Logement social outre-mer en panne
Le logement social a perdu 25 % de ses financements en dix ans
Un rapport sénatorial pointe l’échec de la politique du logement social outre-mer depuis dix ans et plaide pour une véritable territorialisation de cette politique.
La délégation outre-mer du Sénat a adopté jeudi 1er juillet le rapport sur le logement Outre-mer établi par Victorin Lurel (PS), Micheline Jacques (LR) et Guillaume Gontard (EELV). Ce rapport intervient après que la Cour des Comptes a déploré l’échec du plan logement Outre-mer 1 et à un an de l’échéance du plan logement Outre-mer 2 dont il y a fort à craindre que le bilan soit lui aussi décevant. Non seulement l’objectif de 10 000 logements neufs par an n’a pas été atteint, mais le parc d’habitat social continue de se dégrader… De fait, il apparaît clairement que La ligne budgétaire unique (la LBU est la part du budget de l’Outre-mer consacré par l’Etat à la construction et la réhabilitation de logements sociaux) a perdu 25 % en neuf ans ! Elle était de 270 millions d’euros sur la période 2010‑2014, 247 millions sur 2015‑2017 pour n’être plus que de 220 millions d’euros en 2018 et 2019. En Guadeloupe par exemple, les montants exécutés sont passés de 69 millions d’euros en 2010 à moins de 25 millions d’euros en 2020. Dans tout l’Outre-mer, on comptait 14 138 logements construits ou réhabilités en 2012, ils n’étaient que 8 646 en 2018, 7 304 en 2019 et 8 100 en 2020.
La loi égalité réelle Outre-mer votée en 2017 prévoyait une taxe sur les logements vacants. Cette disposition n’est toujours pas mise en œuvre
La sénatrice de Saint-Barthélemy Micheline Jacques a fait remarquer que « si 80 % de la population de départements et régions d’Outre-mer sont éligibles au logement social, seuls 15 % y vivent ! »
Inefficience et opacité du pilotage budgétaire
Outre préconiser que cesse « la spirale d’effondrement des crédits de la LBU », les sénateurs regrettent que l’on fasse porter aux collectivités locales leur « manque d’ingénierie » pour expliquer la sous-consommation des crédits de LBU alors que l’Etat ne fait plus son travail d’accompagnement et d’ingénierie. La direction générale de l’Outre-mer (la DGOM est l’administration du ministère) est effectivement passée de 356 agents en 2004 à 116 aujourd’hui. Tant la Cour des comptes que la mission IGA CGfi ont relevé l’inefficience du pilotage budgétaire par la DGOM. Les restes à payer par l’Etat en matière de LBU s’élèvent à 736 millions d’euros. Quant la promesse de l’Etat de consacrer le montant du produit de la vente des SIDOM à CDC Habitat (pour 161 millions d’euros), elle n’a pas été tenue. 37,4 millions d'euros devaient abonder le budget de la LBU. Seuls 18,7 millions d'euros ont réellement été versés au budget de l’Outre-mer en 2021.
Les sénateurs ont également pointé une certaine opacité sur le pilotage et la gestion des crédits en faveur du logement, notamment les critères de ventilation géographique, ou les ajustements budgétaires. « Le redéploiement interne des crédits en fin de gestion par la DGOM, observe M. Lurel, se fait ainsi de manière centralisée, opaque et discrétionnaire. » Quant à la défiscalisation du logement social, elle est victime de « logiques purement comptables d’économies ».
En conclusion, ce rapport plaide pour une meilleure mobilisation des financements et, d’autre part, pour une véritable territorialisation de la politique du logement. Il plaide encore pour que l’agence nationale de l’habitat (ANAH) qui a pour mission d'améliorer le parc de logements privés existants par des aides financières aux travaux, puisse réellement intervenir en Outre-mer. Enfin, il préconise de créer une instance de concertation et de co-pilotage de la politique territorialisée du logement replaçant les élus locaux au cœur du processus décisionnel et de suivi.
FXG