Le candidat à la présidentielle du PCF était en Guyane et en Guadeloupe
Fabien Roussel, député du Nord et candidat du PCF à la présidence de la République, était à Cayenne la semaine du 22 novembre avant de poursuivre son périple en Guadeloupe en pleine crise. Interview.
« Je suis venu parler de salaire, de pouvoir d'achat, de vie chère »
Dans quel état d’esprit êtes-vous venu ?
Je suis venu pour rencontrer, écouter, comprendre et certainement pas pour donner des leçons mais essayer de trouver ensemble les meilleures solutions. Je sais qu'il y a une colère sociale qui est forte, je sais que la crise sanitaire a provoqué beaucoup de décès, de douleur, mais aussi beaucoup de déchirement et de division. Je veux donc pouvoir me rendre compte de ces difficultés et de cette crise de confiance qu'il y a vis-à-vis de la parole politique, vis-à-vis du gouvernement.
La tension sociale est plus que vive…
Oui, j’ai vu ! Il y la crise sanitaire, mais il y a aussi la vie chère et je sais que la vie chère ça pèse plus fortement là-bas que chez nous en métropole où pourtant ça pèse ! mais je sais qu'en Martinique et en Guadeloupe c'est pire encore. La hausse des prix va de 30 à 60% de plus par rapport à l'Hexagone ! je connais les revenus des ouvriers agricoles qui est très faible, des retraités agricoles qui touchent 380 ou 400€ par mois. C’est aussi tout cela qui suscite beaucoup de colère et d'ailleurs je regrette que la réponse du gouvernement soit d'envoyer 200 gendarmes parce que au contraire de cela il faut tout faire pour enrayer l'escalade de la violence, tout faire pour dialoguer mais surtout tout mettre en œuvre pour répondre aux attentes légitimes des populations. Il faut baisser les taxes sur ces produits et si ce sont des taxes qui sont encaissés par les collectivités locales, je pense notamment à l'essence, cela doit être compensé par l'état. Ce n'est pas aux collectivités de payer la baisse des taxes, c'est au gouvernement de créer les conditions pour que l'essence, les denrées alimentaires, les produits de première nécessité coûte moins cher. Et puis, bien sûr, je me bats pour tous nos concitoyens, y compris ceux de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane pour augmenter les salaires et les pensions. C’est quand même la première mesure à mettre en œuvre pour que chacun puisse vivre dignement de son travail. je trouve inconcevable que encore aujourd’hui un salarié avec un travail à temps plein ne puisse pas vivre dignement de son salaire parce qu'il est trop bas.
Vous réclamez aussi un plan d’urgence pour les Outre-mer à la hauteur de ce qui a été fait pour Marseille ?
Alors que des voix montent de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane pour demander une aide exceptionnelle, des moyens supplémentaires pour faire face à la crise sociale que vivent leurs populations depuis des mois avec la hausse des prix des denrées alimentaires, des matières premières, de l'énergie, de l'essence, alors que tous attendent des mesures concrètes, le débat budgétaire à l'Assemblée nationale, il y a quinze jours, s'est conclu par un mépris suffisant de la part du gouvernement qui a rejeté tous les amendements que nous avons pu présenter. J’ai interpellé le Premier ministre pour lui dire que, au lieu d'afficher ce mépris, il ferait mieux d'écouter et de donner des moyens à ces territoires pour répondre aux besoins de leurs populations. Ce sont des moyens d'une même ampleur que ceux qui ont pu être débloqués pour Marseille. C’est-à-dire que ce n'est pas du saupoudrage, ce ne sont pas quelques chèques de quelques dizaines de euros à distribuer aux habitants, ce sont des moyens pour transformer en profondeur ces communes, ces territoires en investissant dans les écoles, dans l'assainissement, dans le traitement des déchets, en investissant dans la formation pour répondre aux besoins en matière d'emploi. C’est de ce type d'investissement et de plan qu'il y a besoin de faire en urgence, c'est en tout cas ce que m'ont dit les élus avec qui j'ai eu l'occasion de parler pour préparer mon voyage.
A combien fixez-vous le budget de ce plan Marshall ?
Ce n'est pas à moi de dire quelle enveloppe il faut débloquer. Au contraire il faut ouvrir la discussion avec les associations, les syndicats, les représentants des salariés et avec les collectivités. Une grande table ronde permettra de réunir tout le monde ainsi que les ministères concernés pour travailler ensemble au plan à mettre en œuvre pour apporter toutes les réponses aux habitants afin qu'il puisse vivre dignement. Il y a des dossiers en souffrance comme celui de la chlordécone où tout n'a pas été fait, tout n'est pas fait pour rapporter les réparations aux familles, aux salariés qui ont été empoisonnés ! comment voulez-vous après que la parole de l'Etat soit respectée quand lui-même ne respecte pas ses concitoyens.
C’est cette grande consultation que vous ferez en premier si vous êtes élus à l’Elysée ?
C’est la première chose que je ferai mais, président de la République, je ne viendrai pas ici pour donner des leçons et dire à quelle sauce les habitants seraient mangés. Je souhaite donner des pouvoirs nouveaux à ces collectivités, à tous les habitants des territoires d'outre-mer. Ils ont besoin d'avoir des pouvoirs nouveaux afin d'avoir la capacité de décider eux-mêmes des politiques dont ils ont besoin et des coopérations à mener avec la métropole.
Votre candidature a fait l'objet d'un débat interne au sein du Parti communiste, quel sens lui donnez-vous aujourd’hui ?
Nous avons pris le temps du débat, de la consultation et si nous n'avons pas tous été d'accord au départ, la situation, je le sens, a changé. L’utilité de ma candidature est confirmée par le fait que la crise sociale est aujourd'hui de plus en plus forte, que tout est fait pour l’escamoter, ne pas en parler et mettre les questions migratoires, les questions du racisme au cœur du débat. Je souhaite moi, au contraire, que l'on puisse parler de salaire, de pouvoir d'achat, de vie chère et c'est le sens de ma candidature.
Avez-vous d'ores et déjà toutes vos signatures ?
Bien sûr j'aspire à avoir le soutien de conseillers régionaux, de maires, d’élus des différentes collectivités. J’ai adressé un courrier spécifique aux élus de tous les territoires d'outremer, qu'ils vont recevoir dans les jours qui viennent. C’est un courrier qui justement tient compte des spécificités de la culture, de la géographie de l'ensemble de ces territoires.
Propos recueillis par FXG