Alfred Marie-Jeanne et son patrimoine
Inéligibilité, amende et prison avec sursis requis contre Alfred Marie-Jeanne
Le parquet a requis hier contre Alfred Marie-Jeanne une peine de trois mois de prison avec sursis, une amende de 10 000 euros et une peine d’inéligibilité de deux ans, ces deux derniers assortis d’une exécution provisoire. La défense a plaidé la relaxe pure et simple.
Alfred Marie-Jeanne était jugé hier par la 11e chambre correctionnelle de Paris pour avoir omis de déclarer à la Haute autorité de la transparence de la vie publique (HATPV) à l’occasion de la fin de son mandat de député en 2017 le solde de ses comptes bancaires ouverts à la Caisse d'Epargne pour un montant de 182 143 euros, ses revenus perçus le temps de son mandat parlementaire (à savoir 248 000 euros d’indemnités de député, 170 000 euros de pension de retraite et 20 000 euros d’indemnités d'élus local). Il était encore poursuivi pour ne pas avoir répondu à l’injonction de la HATPV de lui répondre sur ces points. L’enquête de police a pu montrer qu’il n’y avait aucune anomalie, ni de variation anormale du patrimoine de M. Marie-Jeanne entre le début et la fin de son mandat de député. Concernant ses comptes bancaires, la confusion est venue de la fusion de la BDAF et de la Caisse d’Epargne qui a laissé croire à la HATPV que l’élu avait deux fois plus de comptes bancaires qu’il n’en détenait réellement. Quant aux revenus qu’il a omis de déclarer, c’est sa fille Maguie qui s’en est occupé sur le site Internet de la HATPV. Elle a procédé à une déclaration fin décembre 2016, mais de façon incomplète avant d’en commettre une rectificative, mais hors délai, le 7 janvier suivant, et elle encore incomplète, tout en précisant ne pas disposer immédiatement des données demandées. Il aura fallu plusieurs mails au cours de l’année 2017 et un courrier remis par un huissier pour que l’ancien député réponde aux demandes d’explication de la HATPV. Trop tard ! Devant les enquêteurs, en mars 2019, Alfred Marie-Jeanne a parlé d’un « loupé ». Le parquet a alors proposé une comparution de reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) assortie d’une simple amende de 2 500 euros. Cette composition pénale a été refusée par l’élu qui a préféré être jugé en audience publique, estimant qu’il n’était coupable de rien et qu’il ne voulait rien cacher de son patrimoine et ses revenus aux Martiniquais.
« C’est pas moi, c’est ma fille ! »
En l’absence de l’intéressé qui a présenté un certificat d’interdiction de vol pour quatre mois, le procureur de Paris s’est montré extrêmement sévère avec lui dans ses réquisitions : « Il y a un problème de compréhension de cette obligation par ceux qui y sont assujettis. Je me moque qu’un député dorme ou ne fasse rien, mais pas qu’il se dérobe à ses devoirs. » Il lit le texte de loi : « Le député adresse personnellement… Pas sa fille ! Et les manquements de sa déclaration lui sont imputables ! Le solde du compte relève lui aussi des obligations personnelles du député. » Non sans avoir rappelé que le « défaut de réponse à l’injonction » était un délit, il a affirmé que les infractions étaient « matériellement caractérisées ». D’où ses réquisitions qui ont jeté un froid dans la salle d’audience surtout quand il a demandé l’exécution provisoire pour l’amende et l’inéligibilité. « C’est pas moi, c’est ma fille ! », a ironisé le procureur anticipant sur la défense qui a plaidé la relaxe.
Maître Frédérique Pons a indiqué que si Alfred Marie-Jeanne avait bénéficié de la CRPC, c’est que les faits poursuivis n’étaient pas « graves » contrairement à la peine d’inéligibilité requise. « Tout ça, a-t-elle déclaré reprenant le rapport d’enquête, est un malheureux concours de circonstances, un enchaînement de situations, mais pas un signe de mauvaise volonté. Un député qui ne travaille pas, c’est bien plus grave qu’un député qui demande à sa fille de répondre à cette formalité sur internet ! » Pour Me Pons, l’élément intentionnel n’est pas établi. Maître Alex Ursulet a dressé un portrait de « celui qui a voulu ériger en mode de fonctionnement l’intégrité et la rigueur » : « C’est une institution qu’il ne faut pas salir, un symbole qu’il ne faut pas abimer… Chaben, ce Blanc aux yeux bleus, fils d’une servante et d’un gendarme (…) que tout le monde appelle désormais Papi. Nou ka voté Papi ! » Avant de rappeler que Philippe Seguin, alors premier président de la Cour des comptes, avait félicité Alfred Marie-Jeanne pour sa gestion de la Région, l’avocat Martiniquais a conclu : « Il n’y a pas d’affaire Marie-Jeanne, juste une fille qui n’est pas à la hauteur de l’amour de son père ! »
Le tribunal judiciaire de Paris rendra son délibéré le 5 avril prochain.
FXG