle cette année trois spectacles avec des comédiens antillais ! Le grand spectacle d’ouverture dans la cour d’honneur du palais des papes, La Cerisaie du Portugais Tiago Rodrigues (qui succèdera l’an prochain à Olivier Py à la tête du Festival), met en scène à côté d’Isabelle Huppert le Guadeloupéen Alex Descas. De l’autre côté du Rhône, la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon accueille une création de la Martiniquaise Laetitia Guédon, Penthésilé.e.s Amazonomachie. La directrice des Plateaux sauvages revient ainsi à Avignon douze ans après avoir présenté dans le cadre du festival off Bintou, de Kofi Kwahulé, à la chapelle du verbe incarné, théâtre des Outre-mer en Avignon. « C’est un spectacle théâtral avec une esthétique indisciplinée, explique la fille de feu Henri Guédon, sur les femmes et la puissance. »
Penthésilée est une héroïne de la guerre de Troie, la reine des Amazones qui combat le guerrier Achille et tombe amoureuse de lui. « J’ai utilisé cette figure de la tragédie pour parler en creux du lien qu’entretiennent les femmes, le pouvoir et la puissance. » Il y a dix ans, le comédien guadeloupéen, Yohann Pisiou, était lui aussi à l’affiche de Bintou en 2009. Et lui aussi revient cette année dans le festival in. Il joue dans la grande fresque théâtrale de Baptiste Amann, la trilogie jouée pour la première fois dans son intégralité (7 heures !), Des territoires, au gymnase du lycée Mistral. Yohann Pisiou joue le rôle de Moussa, un gars qui a un camion pizza dans la cité où vit la fratrie dont il est question dans cette pièce en trois parties. Moussa est amoureux d’une des filles de cette famille et il vient prendre de ses nouvelles dans une période d’émeutes et tous se retrouvent en confinement dans la maison où vit cette fratrie…
Olivier Py, le patron du festival, qui avait dû annuler l’édition de l’an passé à cause du covid, a choisi cette année un thème très dystopique, à la limite de la science-fiction : « Se souvenir de l’avenir ! »
FXG
Festival d’Avignon du 5 au 25 juillet
La Guyane, Condé, Foix, Diakok dans le off
Le festival Off accueille lui aussi des créations antillaises et guyanaises. Au théatre de la chapelle du verbe incarné, trois pièces venues de Guyane : Bernarda Alba de Yana, de Federico Garcia Lorca, adapté et mis en scène par Odile Pedro Leal du Grand Théâtre Itinérant de Guyane avec Irène Bicep, Cornelia Birba, Micheline Dieye, Sarah Jean-Baptiste, Ophélie Joh, Jean-Marc Lucret, Odile Pedro Leal, Emilie Simonnet et Maïte Vauclin ;
Comme l’oiseau, de Bérékia Yergeau (Cie Maztek, Centre dramatique Kokolampoe et EPCC Les Trois Fleuves) avec Anahita Gohari, Noémie Petchy et Roland Zeliam ;
Marielle en vrai, de et avec Marielle Salmier, dans une daptation théâtrale et mise en scène de Ricky Tribord (LNT’S Productions).
La chapelle accueille également le spectacle de Danielle Gabou, Moi, Tituba sorcière… Noire de Salem, d’après les textes de Maryse Condé avec Danielle Gabou (récit, danse) et Lise Diou-Hirtz (piano).
A noter dans le cadre des écrans du Tout-Monde qu’accueille la chapelle du verbe incarnée, la présence d’Anouchka de Andrade, la fille de Sarah Maldoror, le 11 juillet, autour de Sylvie Glissant et Edwy Plenel.
Le théâtre de l’albatros accueille Atikté, une création théâtrale et chorégraphique du Guadeloupéen Alain Foix qui pose une nouvelle fois dans ce face à face entre une juive (Morgane Lombard) et un Palestinien (Fred Fortas) les problématiques de la mémoire et de l’identité dont il déjoue les conflits et oppositions pour mettre à nu la question de l’individu dans sa complexe humanité. Philosophe et anthropologue du geste, Foix met la danse au cœur de ce dialogue théâtral avec une chorégraphie minimale et sensible conçue par Manuèle Robert.
