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Publié par fxg

Jean-Yves Le Déaut, ancien député et ancien président de l'OPECST

Jean-Yves Le Déaut, ancien député et ancien président de l'OPECST

On sait décontaminer et aussi combien ça coûte

Plus de dix ans après son premier rapport sur la molécule de la chlordécone et son impact sur les Antilles françaises, l’office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a commencé la mise à jour des données qu’elle compulse pour les mettre à la disposition des décideurs publics. Jeudi, les parlementaires se sont intéressés lors d’une audition publique aux conséquences environnementales et agricoles de la pollution liée au chlordécone, ainsi que les éventuelles solutions de remédiation et de sécurisation des productions agricoles.

Thierry Woignier, directeur de recherche au CNRS à l’Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Écologie marine et continentale, Pierre-Loïc Saaidi, maître de conférences à l’Université d’Évry Val d’Essonne, et Christophe Mouvet, ancien chef de projet au BRGM ont fait un point sur l’évolution des connaissances des impacts de la molécule sur les sols et les perspectives de décontamination. Leur exposé, somme tous assez érudit, a révélé d’abord qu’on savait désormais décontaminer, certes partiellement, les sols grâce à des procédés physiques ou chimiques qui ont pu être expérimentés in situ. Ainsi, il existe des moyens pour séquestrer la molécule grâce à des apports organiques comme certain compost, d’autres pour la dégrader en modifiant le PH du sol ou en y ajoutant des atomes de fer (le moyen le plus rapide et le plus significatif même s’il n’ôte pas tout). Il faut cependant encore pousser les recherches en ce qui concerne les métabolites, fruits de la dégradation de la molécule de même qu’il faut mesurer « l’écotoxicité des produits de transfert ». La phytoremédiation a aussi été étudiée. Certaines plantes sont ainsi capables d’absorber, de capter la molécule même si quantitativement le bilan n’est pas très bon à côté de celui de l’atome de fer qui atteint les 50 à 60 %...

Les recherches ont aussi permis de dire que si, avec sa structure en cage, la chlordécone se fixe fortement au sol, ce n’est plus pour une durée de 4 à 500 ans, mais d’un siècle seulement, si l’on peut dire… Si on sait dégrader ou confiner la chlordécone, cela a un coût qui lui aussi est désormais connu : 16 000 euros l’hectare. Comme 1/5 du sol guadeloupéen est pollué et 2/5 en Martinique, l’effort financier à produire atteint plus de trois milliards !

« Il n’y a pas une solution unique, a déclaré, Jean-Yves Le Déaut, l’ancien président de l’OPECST et coauteur du rapport de 2009, mais un bouquet de solutions. »

Cédric Villani

Magalie Lesueur-Jannoyer, du Cirad, Marc Voltz, de l’INRAE, professeur consultant à Montpellier SupAgro, Charlotte Dromard, de l’Université des Antilles et Guido Rychen, professeur des Universités à l’ENSAIA ont fait le point sur la pollution des milieux aquatiques et des ressources halieutiques et agricoles et les moyens mis en oeuvre pour sécuriser les aliments. Leurs conclusions des scientifiques nous enseignent qu’il va falloir apprendre à vivre avec la chlordécone pendant longtemps et que l’objectif reste de l’éliminer des produits alimentaires en mettant en place des dispositifs de contrôle des limites maximales de résidus (LMR) que ce soit dans les végétaux (racines, salades, curcubitacées) ou les animaux à commencer par les poissons et crustacés…

Si la recherche ne peut tout résoudre, elle reste indispensable pour solutionner le problème à côté de la prévention et l’apprentissage de la cohabitation. Bonne nouvelle, c’est dans quelques jours que l’ANR doit valider un programme multidisciplinaire de recherches d’un mont de plus de 2 millions.

Quant au « Zéro chlordécone », tous les participants se sont accordés pour dire que ce n’était qu’un slogan. On aura compris qu’il faut « tendre vers le zéro chlordécone ». Si les impacts sur les humains ne doivent être abordés que lors de la prochaine audition de la semaine prochaine, il a été rappelé la nécessité de s’occuper d’indemniser les victimes et pas seulement les malades professionnels.

Invité à conclure l’audition publique, le président de l’OPECST et député (non inscrit) Cédric Villani s’est montré critique : « C’est dommage ! Ce n’est pas la première fois que l’OPECST a raison sans que personne ne bouge ! » Fustigeant qu’il ait fallu treize ans depuis le rapport de 2009, il a compté en milliard les moyens qu’il faut investir pour dépolluer pour faire des recherches tous azimuts : « Le recensement du degré de contamination des différentes parcelles n’est pas encore achevé. Il n’y a pas eu de financement pour les chercheurs qui s’intéressent aux dérivés de la chlordécone ! » Il a conclu son intervention en regrettant que l’Etat fasse l’autruche : « Cela mine le sentiment de solidarité nationale entre la métropole et les Antilles. La chlordécone, c’est un travail de longue durée et avec les budgets qu’il faut ! »

FXG

Une seconde audition publique, le 1er mars, s’intéressera aux conséquences sur la santé humaine et aux répercussions sociales aux Antilles.

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