Guadeloupe : une situation insurrectionnelle inattendue
C'est Max Mathiasin, le député Modem de la Guadeloupe, qui a fait face à la presse nationale lundi soir après l'allocution du Premier ministre
La Guadeloupe au menu d’une réunion de crise à Matignon
Il aura fallu quelque deux heures de réunion avant que le Premier ministre, sollicité par les élus de la Guadeloupe, prononce une allocution télévisée en direct lundi 22 novembre au soir. Jean Castex a d’abord insisté sur la fermeté face aux violences dont est sujet la Guadeloupe pour que l’ordre soit rétabli. Les responsables de ces violences, a-t-il déclaré, « continueront d’être arrêtés et jugés ». Pour le Premier ministre, «la crise sanitaire est un prétexte. Il ne s’agit pas d’exprimer seulement une opposition à l’obligation vaccinale des soignants et aux mesures de suspension que nous avons prises pour les 1400 professionnels qui se sont soustraits à ce jour à cette mesure sanitaire, il s’agit surtout désormais d’agresser et de piller. »
Pendant cette longue réunion, les trois sénateurs Dominique Théophile, Victoire Jasmin et Victorin Lurel, les députés Justine Bénin, Olivier Serva et Max Mathiasin, le président de l’association des maires, Jocelyn Sapotille, le président du Conseil départemental, Jean-Philippe Courtois et, par visio-conférence, Ary Chalus, Guy Losbar, la députée Vanqueur-Christophe et le préfet Rochatte ont échangé non seulement avec le chef du Gouvernement, mais avec les ministres de l’Intérieur, de la Santé et des Outre-mer.
Il aura fallu attendre près d’une demi-heure après l’intervention télévisée du Premier ministre pour voir enfin la délégation des élus de Guadeloupe sortir dans la cour de Matignon où toute la presse nationale les attendait. Ils ont pris le temps de la concertation et c’est le député Mathiasin qui a pris la parole en leur nom à tous. « La réponse qui a consisté à envoyer des forces de l’ordre est un début de réponse républicaine, a déclaré le député Modem, mais la vraie réponse est de s’attaquer aux structures mêmes qui déséquilibrent notre société car nous fonctionnons depuis trop longtemps dans nos départements avec des inégalités par rapport à la France hexagonale. »
Les élus indiquaient avoir d’abord exposé au Premier ministre la question de la vaccination pour le personnel médical et les sapeurs-pompiers et obtenu la mise en place d’une mission du ministère de l’Intérieur pour les soldats du feu. Dès lors qu’ils pourront présenter un test PCR négatif de moins de 72 heures, ils pourront retourner au travail, a expliqué M. Mathiasin. Côté soignants, une mission de concertation permettra l’étude individualisée au cas par cas de chaque situation pour rétablir le dialogue « avec un esprit de pédagogie » : « Pour ceux qui refuseront absolument la vaccination, que ce soit pour des raisons d’éthique, de religion ou simplement par peur, a expliqué Max M. Mathiasin, des mesures seraient prises pour étudier des possibilités de reclassement. » Le Premier ministre a clairement affirmé qu’il n’est pas question de revenir sur l’obligation vaccinale.
Une situation insurrectionnelle inattendue
Le second volet de la réunion a touché au volet économique et social : « Nous nous sommes appesantis sur la question de la jeunesse, a indiqué M. Mathiasin, parce qu’une part de ces jeunes qui sont aujourd’hui sur les barrages, est une jeunesse désoeuvrée, laissée à la périphérie de nos villes et mêmes des communes ». Le ministre des Outre-mer s’est engagé à mettre en place un dialogue pour définir ce qui pourraient être mis en place par l’Etat ou les collectivités en matière d’eau, de transport ou, selon le Premier ministre, « du déploiement de tous les dispositifs d’accompagnement économique et social pour gérer les conséquences de la crise mais aussi favoriser la relance de l’emploi ». Le dialogue va donc se poursuivre entre le gouvernement et instances locales avec de prochaines réunions annoncées dès la semaine prochaine, avec le ministre des Outre-mer.
Pour autant, les élus guadeloupéens par la voie de leur porte-parole ont indiqué : « Je ne peux pas dire que les conditions d’un retour au calme sont réunies. Nous n’avons pas voulu, nous élus, nous substituer aux organisations syndicales qui sont en grève. Il s’agit d’un collectif qui ne nous a pas donné délégation pour parler en son nom. Nous avons pris nos responsabilités d’élus face à la crise que traverse notre pays, face à la violence, face à ce que nous n’avions jamais vu même en 2009, pour demander cette rencontre. Nous ne pouvons présumer que notre démarche puisse faire cesser le mouvement de grève. » Les élus ont été unanimes à dénoncer les violences et se sont prononcées pour « le rétablissement de la paix républicaine. On ne peut pas accepter que les biens et les personnes soient menacés physiquement et que nous frôlions les blessés ou les morts, avec des tirs à balles réelles sur les gendarmes et la police. » Pour autant, les annonces du Premier ministre sont-elles à la hauteur de la crise ? « La situation insurrectionnelle de la Guadeloupe, a répondu Max Mathiasin, personne ne s’y attendait… Cette situation appelle une première réponse de rétablissement de l’ordre, mais il faut traiter les problèmes de fonds de cette société par le dialogue et les possibilités qu’offre la République. »
FXG