Le théâtre Golovine accueille la compagnie de danse Boukoussou du chorégraphe guadeloupéen, Max Diakok, et son spectacle Masonn (murs) qui emprunte au Gwoka et au Hip-hop pour explorer le thème de l’altérité, « l'autre-miroir, l'autre monstrueux, pour débusquer les illusions. » Avec Esther Trusendi, Maryem Dogui, Omar Cretella et Jérémie Polin.
Enfin, Moi chien créole, du Martiniquais Bernard Lagier, fera l’objet d’une lecture dirigée par le Guadeloupéen Dominik Bernard avec Ndy Thomas le 16 juillet à 10 h 30 dans le cellier Benoît XII du palais des papes.
Festival Off, jusqu’au 29 juillet.
Yohann Pisiou de Sainte-Anne au in d’Avignon
Les Martiniquais et les Gua-deloupéens le connaissent parce qu’il a joué dans L’Impossible procès de Guy Lafages, mis en scène par Luc Saint-Eloy, et aujourd’hui, il brille dans une méga fresque théâtrale de sept heures au programme du « in » au festival d’Avignon. Yohan Pisiou est le fils d’un entrepreneur en maçonnerie marie-galantais qui a grandi dans le bourg de Sainte-Anne en Guadeloupe. Après le lycée Gissac de Poirier, il part à Hérouville faire sa terminale. Il vit en cité et commence la boxe anglaise. Effrayé par le climat normand, il part à Montpellier où il retrouve des amis du lycée pour étudier le journalisme. C’est alors qu’il découvre le théâtre… « J’ai toujours voulu être comédien, raconte celui qui, en primaire à Sainte-Anne, avait comme professeur Ary Kancel. On avait travaillé Le Petit Prince de Saint-Exupéry et il a dit à mes parents qu’il fallait que je fasse du théâtre… » Le petit Yohann écrit un peu, il rêve d’être scénariste, réalisateur, comédien, de jouer avec Denzel Washington ! « Je ne connaissais pas le théâtre… J’y suis allé pour la première fois à 20 ans ! » C’est son prof de philo en Normandie qui l’emmène voir La Cantatrice Chauve à Paris. « J’ai trouvé le concept mortel ! » A la fac, il s’ennuie, arrive facilement en maîtrise et voit le temps filer. Une visite à la journée des associations le met en contact Pierre Castagnier de la Compagnie maritime, une école de théâtre. L’homme lui dit d’abord : « Comédien, c’est un métier. » En huit mois, Yohann suit les trois cursus « débutant, intermédiaire, professionnel ». Il décroche ensuite le concours de l’école nationale de Cannes où ça va être trois années de théâtre intensif.
Bintou avec Guédon
Il monte dès la sortie de l’école Le Monte-Plat d’Harold Pinter avec Baptiste Amann, celui-là même qui lui permet aujourd’hui de fouler les planches sacrées d’Avignon avec sa création Des Territoires. En 2009, Laetitia Guédon l’appelle pour jouer dans Bintou où la troupe décroche le prix de la presse. Leur collaboration se poursuit avec Le Médecin Malgré lui en 2011, puis Samo, a tribute to Basquiat en 2017 qu’il va jouer pendant trois ans et que l’on a pu aussi voir aux Antilles.
La pièce qu’il joue cette année à Avignon, il travaille dessus depuis sept ans avec son camarade Baptiste Amann qui en est l’auteur. Il y a eu une première version dans laquelle il était comédien, puis il y a eu une deuxième version dans laquelle Yohann était assistant à la mise en scène pour le premier volet, et comédien pour les deux autres. La pièce Des territoires a démarré par un appel à projet et le texte a été repéré parmi 600 autres scripts avant d’être montée à Bordeaux. De fil en aiguille les coproductions se sont agrandies, le projet a pris plus de puissance jusqu’à être sélectionné au festival d’automne à Paris, d’arpenter les scènes nationales de Marseille, Béthune. La pièce, l’équipe, la scénographie, tout a gonflé au point qu’ils sont enfin arrivés au sommet, le festival in d’Avignon.
FXG