Chlordécone et cancer de la prostate
3,45 millions pour étudier les liens entre chlordécone et cancer de la prostate
L’Institut national du cancer (InCa) a présenté, mardi 9 novembre, les membres du consortium de chercheurs sélectionnés pour répondre à la question du lien entre l’exposition à la chlordécone et la survenue du cancer de la prostate dans le contexte des Antilles. Ce consortium et son programme interdisciplinaire de recherche font suite à l’appel d’offres lancé le 25 juin 2020. L’InCa avait été saisi sur ce sujet en avril 2018. Les cinq experts indépendants qui constituent ce consortium sont Clarisse Joachim-Contaret, professeure associée en Santé Publique et directrice du registre des cancers de Martinique, cheffe de pôle de cancérologie, hémathologie, urologie du Centre Hospitalier Universitaire de Martinique, Florence Ménégaux, chercheure en épidémiologie au Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (équipe Exposome et Hérédité de l’INSERM U1018), Sara Aguiton, chercheure en sociologie au CNRS (Centre Alexandre Koyré, École des Hautes Etudes en Sciences Sociales), Malcom Ferdinand, chercheur en sciences politiques au CNRS (laboratoire IRISSO, Université Paris Dauphine) et la professeure de médecine en uropathologie et histologie à l’Université de Tours, Gaëlle Fromont-Hankard, (INSERM UMR 1069 Nutrition, croissance et cancer).
L’élaboration de leur programme a été finalisée en septembre dernier et il bénéficie dans le cadre du plan chlordécone IV d’un financement à la hauteur de 3,45 millions sur une durée de cinq ans. Il appartient aux cinq experts d’organiser les recherches pour mieux connaître les liens entre cancer de la prostate et exposition au chlordécone. D’un point de vue épidémiologique, il s’agit de compléter l’étude karuprostate de 2007 du professeur Multigner. Pour cela, il est envisagé une nouvelle étude sur tous les nouveaux cas de cancer de la prostate en 2023 et 2026 en Martinique, soit une population estimée à 1200 patients auxquels il conviendra d’ajouter deux groupes témoins de 1200 personnes chacun. Six infirmiers de recherche seront recrutés et formés pour ce travail dont on attend les premiers résultats en 2026.
Il est encore prévu une étude pour valider la signature moléculaire de la chlordécone sur 500 patients. Il s’agira là d’une étude physiologique des tissus des patients que conduira la professeure Fromont-Hankard. Enfin, une enquête sociologique conduite par Sara Aguiton et Malcolm Ferdinand (qui prévoit quelques 400 entretiens et l’emploi de sept chercheurs en sciences sociales sur le terrain pendant cinq ans) complètera cette investigation.
L’ensemble des présentations et échanges lors du séminaire, hier, laissait entendre qu’à l’heure actuelle et en l’état actuel de nos connaissances, l’étiologie du cancer serait d’abord due à des causes génétiques, que la recherche rétrospective de l’épidémiologie des malades actuels revenait, selon le professeur John Cherrie de l’Institute of Occupational Medicine, Heriot Watt University, à « chercher une aiguille dans une botte de foin ». C’est en raison de l’ardeur de la tâche que la recherche interdisciplinaire s’est imposée en permettant une meilleure connaissance de « la représentation de la contamination au chlordécone » avec des questionnements tels que « vivre dans un environnement contaminé » ou encore « expérience de la pollution et modes de gouvernement ».
Le but final de ce programme de recherche est de bénéficier de véritables indicateurs épidémiologiques, de mieux qualifier la nature des liens entre cancer de la prostate et chlordécone, de parvenir à identifier « l’homme à risque » et d’identifier un « processus politique et social qui contribue à renforcer ou amoindrir le lien entre pesticide, santé et environnement. »
FXG